Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Fut un temps, jamais je ne me déplaçais seul. A une époque, il y avait toujours près de moi une louve, la seule louve au monde que je pouvais désirer. La seule louve au monde capable de me faire rire, de me rendre heureux. Pendant bien longtemps, nous avons dépendu l'un de l'autre et malgré mon rôle de protecteur, je me demande si au final, je n'avais pas plus besoin d'elle qu'elle n'avait besoin de moi. Louveteaux, nous étions toujours fourrés ensemble mais au final, est-ce que je n'étais pas un poids, pour elle ? J'ai toujours été asocial, incapable de partager ma petite soeur avec qui que ce soit. Je n'ai jamais été capable de la laisser tisser des liens avec d'autres loups que moi. Peut-être que j'étais trop prenant, trop imposant, et qu'elle étouffait à mes côtés. Peut-être est-ce pour cela qu'elle a disparu. Peut-être a-t-elle décidé de s'en aller sans moi, d'enfin vivre sa vie. Les premières semaines, j'étais animé par une colère sourde. Je la cherchais partout, et j'étais prêt à massacrer le responsable de sa disparition. Mais, finalement, peut-être que l'absence de piste avait une raison logique. Peut-être, ma petite soeur ne souhaitait-elle pas être retrouvée. Je soupire longuement, cette prise de conscience est foutrement douloureuse. Malgré la douleur, peut-être.
J'ai quitté mon poste tôt ce matin, la relève a été assurée. J'ai laissé Arawn vaquer à ses occupations, et pour la énième fois depuis ... Combien ? Deux lunes ? Moins ? Plus ? Je ne suis plus sûr de voir le temps passer ou s'arrêter; j'ai rejoins la surface. Malgré l'immense joie que m'a apporté la naissance de mes tendres petits, le manque reste là, la douleur demeure inaltérable et j'ai cette sensation de vide qui jamais ne s'estompe. Et puis, mes petits, mes tendres petits, je n'ai aucun droit de les voir, de les regarder, de les toucher. Je ne peux pas m'occuper d'eux comme un père le devrait, parce que mon identité est dangereuse pour eux. Les protéger est ma priorité désormais, même si pour cela je dois ne pas exister. Atom m'a promis qu'elle leur parlait d'eux tous les jours, qu'elle leur rappelait à quel point je les aime et comme je pense souvent à eux. Elle ne saurait leur dire avec exactitude ce que je ressens, mais je sais qu'elle le leur dit. Même s'ils ne savent pas que je suis là, ils savent que j'existe et que je vis pour eux. Un jour, nous nous rencontrerons. J'en suis certain. Et ce jour-là, plus rien ne pourra jamais m'empêcher de vivre avec la famille que j'ai fondée.
Sous les bombardements sanglants des humains, dans un ciel de cristal tacheté de lueurs roses et orangées, je quitte les sous-terrains pour rejoindre l'extérieur. Combien de fois suis-je venu errer ici ? Bien avant cette nouvelle guerre meurtrière, je venais. Malgré les tueries, les batailles entre humains et loups, je venais avec cet espoir insensé de la retrouver un jour. Je veux la revoir, et je ne peux accepter la probabilité selon laquelle elle aurait quitté ce monde. Ca m'est totalement impossible à envisager, parce que ma petit soeur ne peut pas être morte. Non, ce n'est pas possible. Alors je marche, parmi les déchets, les décombres, les cadavres. Il y a longtemps que l'espoir devrait m'avoir abandonné, mais je ne saurais faire taire mon coeur et cesser les recherches. Tant que je n'ai pas eu de preuve de sa disparition totale, je continuerais de chercher et d'appeler. Je continuerais de fouiller, de traquer, de mener des recherches sans arrêt. Comme toujours, je rejoins notre ancienne tanière, cette que j'ai abandonné dans les premières semaines qui ont suivi sa disparition. Je ne supportais plus de vivre dans une tanière qui portait son odeur, et où elle n'était plus. J'y revenais quotidiennement, mais rien ne bougeait, rien ne trahissait une quelconque présence. Elle n'y revenait pas, même quand j'en étais absent. Aujourd'hui encore, rien n'a changé de place.
Je m'immobilise devant la tanière, désormais recouverte de toiles d'araignées et de mousse. Aucun passage d'animaux. Rien. Seulement le vide, et l'angoisse de cette absence trop longue. Mes pattes ancrées dans le sol humide et meuble, je renverse ma tête en arrière et je lance vers le ciel cet appel, ce long hurlement lugubre. De l'oreille des hommes, il est pris comme une menace, un triste présage. Mais tous les loups à des kilomètres à la ronde, savent que c'est un appel au rassemblement, qu'un loup cherche un membre de sa meute, et que ce membre a disparu depuis bien longtemps maintenant. Je ne sais plus quoi faire. Je venais au départ tous les jours, puis mes passages se sont espacés parce que j'avais des responsabilités, des entraînements à mener, des batailles à gagner. Je ne viens plus que lorsque j'ai un peu de temps libre, et toujours avec ce maigre espoir mais pas moins flamboyant dans mon coeur. Alors, je hurle, encore et encore, puis je m'arrête quelques secondes et mes oreilles se dirigent dans tous les sens et guettent la moindre réponse. Un jour, un loup m'a répondu. Un solitaire qui avait compris qu'une place était libre à mes côtés. Je n'ai jamais autorisé ce loup à s'approcher davantage, je n'ai jamais pu tolérer l'acceptation de sa disparition définitive.
