Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Une journée d'hiver calme, un léger vent frais, en provenance de la mer, quelques rares nuages blancs dans le ciel et, un couché de soleil à l'horizon, se reflétant dans le liquide bleu et vert de la mer. Marchant d'un pas tranquille, quittant la couverture de neige pour fouler ce fin tapis grisâtre, d'un mélange de sable et de cendre, la louve grise se rapprochait du bord de l'eau. Seule en cette fin de journée, elle leva ses yeux ambrés vers le soleil couchant, observant le dégradé de couleur qui se trouvait face à elle. D'un seul coup, elle se demandait pourquoi il n'était pas là avec elle mais, il n'était pas au meilleur de sa forme, la faim le tiraillait, elle le savait … Cela l'inquiétait mais, elle ne voulait pas lui montrer, elle ne voulait pas qu'il se sent davantage plus mal à cause d'elle, ainsi, elle sortait plus souvent, en quête de nourriture, de quoi le faire être de nouveau sur ses pattes.
Aujourd'hui encore, elle avait chassé, lui ramenant tout ce qu'elle pouvait pour qu'il soit de nouveau en forme, lui assurant qu'elle avait déjà manger avant de lui ramener quelque chose, ce qui n'était pas faux dans un sens mais, elle se privait malgré tout, pour lui. Ainsi, après sa dernière chasse, elle avait décidé d'aller faire un tour, de se reposer. Elle ne pouvait supporter de le voir ainsi alors, elle s'était isolé, comme elle le faisait autrefois, une manie qui avait bien du mal à disparaître … Enfin, cela viendra, avec le temps …
Arrivant près de l'eau, la louve baissa la tête, humant sa surface avant de relever la tête, les oreilles dressés sur sa tête. Elle tourna la tête, observant ce qu'il se trouvait autour d'elle. Hormis les rares piaillement des oiseaux marins qui étaient encore présent, volant au-dessus de l'eau, en quête d'un poisson à s'emparer, il n'y avait rien, personne, ce n'était pas plus mal … Elle se laisse alors tombé, s'allongeant dans le sable, les vagues venant s'écraser doucement devant ses pattes avant. Elle resta un moment là, complètement allongé, avant de redresser la tête pour fixer une fois encore le soleil, suivant sa descente. Pourquoi n'était-elle jamais venu dans cet endroit ? Il est pourtant si calme, paisible … Enfin … Peut-être pas autant que cela …
Une odeur passa devant sa truffe tandis qu'elle se redresse presque d'un bond. Quelqu'un approchait ...
Sous un ciel grisâtre, au milieu d'une brise légère mais pas moins froide, je ressens le besoin de voir ce soleil qui depuis bien longtemps nous a abandonné à la tristesse d'une immensité morne. La nuit, parfois, les étoiles nous guident encore. Mais elles sont bien rares, ces journées ensoleillées durant lesquelles l'astre de jour parvient à se faire un chemin à travers les nuages froids porteurs de neige. Aujourd'hui est presque l'une de ces journées tant aimées de tous. Le soleil est apparu à quelques instants, par endroits, et les loups les plus observateurs ou les moins occupés, ont pu profiter de ses quelques rayons bien cachés. Mais moi, je connais un endroit où je pourrais avoir tout le loisir de voir encore ce soleil, c'est étoile brûlante qui jamais ne s'éteint. Un endroit qui représente tout autant beaucoup de bonheur, et beaucoup de tristesse. C'est là-bas, dans ce lieu paisible et peu fréquenté, que j'ai avoué mes sentiments à la louve pour laquelle mon coeur bat. C'est là-bas même que nous avons scellé notre lien par une nuit claire, parsemée de milliers d'étoiles, durant laquelle nous avons pu, entre autre, observer les constellations de notre monte. Mais c'est aussi là-bas que je l'ai vue pour la dernière fois. Là-bas que nous avons échangé nos derniers mots. Après ça, il n'y a plus eu que le silence.
Je marche au hasard des bois et des forêts, arpentant les clairières sans aucun objectif. Et puis, finalement, si. J'ai un objectif. Je me dirige vers le bout des terres neutre, l'extrémité la plus éloignée des territoires appartenant aux meutes. Aujourd'hui, peut-être que j'aurais la chance de la voir. Peut-être que, malgré le silence pensant qu'elle a laissé à son départ, elle ne m'a pas oublié. Cela me semble faire si longtemps, maintenant, et j'ai toujours aussi mal au fond de moi, quand j'y repense. Un mois, ça peut paraître beaucoup. Mais c'est énorme pour moi, et j'ai la sensation que la tristesse jamais ne tarira. Comme si elle grandissait chaque jour. C'est une douleur inconfortable, de celles que l'on désire oublier mais qui paraît s'amplifier chaque jour, à chaque instant. Je fixe les sous-bois, je passe devant quelques rongeurs fuyards sans même leur lancer un regard, et je file entre les troncs morts sans jamais m'arrêter. Je trotte à une allure tranquille, mais mon esprit est en ébullition. Je cherche une raison, quelque chose qui expliquerait pourquoi cela s'est passé ainsi. Pourtant c'est logique. Nous n'étions pas de la même meute, nous ne pouvions pas rester ensemble sans prendre bon nombre de risques. Ce n'était pas une bonne chose, et elle le savait mieux que moi. Elle a pris ses distances dans une optique louable, mais égoïstement je regrette son choix.
