Le monde à l'envers

« Chaque prédateur à son prédateur »

Je me trouvais sur mon nouveau territoire depuis quelques jours seulement. Et quel territoire! L'infirmerie des tranchées de ces étranges bipèdes. Malgré les odeurs nauséabondes et la crasse la plus complète des lieux. Ce lieu était à mes yeux littéralement paradisiaque. Des rats, des souris et des ratons laveur de toutes les sortes et de toutes les tailles pullulaient dans tous les sens. Je n'avais qu'à tendre la patte pour assurer mon repas. D'ailleurs, je commençais à prendre du poids. Mon reflet dans un miroir brisé me le confirma. Il faudrait que je me remette à chasser dignement. Mais que voulez vous. On s'habitue très vite à la belle vie et encore plus après avoir vécu de longues périodes de vache maigre. J'aurais du quitter les souterrains de la ville bien plus tôt. Enfin bon, ce n'est pas la peine de s'apitoyer sur le passé surtout quand on a tout l'avenir devant soi. Ces imbéciles de rongeurs n'avaient pas quitté les lieux malgré mon installation. Ce qui à mes yeux prouvaient leur absence complète d'intelligence. M'enfin bon ce n'est pas le moment de disserter. Mon estomac gargouille c'est l'heure du déjeuner. J'en salive d'avance. J'entreprends de faire ma toilette histoire d'avoir l'air digne lorsque je m'empiffrerais. Je me lèche les pattes et lisse ma fourrure beige et marron. Puis je m'engage dans l'infirmerie. Je repère instantanément deux gros rats. Quel fumet. Je m'approche pas à pas ils ne me remarquent pas. Puis le plus gros se retourne à mon approche et s'enfouit avec un couinement d'horreur. Tant pis, je le laisse partir et bondis sur le deuxième qui tétanisé par la peur n'a pas bougé. Je lui tords le cou de la patte gauche. Puis je savoure son gout délicieux. Une bouchée puis une autre. Je le remercie intérieurement pour son manque de courage car il m'a grandement facilité le travail. Et entre deux bouchés je repense à l'autre rat et trouve cocasse que ce soit le plus gros qui ai réussi à se faire la belle. Un ricanement m'échappe bientôt suivi d'un rictus mauvais. Si il pense qu'il va m'échapper il se trompe complètement. Je lui laisse quelques jours de vie tout au plus. Soudain un bruit me tire de mes pensées et je me retourne brusquement. Il fait sombre alors j'ai du mal à voir. Mais mon odorat m'indique une odeur de canidé. Un chien. C'est impossible ces lâches ne se déplacent pas sans leurs maîtres. Ces hommes dont la folie est responsable de ma présence ici. Ne voyant toujours rien je commence à grogner mais au fond je n'en mène pas large. Mais je ne vais pas laisser quelqu'un me voler ma pitance. Je suis le roi ici. Je tends mes muscles prêts à bondir ou à fuir. Mais je me liquéfie sur place en voyant le loup noir émerger d'un coin de lumière. Je m'enfuis en voyant son sourire carnassier. Mais il me rattrape quelques instants plus tard et me plaque au sol avec sa patte droite. Il secoue la tète de droite à gauche comme pour me narguer et c'est la dernière chose que je vois avant de sentir ses crocs tranchants dans ma carotide.