Les terres sur lesquelles j’avance ressemblent à peine à celles que j’ai quitté contre mon grès, elles sont défoncées par les assauts des armées humaines, les arbres sont plus rares et la neige les recouvre. Au loin, la chute et l’explosion d’une arme des hommes résonne comme un coup de tonnerre. Lorsque la bombe touche le sol, la terre vibre sous mes pattes. J’y aurais à peine prété attention il n’y a pas quelques mois de cela, mais mes coussinets désormais écorchés et sensibles ressentent la vibration avec une facilité douloureuse. J’accélère le pas et m’enfonce dans une maigre forêt. Le silence qui y regne me glace le sang. Je ne relève pas la tête ni ne m’arrête, butée, je continue ma route,car j’ai peur d’être tentée de faire demi-tour. Pour retourner-ou? Retourner dans les bras de ceux qui étaient depuis ma naissance mes pires ennemis. Chez ceux là-même dont les bombes ont éventré les territoires des loups. Ils m’ont capturée avant les premières chutes de neige et m’ont retenue durant de longues semaines. A mon cou pend encore la marque que les humains apposent à ceux qu’ils pensent avoir asservi, et le froid de cette chaine me semble pourtant moins cruel que celui qui m’entoure désormais. Le monde des hommes a beau être violent, il est bien moins dangereux que celui que je viens de retrouver, moins dangereux pour moi, pour la vie que je porte dans mon ventre. Car ma capture avait un but bien précis et ce but a été atteint par mes geôliers. J’avais été désignée comme matrice pour mettre au monde une première génération de chiots au sang de loup et que les hommes espéraient apprivoiser. Du moins, avant que je ne m’enfuie avec leurs espoirs. Cette portée à naitre, je le sais, aura besoin de toute la vigilance dont je serais capable, et le moindre des choix que je fais désormais décidera du destin, ou de la mort, de mes enfants à naitre. Il y a quelques heures à peine, j’ai pris la décision la plus difficile. S’offraient à moi deux possibilités distinctes, toutes deux avec leurs avantages et leurs dangers mortels: rester auprès des hommes qui, malgré tous leurs défauts, ont au moins pour qualité de prendre soin des animaux qui leur appartiennent; ou alors trouver quelqu’un d’assez fort et résistant pour m’aider à protéger ma progéniture sans tenter de l’occire. A cette deuxième réflexion, un nom est immédiatement remonté depuis les tréfonds de mon coeur pour m’apparaitre comme une évidence. Isha. Isha m’aiderait. Mon frère était de loin l’un des plus formidables guerriers que je connaissais et ma confiance en lui était totale. A nous deux, nous serions assez forts. Pour la première fois de ma vie, je me sens aussi courageuse que lui. Mais les meutes se sont éloignées, et leur trace, ainsi que celle de mon frère, sont terriblement difficiles à déceler. Je sors enfin du bois.
Je remonte une colline au pas de course, mon ventre rond et lourd ralenti pourtant mon pas mais je ne peux me permettre de rester trop longtemps ainsi exposée aux regards. Je sais au fond de moi que la mise bas aurais déjà du avoir lieu et cela ne me rassure pas. Peniblement je gravis le monticule, quand un chant me fige sur place. Je tends l’oreille. Mon coeur se gonfle de joie et une réponse enfle dans ma gorge alors que je rejette ma tête en arrière. Mais de nouveau, j’arrète soudain mon geste, étouffant ce chant qui venait à peine de naitre, le réduisant à une note unique et incompréhensible pour ceux qui viendraient à l’ecouter. Non. Je ne dois pas me faire remarquer. Le chant d’Isha est redouté, et fait naitre la mefiance dans les esprits de ceux qui l’entendent. Le mien attiserait trop de curiosité malintentionnée pour que je prenne ce risque. De plus, j’ai eu beau me rouler dans la boue, je pue encore le chenil. Autant dire que le moindre loup que je rencontrerais avant d’avoir retrouvé mon frère me mettrait en pièce sans la moindre hésitation. Je me dirige donc en direction de son appel, glissant presque sur le flanc de la colline, je me dépèche autant que ma condition me le permet. Lorsque j’aperçois sa silhouette, je me sens pousser des ailes. Je cours, beaucoup trop vite pour une louve enceinte, beaucoup trop lentement pour mon coeur impatient. Mon sang canin, bien que lointain, m’avait rendu ma détention moins oppressante que je ne l’aurais cru, mais si je ne détestais plus les hommes ou les chiens, il n’y avait qu’un seul endroit sur cette terre où je me sentais chez moi, et c’était aux côtés de mon frère. Arrivée à quelques mètres de lui, je ralentis l’allure, prise d’une hésitation pleine de timidité. Jamais nous n’avions été séparés si longtemps, et lorsque je croise le bleu de son regard, j’ai presque l’impression d’être face à un étranger. Au fond de moi, je découvre toute l’intensité de l’instinct nouveau d’une mère qui me pousse à me méfier des intentions de mon propre frère alors que tout ce que je souhaite c’est lui exprimer ma joie de le revoir. J’halète encore de ma course, je détourne le regard, agite mes oreilles. Je fais un pas en arrière. Plus il reste silencieux longtemps et plus j’ai l’impression de voir mes peurs à son sujet se vérifier. Et si cette satané Skull avait transformé mon frère?Et si, en humant mon odeur, il allait me prendre pour une traitresse et me battre sans plus d’explication?
