F. 0
A. 10
E. 10

Faim. Froid. Sale. Tout se combinait pour ne former qu'une seule chose : le néant. Il était impossible de rester ici. Et pourtant, il fallait bel, et bien traverser les égouts pour rejoindre les caves, ou la zone de stockage, bien plus loin. L'obscurité était là : aucun filament de lumière ne passait à travers le sol du dessus. Les égouts, c'était peut-être l'endroit el plus humide et le plus dégoûtant d'ici. Dans certains boyaux, les acides s'écoulent dans le courant violent. Elles acheminent le tout je ne sais où, loin devant, certainement dans un endroit bien plus loin que la prison. En plus de ça, les cadavres de poissons suivaient le courant. Ils étaient parfois broyés par la force des eaux et les vagues qui se bousculaient, les unes après les autres, dans les différents boyaux. L'humidité mouillait les parois murales. La mousse grignotait les murs encore abîmés par la crasse. Rongé par la faim, Andy n'avait d'autre solution que de s'aventurer là où la faim le menait. Les égouts devaient abriter certains rongeurs ou poissons malades, au risque de tomber lui aussi, gravement blessé de l'intérieur. Les maladies étaient certainement nombreuses, et en mangeant les êtres malades, le petit pourrait bien mourir. Seulement, Skull ne lui avait pas appris ce qu'était la chasse, la recherche d'objets sous terre ou l'espionnage, la traque, la course-poursuite, la fuite ... Rien de tout cela. Andy espérait simplement trouver un animal mort encore gras, il espérait juste trouver un os avec de la viande dessus.

Il avait enfin été sevré. Les femelles de la Horde avaient aimablement partagé leur lait avec le petit-fils de Skull. Le mâle était à présent membre à part entière de la Horde. Il pouvait manger les petits morceaux de viande, les repas régurgités, la moelle et autres petites choses. Mais avant de fantasmer sur une carcasse, Andy devait se mettre au travail. Skull allait bientôt lui apprendre le travail d'un membre de la Horde, le travail de loup, le vrai, celui qui fait souffrir et transpirer des antérieurs. Et pourtant, jamais le louveteau noir ne s'était penché sur le vif du sujet. Il n'avait jamais appris à chasser, à sauter sur une carcasse de voiture rouillée, à faire tout ce que les adultes réussissaient à faire du haut de leurs quatre pattes. Andy s'assis alors, pensif. Son museau heurta le plan d'un mur. Dans l'obscurité, il avait un peu de mal à voir les obstacles qui se dressaient devant lui. Il ne fallait que compter sur ses pattes et sur son odorat, ses futiles oreilles, et encore ... Le mâle se fondait parfaitement dans les sombres égouts. Son petit corps noir charbonné était presque invisible.

Assis sur le sol mouillé, Andy écoutait le bruit de l'eau. Elle s'écoulait rapidement dans les boyaux. La peur de sombrer dans l'eau le prenait de nouveau. Oui, il y songeait bien des fois. Et peut-être qu'un jour, cela arrivera. Peut-être que quelqu'un arrivera, et le poussera dedans. Les peurs du louveteau sont nombreuses. Malheureusement, il y pense souvent. Il se cache alors dans ses poils, mettant ses deux pattes devant ses yeux jaune orangé. Il plissait les yeux, submergé par la peur. Elle le rongeait, elle le hantait.

Andy a toujours eu peur que quelqu'un puisse venir et le pousser, le taper ou bien, le tuer. La souffrance, il l'a connu à travers le cadavre de sa mère. A sa naissance, le louveteau avait senti la mort près de lui. Même s'il ne l'avait pas vu, Andy l'avait sentie. Sa mère mourut tout de suite après la naissance du petit mâle. Ce dernier n'avait pas attendu longtemps avant de rencontrer la mort à travers sa génitrice. Malheureusement, il garde toujours un souvenir d'elle. Non pas de sa mère : mais de la mort. Et à présent il a peur. Des visions, il n'en a pas pour le moment. Mais bientôt il en verra. Des choses imaginaires, certaines choses que seuls les fous peuvent voir. Ce n'est que le début d'une maladie, peut-être n'est-ce que le début d'une grande folie, d'un chagrin, d'un désespoir. Andy ne vivra pas comme sa mère ni comme tous les autres loups, ça, c'est sûr et certain. Mais le louveteau se rend compte qu'il n'a jamais connu son père, tout comme sa mère. Qui peut-il bien être ? Un loup blanc, comme Oilossë ? Un loup noir ? Il n'en sait rien et pourtant, il le saura très prochainement. Un dédale, un labyrinthe. Ce sont quelques souvenirs datant mais très précieux. Plus tard, ils lui serviront très sûrement. En fermant les yeux, Andy raconte. Andy raconte son histoire dans sa tête. Rien de plus constructif pour une nouvelle vie. C'est une sorte de récapitulatif de sa petite vie bien triste. Ses parents, ils ne les verra plus jamais. Ou du moins, pas sa mère. Son père, est-ce réellement un père ? Oilossë s'est fait attrapée au mauvais moment, et par la mauvaise personne. Un loup noir l'avait prise au moment de ses chaleurs. Il aura juste attendu le moment de la naissance du louveteau. Ensuite, la femelle mourut sous ses crocs et griffes tranchantes. Il ne le saura pas. Il ne le saura peut-être jamais. Andy sombra dans un sommeil profond. Il n'entendait plus qu'une voix : celle d'un loup adulte à la voix un peu cassée, rauque et grave. Il avait l'air de lâcher un discours étrange. Andy n'y comprenait rien. Pris de peur, il cri, dans son sommeil, inconscient de ses paroles.

« Black Widow ! » S'écria-t-il, en versant une larme sur le sol humide où il était allongé. Une, deux, trois, puis un torrent de larmes se déversa sur ses joues. « Je sais que tu es là ! Je sais que tu m'entends et je sais que tu as tué maman ! » Il pleurait dans son sommeil. Le louveteau noir ne se réveillait pas, et continuait à crier. Sa voix résonnait dans les égouts.

Il avait l'air de s'être endormi de peur. Le louveteau criait comme il le pu. Sa tête devint chaude, presque bouillante. Un mâle de crâne s'installait petit à petit. Il se calmait soudainement, et souffla rapidement. Sa respiration devint rapide et, son petit corps se soulevait lorsqu'il inspirait. Ses yeux restaient cependant fermés.