L'excitation est à son comble. Aujourd'hui, c'est pour moi un grand jour. Un très grand jour ! C'est mon premier entraînement. Avec ma mentor. Plume Rousse ! C'est une louve que j'admire. Et pour cause ! C'est l'Alpha Esobek ! Enfin ça ne l'est pas vraiment, elle assure juste les fonctions d'Yroen, car elle n'est pas en état d'être Alpha. Pourquoi ? Je ne sais pas. Personne ne veut me le dire. Enfin ... Plume Rousse est une louve très forte. Je suis honoré qu'elle soit ma mentor. Vraiment.

Cela fait peu de temps que j'ai passé mes cinq mois. Autant dire que pour trouver un mentor, ç'aura été rapide. Et pour commencer l'entraînement aussi. Écume des Songes m'a conduit dans un endroit abrité, qu'elle nomme « les abris ». Je ne connaissais pas avant. Lorsqu'elle m'a reveillé ce matin (enfin, dois-je préciser que je n'avais pas vraiment dormi cette nuit, trop excité pour fermer l'œil ?) j'ai bondis à sa suite. C'est quelque chose qui me tient vraiment à cœur.

" Nous allons commencer ton entrainement aux abris, là-bas nous pourrons trouver une pierre pour que tu puisses faire une course de poids pour travailler ta mâchoire. "

Nous voici donc aux abris. La louve s’assoit en face de moi, attendant sûrement une réponse (ou une question, enfin ... bref.). Je prends le temps de la contempler, de contempler cette louve que j'admire. Moins que Maman, sûrement, mais il faut dire qu'elle n'est pas très forte Maman. Voir comment la louve blanche méchante l'avait mise en déroute ... Enfin ! Je lève les yeux vers Plume Rousse, je suis déjà en position propice au jeu.

" Ok ! "

Il est vrai que l'on sent une certaine déception dans ma voix. En même temps ... Moi, je croyais qu'on allait se battre entre nous dès le début. Après tout, je vais devenir guerrier, je vais protéger les Esobeks, moi. Pas tuer des cailloux (à moins qu'ils puissent nous attaquer, là, d'accord, ce serait important que je sache mordre des cailloux !). J'essaie quand même de rehausser ma voix dans un ton plus enjoué, je ne vais surtout pas offenser ma mentor et Alpha.

" Ça a l'air bien ! Comment ça se passe ? Je ... Dois les tirer comment ? Avec les pattes ? "

Ce n'est qu'après que je réalise que ce que j'ai dit est ridicule. Bah oui, si je dois travailler ma mâchoire, je ne vais sûrement pas tirer avec mes pattes !

Ce qui devait arriver arriva, naturellement.

" Non pas avec tes pattes, mais avec ta mâchoire, tu dois prendre celle de ton choix et courir avec elle dans ta gueule le plus longtemps possible. "

Je vois qu'elle rigole, mais je fais tout de même mine d'avoir peur, d'être rabroué. Je pense que c'est un signe de respect que d'être soumis à ceux qui le méritent. Mais comme je sais qu'elle ne veut que mon bien, je me dirige en trottinant vers les gros tas de pierre. Je m'approche lentement, c'est une création d'hommes, alors ... Bon. Il faut être courageux. Je balaie le tas du regard. Est-ce que ce serait mieux de l’impressionner ? D'en prendre une énorme ? Quoique, je n'en serais pas capable. Je jette un regard à mon mentor. Elle m'observe, sans changer son expression amusée. Non ... Je reporte mon attention sur les roches. J'en prends donc une de taille moyenne dans la gueule et reviens vers elle. La pierre est assez lourde, mais je suis capable de la garder. Je lui lance un regard. Je sais ce qu'il me reste à faire. Mais j'attends son feu vert.

" Ché bien, chelle là ? "

Je souris à mon mentor, ravi.

" Oui ! Tu vas donc pouvoir commencer à courir avec la pierre dans la gueule, ne la lâche surtout pas et cours le plus longtemps possible, je te regarde ! "

C'est bien quelque chose à ma portée. J'hésite néanmoins un petit instant, observant l'endroit. C'est un grand abri, je pense qu'en faisant le tour en courant cinq ou six fois, cela devrait suffire. Je resserre la pierre dans mes mâchoires, elle commençait à glisser. Je me dirige d'un pas lent vers un des murs et commence à trottiner. Lentement, puis j'accélère petit à petit. Mes pattes se soulèvent, foulent le sol, et bientôt, après un ou deux tours, je suis à ma pleine vitesse. La pierre s'échappe souvent de ma gueule, c'est pourquoi à chaque fois que je resserre les crocs dessus, je le fais encore plus fortement. Au troisième tour, je commence à oublier Plume Rousse pour me concentrer uniquement sur l'exercice. Mes mâchoires me brûlent, mes poumons fatiguent, mes pattes sont lourdes au cinquième tour. Mais je veux donner le meilleur de moi-même, alors je continue. Six. Sept. Huit. Neuf. Dix. Au dixième, je ralentis, épuisé, ne tenant presque plus debout. Mais fier. Je m'arrête, n'attendant même pas l'ordre de la guerrière. Je retourne vers elle, lève les yeux vers son visage, une lueur d'espoir au fond des prunelles. Je suis essoufflé.

" C'est un très beau travail que tu as fais là, je suis fière de toi. Comment te sens tu ? "

Comment je me sens ? J'essaie de me poser sincèrement la question. Je suis encore à bout de souffle, mais je me reprends lentement. Mes pattes ne sont pas lourdes, j'essaie de me projeter dans mes veines, dans le sang qui y coule, dans toutes les cellules de me corps. Je n'y trouve pas la moindre once de fatigue. Je suis fier. Mais j'essaie de paser outre cette fierté en essayant de porter un regard plus extérieur. Non. Je ne suis pas fatigué.

" M-merci, je bredouille en m'asseyant, battant de la queue. Je me sens bien, vraiment. "

Je plisse les yeux légèrement, laissant échapper un grognement de bonheur. Elle est fière de moi. Plume Rousse, Alpha Intendante, meilleure guerrière du clan. Fière de moi. Satisfaite. Je ne connaissais pas son caractère, mais dans ma tête, les personnes importantes sont souvent impitoyables. Bon, peut-être pas Plume Rousse. Mais je suis si honoré ! Si honoré qu'elle soit fière ! Je m'emballe peut-être vite ...