Je n’ose pas le regarder droit dans les yeux, de peur de le provoquer, et me contente de détourner la tête, l’observant du coin de l’oeil. Alors que j’attends sa réaction j’hume son parfum. La horde est inscrite dans son pelage, mais j’y retrouve la douce odeur contre laquelle j’aimais tant me blottir depuis mon plus jeune age. Malgré mon appréhension, je me force à faire quelques pas vers lui, prudente, mes yeux débordants de mon amour pour lui, mes crocs, à peine dévoilés,prêts à réagir au moindre geste suspect qu’il pourrait faire.
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Sam 14 Fév - 16:46
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I can't live without you
Pendant longtemps, très longtemps, j'attends sa réponse. Je sais qu'elle ne répondra pas. Au fond de moi, je suis conscient que jamais je ne retrouverais ma petite soeur, le seul être qui me reste de mon ancienne vie. Ma soeur jumelle. Pourtant, quand mes oreilles perçoivent une voix au loin, mes poumons se remplissent si brutalement d'air qu'ils me brûlent le temps d'un instant. Est-ce elle ? Me répond-t-elle enfin !? Mais non. Ce devait être le vent dans les pavillons de mes oreilles. Il n'y avait là qu'un son unique, même pas l'équivalent d'un mot. Juste mon imagination qui joue des tours au loup désespéré que je suis devenu. Je rentrerais bientôt, comme d'habitude, et je passerais ma peine en la changeant en colère, pour la déverser sur l'un de mes semblables ou sur une proie, si j'en croise une par le plus grand des hasard. Plus rien ne me retient ici, je sais qu'elle ne reviendra pas. Mais je reste, encore et encore, sans jamais cesser d'espérer et de chercher son regard ambré.
Et puis, le corps tendu à l'idée de rentrer seul, encore une fois une plus, je baisse la tête pour fixer le sol. Seul à jamais. J'ai beau avoir désormais une famille, la place que ma soeur a dans mon coeur ne sera jamais plus habitée. Cette part de mon esprit sera à jamais fermée, et emplie de peine et de souvenirs douloureux. Des éboulements de terre attirent mon attention. Je me tourne brusquement, intrigué par ce bruit de précipitation, et je fixe la silhouette qui dévale la pente dans ma direction. J'essaie de comprendre. Qui est-ce ? Pourquoi cet empressement pour me rejoindre ? Mes oreilles cherchent une autre présence autour de moi, peut-être que ce loup rejoint quelqu'un d'autre que je n'ai pas découvert plus tôt ? Je me pose la question encore de longues secondes. Secondes durant lesquelles la masse de poils tricolore se rapproche davantage de moi. Secondes durant lesquels mon cerveau tente de redonner un nom à ce visage de plus en plus proche, de plus en plus familier. Secondes durant lesquelles mon coeur cherche la raison qui le pousse à battre avec autant de force.
Il faut qu'elle s'arrête à une certaine distance de moi, pour que mon esprit commence à rassembler les pièces du puzzle. Ce visage fin, ce regard ambré plein de réserve et d'appréhensions sur le monde, ces longues pattes fines taillées pour la course ... Tout en elle est resté identique. Tout sauf son odeur, et son abdomen qui s'est considérablement développé. Je ne saurais me tromper sur les effluves qui émanent de son pelage. Et après l'aventure que je vis depuis plusieurs semaines avec Atom à mes côtés, je ne saurais non plus confondre l'arrondissement de son ventre avec autre chose qu'une grossesse. J'hésite longtemps. Immobile, les oreilles droites pointées dans sa direction, je ne vois plus qu'elle. Plus qu'elle, et cette douleur atroce dans mon poitrail, qui semble prêt à exploser pour que mon coeur puisse battre au rythme qu'il désire sans se sentir oppressé dans ma cage thoracique. Plus qu'elle. Les souvenirs s'estompent, la souffrance avec eux. Elle est là, devant moi. Elle n'est pas morte, comme beaucoup me l'ont souvent répété.
