F. 2
A. 10
E. 11

« CHASSE INVERSÉE »

Je dors. Suspendue par une patte à moitié brisée. Hier, une autre chauve-souris m'a violemment mordu la patte. Avec ça, je suis tombée au sol et j'ai failli me faire dévorer par les rats. Heureusement pour moi, mon autre patte n'était pas cassée. J'ai pu remonter à temps, même si cela faisait drôlement mal. Je suis faible. J'ai du mal à rester accrochée pour ne pas tomber et mourir dans la gueule d'un prédateur. Mais je le dois. Je dois rester là. La nuit, il fait très froid. Comme cette nuit-là. Je ferme les yeux. La bande de chauve-souris elle, est pourtant pleine de vie. Et en tant qu'animaux nocturnes, nous nous envolons souvent pour rejoindre les vastes extérieurs. Ils s'en vont. Je reste là, les yeux fermés. Je dors à moitié. Pourtant je n'accepterai pas le fait de m'endormir. Pourquoi ? Parce que si je tombe, c'est ma vie qui tombera, elle aussi. Si je tombe, je ne pourrais plus m'envoler. Si je tombe alors, les prédateurs se jetteront sur moi. Heureusement pour moi, je n'ai pas eu de petit à élever. Sinon, je serai déjà morte. Je suis déjà assez faible comme ça, alors avec des petits sous les aile,ce n'est même pas la peine d'espérer à la moindre chance de survie. Mon corps se gèle, mais pattes tremblent. Petit à petit, mes crochets glissent le long du mur. Lorsque je remarque je glisse, petit à petit, je me rattrape avec parfois beaucoup de mal. Mais à force d'être aussi faible, mes yeux se plissent, et se ferment. Peut-être définitivement. Cela fait quelques jours que je ne peux plus voler. La faim me tiraille, la mort me traque à grands pas. Mais aujourd'hui, je ne peux plus supporter la douleur. Mon bras entier souffre, depuis que je reste accrochée là à essayer de survivre. Mais sans eau ni nourriture, ne serait-ce qu'un fruit juteux, sucré, amer ou bien acide qu'importe, je serai déjà beaucoup mieux. Sans penser à rien, je lâche. C'est alors la douleur qui s’amplifie mais qui, au bout du compte, s'efface. Je pousse un vilain cri strident avant de retomber, au sol, sur le dos. Tout le monde est partie. Ma bande aussi. Sauf un. Mais celui-là, ce n'est pas une chauve-souris. On dirait un ourson. D'ailleurs, il a la tête d'un loup, il a le pelage noir. Je plisse les yeux. Je ne vois qu'une masse noire, petite et finalement pas si grosse que ça : je remarque que c'est vaguement un loup. Je ferme mes yeux sans me soucier de rien : Après tout la mort n'est que synonyme de délivrance et de satisfaction. En fermant mes yeux, c'est comme un ballet qui se termine et, en même temps, je ferme mes yeux et lui claque sa mâchoire. Je n'ai même plus le temps de penser à rien. J'ai depuis quelques minutes cessé de souffrir. J'ai, depuis quelques instants, cessé de vivre.