C'était une journée de merde. Clairement. Ma malchance habituelle m'avait ridiculisé devant un membre de la horde. Désormais je errais sans but dans ce qui avait été une ville prospère. Ces ruines me faisaient étrangement penser à ma propre caracasse, là ou la vie l'avait deserté depuis de nombreuses années. C'était à la fois pathétique et troublant. J'étais tellement désespéré que je me comparais à des tas de pierres pleins de cendres. Je me sentais insulté après tout je restais un loup sanguinaire, impitoyable et cruel. Tous ceux qui ceux qui connaissaient mon nom le craignait autant qu'un mercenaire de la Mort. J'étais fier, j'étais un Hordien et plus que tout j'étais... Avant même d'avoir pu finir de me revaloriser je sentis le sol se dérober sous mes pattes. Noir.
Ma perte de connaissance ne dura que quelques secondes, ma vision était trouble et un goût ferrugineux emplissait ma bouche. Mais il y avait quelque chose d'autre... de l'eau, oui c'était bien de l'eau et elle remplissait rapidement l'endroit ou j'étais prisonnier. D'un coup je pris conscience que je n'étais pas dans une petite mare mais dans un cuve profonde de deux bons mètres, aux bords lissent et rouillés. Saletés de bipèdes. Il fallait agir vite, après cinq minutes l'eau m'arrivait déjà jusqu'au milieu de mes pattes. De toute évidence je ne pourrais pas sauter pour m'échapper, je ne pourrais pas non plus prendre appuis sur une pierre. J'étais fait comme un rat. Non, non, non. Il devait y avoir un moyen de sortir avant l'issue fatale qui s'approchait à grands pas. L'eau m'arrivait presque déjà au poitrail, me glaçant jusqu'aux os, faisant de mon pelage un masse lourde et compacte. Je commençais à paniquer, l'eau montais trop vite, j'étais trop lourd. Non, non, non. Je ne pouvais pas mourrir ainsi, pas dans un vulgaire cuve, pas comme une simple proie prise au piège. Tout mais pas comme ça. Mon cerveau bouillonait, je devais désormais agiter mes pattes pour ne pas couler. L'eau me recouvrirait bientôt si je n'agissait pas rapidement. Je devais me laisser guider par mon instinct de survie si je ne voulais pas crever au fond de cette cuve de malheur.
C'était chose faite, l'eau arrivait désormais au dessus de ma tête.
Se sentant trop en danger l'instinct de survie pris enfin la relève sur mon pathétique cerveau lupin, sans trop savoir pourquoi je me laissa couler lentement jusqu'au fond de la cuve, gardant précieusement le peu d'oxygène qui me restait jusqu'à toucher une surface solide avec mes postérieurs. Puis poussant de toutes mes forces avec ces dernières pour me propulser hors de l'eau et même un peu plus haut, juste assez pour que mes pattes avant puissent agripper les bords de la cuve. Une fois encore je poussa aussi fort que je pu pour me hisser hors de l'eau, je sentais les bords tranchant de la cuve m'entailler les pattes mais je n'en avait que faire. Une poussée d'adrénaline me permit de raffermir ma prise, lentement je sortais peu à peu de la cuve, remontant mon corps ébène transit par le froid. Après une lutte acharnée de près de vingt minutes j'étais enfin au sec, couché sur le béton craquelé en regardant le sang coagulé là ou les bords tranchants de la cuve les avaient entaillés.
J'étais épuisé, épuisé mais en vie, certes. Au bout d'une demi heure je me releva avec précaution puis encore tremblant je me remis en marche, comme si de rien n'était, en maudissant les dieux qui devaient bien se fendre la poire là haut en me voyant ainsi.