Elle ne bouge plus, n'esquisse plus le moindre mouvement. Elle garde cette distance entre nous, et les fumets humains me forcent instinctivement à montrer les dents. J'ignore comme agir. Je me sens perdu, face à une réalité qui me dépasse. J'aimerais comprendre, mais en même temps je ne me sens pas la force de demander des réponses à mes questions. J'aimerais savoir, et j'ai cette fureur qui bouillonne en moi, je ne désire que détruire leur monde pour leur faire payer ce qu'ils ont osé faire subir à ma petite soeur. Tout ça est si étrange. Je la reconnais, je sais que c'est elle, et je doute en même temps. Est-ce un rêve ? Une illusion ? La réalité ? Je l'ignore. Je ne suis plus sûr de rien. C'est comme si mes membres s'engourdissaient à mesure que je la regarde, que je la contemple. Puis, c'est comme un déclic. Elle est ma petite soeur. Je ne saurais l'abandonner sous prétexte qu'elle n'a plus la même odeur, ou qu'elle a vécu une aventure sans moi à ses côtés.
Son regard se détourne. Elle affiche toutes les caractéristique d'une louve qui a peur. Mais de quoi ? De moi ? Ma propre soeur me craindrait-elle ? Non. Impossible. Elle ne peut pas avoir perdu confiance en moi, alors que je n'ai eu de cesse de croire en elle. Je m'approche d'un pas, elle recule. Mais je m'avance encore, et sans me regarder, elle s'immobilise malgré tout et cesse de fuir. Mieux, elle s'avance à son tour. La langue passe furtivement sur mes lèvres. Tous mes membres frémissent. Si je n'avais pas six ans, je bondirais dans tous les sens. Je me jetterais sur elle et je la roulerais dans l'humus pour lui montrer à quel point elle m'a manqué. Je ne m'empêcherais pas de gémir comme un louveteau, tant la douleur me semble grande lorsqu'elle est loin de moi. Au lieu de cela, nous marchons l'un vers l'autre, et lorsque nous ne sommes plus qu'à quelque centimètres l'un de l'autre, je ne suis pas sûr d'avoir les bons mots en tête. J'accole nos poitrails et je la serre contre moi.
Lorsque je me trouve enfin contre lui, et que je sens sa chaleur si familière contre moi, je sens toute mes craintes s'évanouir dans le soupir d’aise qui s’echappe d’entre mes crocs alors que je me détends finalement. Sa voix finit de me rassurer. L’espace d’un instant, je nous revoie enfants, j’oublie les temps difficiles que nous avons traversé, j’oublie même durant une seconde ma capture et les enfants que je porte en moi. Je suis à la maison. Malgré moi, mon esprit se berce de l’illusion que tout est rentré dans l’ordre, que tout va s’arranger par la simple présence d’Isha à mes côtés. Au fond de moi, je sais que c’est faux, mais je n’ai pas envie de croire autre chose à ce moment là. Nos retrouvailles sont si evidentes, si naturelles à mes yeux que j’en viens à ne pas comprendre comment nous avons pu vivre séparés si longtemps; et je me prends à presque le voir comme un exploit.
J’enfonce mon museau dans la fourrure de son cou et en hume avidement le parfum comme si j’avais peur de l’avoir oublié. Il a changé, il semble bien plus fort que lorsque je l’ai quitté et je ne doute pas qu’il a su se faire une place dans la Horde. Sur lui je peux sentir les effluves de plusieurs loups, amis ou ennemis, je n’en sais rien. Tout ce que je vois, c’est qu’il est devenu un tout aussi formidable et terrible guerrier que le fut notre père. Et, bien que cela ne me rappelle pas mes meilleurs souvenirs, je n’en suis pas moins fiere d’avoir un frère si exceptionnel.
Je recule ma tête pour pouvoir laisser parler mon affection qui se concrétise alors en quelques coups de langues retenus sur son visage, presque pudiques. J’imagine que cette séparation prolongée nous à tous deux bousculés et qu’il nous faudra quelques temps avant de nous ré apprivoiser l’un l’autre, autant ne pas brusquer les choses. Je quitte finalement mon mutisme.
-Les humains…
Ma voix n’a pas la même tonalité qu’autrefois, moi même lorsque je m’écoute prononcer cette maigre parole je ne la reconnais pas. Elle est parfaitement calme, l’incertitude et la timidité l’on quitté et pourtant elle semble éteinte. Mon frère n’est pas le seul à avoir changé, et je découvre peu à peu que cette expérience de la captivité m’a bien plus changée que je ne voudrais le croire.
Là où d’autres se seraient énervés en me demandant la suite, je sais que mon frère restera silencieux. Il y a cela d’etrange et de ravissant entre les jumeaux qu’un regard, un geste ou même un seul mot peuvent remplacer toute une histoire. Aussi je ne doute pas qu’il a déjà compris que j’ai été capturée, mais, comme je ne m’effondre pas, que je n’ai pas été maltraitée. Du moins, pas au point de vouloir m’en plaindre. Je ne souhaite pas m’attarder en détails sur ma captivité, pas de suite. Il comprendra certainement qu’il y a quelque chose que je ne veux pas qu’il découvre. Quelque chose que j’ose à peine avouer à moi même mais que je garde comme un jardin secret. Je n’irais pas jusqu’à dire que mon séjour auprès des hommes avaient été les meilleurs semaines de ma vie, mais cela resterait un souvenir impérissable. Si cela avait été difficile au début de me faire une place dans leurs chenils, d’être acceptée par leurs chiens et les autres loups captifs, j’avais réussi à rassembler mes esprits et, pour la toute première fois de ma vie, à m’imposer telle que j’étais sans l’aide de personne, sans l’aide de mon frère. J’avais gouté à l’indépendance. Mais ce n’était pas là le plus embarassant. La captivité n’était pas la plus agréable des choses que l’on pouvait vivre, mais j’avais appris à comprendre les hommes, je les avais observés, eux et leurs chiens, et j’avais appris à les accepter tous deux dans mon entourage. Plus encore, j’avais appris à apprécier certains d’entre eux, et même à aimer l’un d’eux.
Ainsi arrive la réponse tant attendue de mon frère à sa question silencieuse. Car je vois bien dans son regard que son interrogation principale repose sur l’arrondissement de mon ventre. Je lui fais face et me tiens droite sur mes pattes. Je ne veux pas qu’il croit que j’hésite, car je n’ai pas d’autres souhaits que de voir ma portée grandir avec notre race.
-Ces enfants ne seront pas bien acceuillis par nos semblables. J’ai besoin de ta force, Isha. J’ai besoin de toi pour les protéger.
Mon regard s’adoucit alors qu’une pointe d’inquietude l’envahit. Un nom me revient, et la peur de retrouver une meute décimée.
-Skull… Comment se porte la Horde? Et toi, mon frère?
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Lun 16 Fév - 16:47
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Elle est là. Si j'ai cru rêver, si j'ai pensé avoir été touché par des champignons hallucinogènes comme la fois où j'ai été poursuivi par une harde de chevreuils fantômes, je réalise maintenant que tout ceci est réel. Ce ne sont pas des espoirs vains. C'est la stricte vérité. Tout le monde a cru ma soeur disparu à jamais, et pourtant elle est là, avec moi. Cette fois, quels que soient les obstacles que nous devrons affronter, je me jure de ne jamais plus la laisser partir. Parce que c'est ma faute, finalement. J'étais tellement préoccupé par la Horde, je voulais tant la protéger, que j'ai chassé et je me suis entraîné trop souvent. J'ai passé mon temps à m'éloigner de la tanière familiale, et je suis certain que les humains ont suivi mon manège pendant des semaines, de sorte qu'ils ont pu attraper ma soeur sans que j'aie le temps de les en empêcher. Et si elle n'a pas eu l'opportunité de m'appeler au secours, je ne doute pas que c'est entièrement leur faute. Mais tout ça est terminé. Cette mauvaise passe est derrière nous, et plus rien ne nous séparera. Je le jure sur mon sang. Je fronce les sourcils tandis que ma promesse se grave dans ma mémoire, mais mon étreinte est la plus douce autour de Kaya.
Elle aussi, se serre contre moi. Je suis si heureux, tout à coup ! Je me sens ... Comblé. Oui, c'est cela. Je suis enfin un loup comblé. J'ai enfin ma propre famille, j'ai enfin une raison d'exister et de me battre encore plus qu'auparavant. Je suis heureux qu'elle soit enfin revenue. Peu m'importe si de nouvelles épreuves nous attendent, parce que je me doute que ces tous petits grandissant dans son ventre, ne sont pas le fruit de l'amour et je m'attends même au pire, concernant leur géniteur. Mais qu'importe. J'aime ma soeur, et son combat sera le mien, quel qu'en soit le prix à payer. J'essaie de graver dans mes souvenirs les plus précieux, ces quelques coups de langues qu'elle m'a donnés après m'avoir expliqué en un mot. J'ai compris, je sais bien, évidemment. Et ils paieront. Mais pour l'heure, je ne dois pas penser à ma vengeance. Nous allons avoir suffisamment à faire, les prochaines semaines. Parce que son abdomen est déjà bien rond, et que je sais ce que cela signifie. La dernière fois que j'ai vu Atom avant sa mise-bas, elle était à plus d'un mois de grossesse. Aussi je sais que la naissance de mes neveux et nièces ne tardera plus, à en voir l'arrondissement du ventre de ma soeur. Cela fait bon nombre de petites gueules à nourrir. Mais je suis prêt.
- Ces enfants ne seront pas bien accueillis par nos semblables. J’ai besoin de ta force, Isha. J’ai besoin de toi pour les protéger.
Elle se tient fièrement, comme si elle ne regrettait en rien cette aventure que les hommes lui imposent. Ma tête se penche légèrement sur le côté, même si je ne dis pas un mot sur ce que je ressens. De toute façon, je suis persuadé qu'elle le comprend. J'ai du mal à saisir la portée de ses paroles. Ce n'est pas tant sa demande, qui me tracasse. Il est évident que je me battrais pour elle, et tout autant pour la survie de ses petits. Mais j'essaie de savoir ce qui m'intrigue le plus. Comment peut-elle rester si vive, si sereine, alors que cette histoire a commencé si mal ? Y aurait-il un épisode que je n'ai pas décelé ? Une sorte d'aveu qu'elle se refuserait à me faire ? Oui, certainement. Dans son regard brille la lueur du secret. Mais pourquoi ? Elle est ma soeur jumelle, nous avons toujours tout partagé, depuis notre plus tendre enfance. Que ne mérites-je pas de savoir ? Je ne dis rien, ne demande rien. Je fronce mon regard, sûr de moi et déterminé, afin de lui faire comprendre qu'elle n'est plus seule, qu'elle ne l'a jamais été et que tout ce temps, je l'ai attendu sans jamais cesser de penser à elle, et en étant toujours prêt à me battre pour la revoir. Je pose un regard protecteur sur son ventre, puis sur elle-même.
- Bien sûr que je serais là pour les protéger. Pour vous protéger, tous.
Elle semble alors rassurée sur ce point, mais un tout autre l'inquiète. La horde. Les avancements de nos plans. L'ordre de mes objectifs. La santé des nôtres, de ceux que nous avons rejoins parce que je le voulais, et parce qu'elle m'a suivi comme la douce petite soeur qu'elle était à l'époque, et que j'ai l'impression d'avoir perdu aujourd'hui au profit d'une jumelle forte de ses propres expériences, aussi douloureuses soient-elles. Elle me demande comment vont les hordiens, comment je vais, moi. Je ne sais que lui répondre. Beaucoup ont déserté nos rangs. Sont-ils partis ? Sont-ils morts ? Nous ne saurions le dire. Ils ont disparu un beau jour, tout comme elle. La seule différence est que personne ne s'est démené pour les retrouver. Je n'ai pas de liens avec eux, je n'ai pas ressenti le besoin de les retrouver, de les protéger. Ils n'avaient qu'à être forts, voilà tout. Je soupire doucement, et c'est à mon tour de déposer une lèche affectueuse sur son museau sali par son long périple. Elle sent le chien à pleine truffe, mais ce n'est qu'un infime détail que j'oublierais bien vite, et que d'aucun n'aura l'autorisation de remarquer devant moi au risque de se faire remettre en place avec véhémence. Aucun n'est autorisé à s'en prendre à ma petite soeur.
- Nous avons perdu des membres, mais en avons trouvé d'autres. Skull est désormais à la tête des Sekmets, dont nous gardons prisonnière l'Alpha sous ses ordres. Te souviens-tu d'Empress ? Elle n'est plus rien, désormais. Elle a payé pour ses méfaits envers toi, ma petite soeur. Nous détenons également l'Intendant des Esobeks, et leur Alpha s'est volatilisé. Nous attendons de nouvelles instructions, et désormais nous sommes réduits à une sorte de monotonie. Nous gardons les Sekmets et tâchons de ne pas leur laisser l'occasion d'organiser une rébellion.
Mais il n'est pas question que de la Horde, et des Sekmets. Il faut que je lui parle d'Atom, des petits. De notre famille qui s'est agrandie. J'hésite longuement. Mon regard détaille le sol, ma gueule s'entrouvre et se tait. Mes oreilles se plaquent contre mon crâne, puis j'affiche un sourire timide quoi que fier malgré mes appréhensions.
- Kaya ... J'ai une compagne. Et nous avons eu des petits, le mois dernier.
- Bien sûr que je serais là pour les protéger. Pour vous protéger, tous.
A la simple ecoute de ces mots je sens mon corps et mon coeur se détendre, comme libérés de la peur qu’il puisse refuser. L’ancienne moi m’aurait certainement trouvée stupide de me méfier ainsi de cet être qui n’était rien de moins qu’une partie de mon âme et que je connaissais sans doute mieux que moi même. Il n’y avait sur terre aucune autre créature pour laquelle il me serait donné de connaître plus parfaitement les tréfonds de sa pensée. Personne. Cette sensation d’exclusivité m’avait longtemps hanté, comme si cela avait toujours été, serait toujours, nous deux contre le monde. Comme si les autres n’étaient qu’une partie lointaine de ma vie, juste des éléments du décors. Je m’étais confortée dans cette idée, entourée de la sécurité que m’apportait la présence de mon frère qui me paraissait si évidente que je n’avais jamais imaginé la vie sans lui. Jusqu’à ce jour où les hommes sont entrés dans ma vie. Mes yeux plantés dans les siens je me demande si lui aussi avait ressenti ce que j’avais ressenti alors. Cette séparation, comme une lame qui avait déchiré nos existences pour nous donner en pature à une singularité que nous ne pouvions même pas imaginer jusqu’alors. D’abord douloureuse, terriblement déstabilisante- certainement plus pour moi même que pour Isha-et finalement, cette impression de libération, de liberté même malgré les barreaux de ma cage. Alors que je le regardais, lui dont la superbe me signifiait clairement qu’il avait plus que bien réussi à vivre sans ma présence, j’essayais de deviner dans le bleu de ses yeux s’il avait lui aussi pris gout à cette liberté. J’avais peur que nos liens eut été définitivement brisés, et que nous ne soyons plus que des étrangers l’un pour l’autre, mais petit à petit, notre complicité semblait vouloir se reconstruire. Je ne pouvais encore dire si cela me rendait totalement heureuse, et cela me perturbait d’autant plus. Les oreilles dressées vers lui je buvais ses paroles plus consciente que jamais qu’il était en train de me dresser le paysage dans lequel mes petits allaient devoir vivre.
- Nous avons perdu des membres, mais en avons trouvé d'autres. Skull est désormais à la tête des Sekmets, dont nous gardons prisonnière l'Alpha sous ses ordres. Te souviens-tu d'Empress ? Elle n'est plus rien, désormais.Nous détenons également l'Intendant des Esobeks, et leur Alpha s'est volatilisé. Nous attendons de nouvelles instructions, et désormais nous sommes réduits à une sorte de monotonie. Nous gardons les Sekmets et tâchons de ne pas leur laisser l'occasion d'organiser une rébellion.
Mes yeux s’agrandirent un instant en apprenant la chute d’Empress. Je n’avais jamais aimé cette louve, et pourtant cette nouvelle restait une déception pour moi, car j’avais toujours cru que si quelqu’un pouvait se dresser contre cette satanée Skull et sa bande, s’aurait été elle. Encore un espoir qui s’éteint. En entendant mon frère me décrire la souveraineté nouvelle de la Horde je suis partagée entre le soulagement et la détresse. La horde, si elle m’accorde toujours sa protection, était donc la meute la plus puissante; mais ce règne de terreur allait offrir un cadre de vie peu enviable pour ma portée qui grandirait en apprenant le gout de la bataille et du sang. Je voulais que mes louveteaux soient aussi forts et résistants que possible, mais je refuserais que leur éducation soit dictée par les lois de Skull.
- Kaya ... J'ai une compagne. Et nous avons eu des petits, le mois dernier.
Je suis dans un premier temps trop perdue dans mes pensées, occupée à ruminer ma colère, pour prendre gare à ce que vient de m’annoncer mon frère. Ce n’est qu’un instant -qui me parait une éternité- plus tard que je me rends compte que Isha est devenu père. Je reste pantoise. Ma gueule s’entrouve légèrement, je fais un pas en avant, puis un en arrière, tout d’un coup agitée d’une frénésie qui me fait oublier à quel point mon coeur s’était endurci.
-Isha...Tu….Des petits? Ma queue bat frénétiquement l’air froid qui nous entoure, puis je m’avance d’un bond sur mon frère pour le couvrir de coups de langues affectueux et joyeux. Je cherche les mots pour lui exprimer ma joie et ma fierté mais je n’en trouve pas. Quand pourrais-je les voir? Et qui...comment se portent-ils?
Dans mon bonheur pour mon frère et sa descendance les questions envahissent mon esprit et c’est maladroitement que je rectifiais rapidement ma dernière question. Il aurait été bien malvenu de ma part de questionner Isha sur l’identité de sa compagne alors que je me refusais à lui communiquer la moindre information sur le père de ma propre portée. Je frotte mon museau contre son cou et lui donne quelques coups de pattes comme j’en avais l’habitude avant notre séparation. J’ai une envie brulante en moi de rencontrer mes neveux et mes nièces, de les connaitre et de jouer avec eux, de les aimer avec autant de force que j’aime Isha. J’ai envie de bondir en l’air pour fêter cette nouvelle avec lui mais c’est alors que, prise d’une soudaine faiblesse, je m’allonge doucement. Les contractions sont soudaines et fortes, je lache un gemissement plaintif avant de comprendre ce qui est en train de se passer. La mise bas est arrivée sans prévenir, comme si mon corps avait compris qu’il était enfin en sécurité et qu’il ne souhaitait plus retarder la naissance bien que je me trouva au coeur d’une prairie. Durant un instant je me sens aussi vulnérable que je l’étais autrefois,je jette un regard inquiet vers mon frère, j’ai peur de ce qui m’arrive, peur de ne pas y arriver seule. Mais je ne suis pas seule. Isha est près de moi et, juste là, dans mon coeur, un autre se joint à l’amour que j’ai pour mon frère pour me donner la force d’affronter cet évènement avec calme et courage. L'ancienne Kaya a definitivement disparu lorsque j'aperçois mon premier né pour la première fois.
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Jeu 5 Mar - 21:09
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I can't live without you
D'abord, l'appréhension, le doute, les questions sans réponses qui courent dans sa tête et s'entrechoquent pour tenter de trouver des mots à poser dessus. Probablement l'anxiété, aussi. L'inquiétude de savoir que ses doux petits risqueront leurs vies dès leur jour de leur venue au monde. Kaya craint le monde dans lequel elle vient de faire son coming-out. Moi, les seules questions que je me pose sont de savoir qui vivra et qui mourra pour la protection de ma famille. Il y a encore quelques mois, il n'y avait qu'elle, cette part de moi, la seule qui ne fasse pas partie de mon propre corps. Il y a encore quelques mois, j'aurais donné ma vie pour elle et seulement pour elle. J'aurais signé un pacte avec le Diable -et je l'ai fais- pour sa seule protection. Aujourd'hui, beaucoup de choses ont changé. Kaya a changé, et moi aussi j'ai changé. Là où elle est devenue plus forte et plus indépendante, moi j'ai appris à porter mon attention sur d'autres de mes semblables. Quand ma soeur n'était plus là pour que je m'enquiert de sa bonne santé, j'ai reporté mon intérêt sur une autre louve, et notre union sont nés quatre petites boules de poils qui aujourd'hui sont les êtres les plus précieux à mon coeur. D'un duo fusionnel, je suis passé à une famille désunie.
Et puis, il y a le ravissement, l'excitation de la nouveauté, l'engouement de la famille qui s'agrandit. Lorsqu'elle comprend l'ampleur de mes révélations, son visage s'illumine et tout son corps me hurle sa joie et sa compassion. Et pendant quelques secondes, quelques minutes, je retrouve ma petite soeur. Enjouée, pleine de vie, le visage radieux, le corps extatique et on ne peut plus expressif. Je réalise que cette Kaya-là me manquera, mais qu'il est temps de lui faire mes adieux pour voir s'épanouir désormais mon égale, ma soeur jumelle qui a déjà bien grandit. Je souris, égal à moi-même, toujours aussi impassible malgré le feu nouveau qui brûle en moi. Je sais qu'elle sait, malgré mon apparente immobilité. Elle sent, comme autrefois, qu'à l'intérieur je suis un brasier incandescent, comme un volcan au bord de l'éruption. Elle essaie de me demander les choses, de poser des priorités sur les nombreuses interrogations qui l'assaillent en même temps. Je continue de sourire, ému par tant de bonheur même si je n'en laisse rien paraître. Pendant ce moment, nous ne sommes plus que deux louveteaux de six mois, ravis et inséparables, qui ne vivent que l'un pour l'autre. Pendant ce moment, le monde autour disparaît et les problèmes avec. Il n'y a plus ni Horde, ni humains. Juste Kaya et moi.
Notre étreinte me rassure et me rappelle à quel point ma soeur compte pour moi. Après tout, c'n'est pas pour rien que j'ai eu autant besoin de me tuer à la tâche, ces derniers mois, alors qu'elle ne donnait plus signe de vie. Je ne pouvais pas rester en place. Ca me donnait l'occasion de réfléchir, de me poser des questions, et ce seul fait m'était bien trop douloureux. Je suis tenté de réponses à ses avances, de démarrer un nouveau jeu, comme lorsque nous n'étions que deux boules de poils pas plus grosses que mes petits aujourd'hui. Mais déjà, la réalité nous rappelle à l'ordre et Kaya, soudainement bien trop faible, repose son corps dans la terre meuble et encore partiellement enneigée. Elle gémit, je me tends de toutes parts. Que se passe-t-il !? Son regard empli d'inquiétude me prend aux tripes, et sa peur est contagieuse. Je ne sais plus où me mettre, ni que faire. Alors que je fais les cent pas en regardant partout autour de nous, à la recherche d'un quelconque soutien parmi les arbres, j'entends un premier couinement. Mes oreilles se dressent d'instinct vers ma soeur, et je fixe cette minuscule créature entre ses pattes, tandis qu'elle la lèche avec frénésie. Mon regard se fixe sur ma soeur, elle n'est plus aussi petite que lorsqu'elle m'a été enlevée.
- Kaya ...
Ma voix est plus douce que jamais. Le petit est là, lové contre son pelage bruni et sale. Cette petite bête aussi sombre que la nuit fait partie de ma famille, et même si je n'ose pas m'approcher de la nouvelle maman, je n'en ressens pas moins un élan d'amour à son égard. Je les protégerais, tout comme Atom et nos quatre louveteaux. Ils sont tous ma famille, désormais. Personne ne me les enlèvera. Prenant alors mon rôle de grand frère très à coeur, je me détourne et je tourne autour de ma soeur en fixant les environs. Ici, à découvert, l'odeur de fer émanant de ma soeur risquent d'attirer bon nombre de prédateurs. Mais il suffira pour la plupart de me voir, pour rebrousser chemin et chercher une cible ailleurs. Lorsqu'enfin ma soeur m'appelle, que le travail est terminé, ce sont trois petits corps qui se trémoussent tout contre son flanc. Trois ? Non. Deux. L'une des trois petites masses est inerte. Pas de respiration, pas d'odeur connue. Kaya me lance un regard désemparé, mais c'est avec un étreinte rassurante que je reporte son attention sur ses deux petits, avant d'emporter avec moi le corps de son dernier bébé. Mes yeux saphirs la scrutent un instant. Alors que les siens semblent demander "Où vas-tu ?", les miens lui répondent "Fais-moi confiance.". Et je pars enterrer le passé. Lorsque je reviens près de ma soeur, aussi vite que possible, les petites boules de poils sont presque sèches et j'entends leurs couinements satisfaits alors qu'ils profitent du lait maternel. Je les couve tous les trois du regard. Les miens. Ma famille.
La mise-bas s'est bien passée mais vous devez vous lever car déjà le jour décline. Les nouveaux-nés doivent être transportés avec délicatesse, le pas est lent. La surface est dangereuse et les pièges nombreux, après quelques minutes de marche dans les sous bois la jeune mère se trouve soulevée dans les airs et prise au piège dans un cage en fer à moins d'un mètre du sol ...
Vous avez deux tours pour vous échapper avant l'arrivée des traqueurs qui prendront avec eux un loupiot ou la mère. Dépêchez-vous, le temps est compté.