Je longe d'abord la grande plage de sable blanc. Là, sous les derniers arbres qui forment la forêt, mes coussinets caressent le mélange de terre humide et de sable fin, où se mêle également des cendres qui ont sans doute été déposées là par les dernières pluies tueuses. Je soupire doucement, je marche sur les épines tombées des pins et je fais attention à ne pas me blesser en posant mes pattes n'importe où. Et puis, comme une lueur d'espoir, les couleurs ardentes du Soleil couchant appellent mon regard azur. Je relève les yeux lentement, pour le regarder illuminer l'horizon. Je savais bien que je le trouverais ici, même si ma tendre compagne d'un soir d'y serait pas. Je soupire encore, lui aussi me manque terriblement. Sa lumière, sa chaleur, sa présence réconfortante. On ne se rend compte de son importance que lorsqu'on le perd. Et chaque année, à la même époque, c'est la même déprime qui s'empare du monde. Enfin, je la voix. Là-bas, plus loin, une femelle qui se redresse brusquement. Elle a dû percevoir ma présence alors qu'elle profitait d'un moment de solitude. Souhaité ou non, je le lui ai arraché en arrivant là. Finalement, je m'approche d'elle tranquillement, parce que je n'ai pas perçu la moindre odeur de meute dans l'air et je ne me sens pas menacé par sa présence. Je m'assois à quelques mètres d'elle pour contempler le coucher du soleil.
Humant l'air, elle avait immédiatement reconnu l'odeur des Hordiens et, directement, sa crête dorsale s'était hérissé tandis que ses oreilles se rabattaient sur le haut de son crâne. Pourquoi fallait-il qu'elle tombe sur un membre de la Horde ici ? Ne pouvait-elle pas être tranquille ? Ses babines se relevèrent légèrement pour laisser apparaître ses crocs alors que le Hordien se dirigeait vers elle. Méfiante, et peut-être même un peu effrayé, elle restait sur ses gardes, même si celui qui s'approchait d'elle ne montrait pas le moindre signe d'animosité. Une fois elle s'était fait avoir, une fois elle avait été blessé par l'un de ces loups qu'on pouvait cataloguer de sanguinaire et, il était hors de question que cela arrive une fois encore … Toutefois, elle ne pouvait se montrer agressive sans risquer de rendre l'autre loup tout autant agressif alors, elle essayant de se calmer, l'observant s'approchait d'elle d'un pas qui semblait tranquille, serein, sans la moindre pointe d'agressivité.
Le loup au pelage roux et argenté était désormais proche et, s'assit non loin d'elle avant de lui adresser la parole, son regard bleuté faisant face au soleil couchant. La louve cessa de montrer les crocs mais, ne se calma pas pour autant. Elle craignait ces loups qui avaient envahit les terres Sekmet comme Esobek mais, également les terres libres pour on ne sait quelle raison et, semblent s'en prendre à tous ceux qu'ils croisent pour une raison obscure. Pour dire vrai, la solitaire n'en a que faire de leur motivation, tout ce qu'elle souhaite, c'est de pouvoir vivre en paix et, avec l'un d'entre eux près d'elle, elle ne se sentait guère en sécurité …
Un instant, la louve détacha son regard du Hordien pour fixer à son tour le soleil qui déclinait un peu plus à chaque minutes. Devait-elle lui répondre ? Partir sans rien lui dire ? Comment savoir ? Comment savoir quelle réaction il pourrait avoir si jamais elle ne lui répondait pas ? Était-il aussi manipulateur que Nephtys ? La seule chose qui puisse la rassurer est qu'il s'agit d'un mâle. Les femelles sont bien souvent plus agressive que les mâles, surtout si un loup se trouve près de leur territoire ou de leur petit mais, par rapport à cette louve qu'elle avait rencontré, il ne s'agit ni de l'un, ni de l'autre, juste du pure plaisir … Toutefois, pour ne pas risquer de froisser ce loup et, risquer de se le mettre à dos, elle décide de lui répondre, reculant légèrement pour s'installer un peu plus loin de lui.
« Oui ... »
Répondit-elle simplement alors qu'elle jeta un nouveau regard méfiant au mâle.
« Que veux-tu ? »
Une question bien banale en soit mais, elle préférait savoir dès maintenant pourquoi ce loup l'avait approché, pourquoi venait-il lui parler. Elle vouloir savoir, elle voulait être sûr qu'elle ne craignait rien mais, comment pouvait-elle le savoir … ?
La louve semble sur ses gardes. Sentir ses appréhension caresser mes sinus est un véritable délice. Enfin une victime de la Horde. Bon sang, j'ai croisé tant de loups qui avaient rencontré des Hordiens et s'en étaient sortis indemnes ! C'en devenait désespérant pour les miens ! Mais apparemment, au vu de sa réaction quand elle m'aperçoit, j'en déduis qu'au moins un Hordien sur quinze est capable de semer la panique dont émane notre sinistre réputation. Celui-là, si je l'identifie, sera grassement récompensé. Je suis fier de lui. Qui que ce soit, il va falloir que je creuse mon enquête pour m'assurer qu'il reçoive ce qu'il mérite. Mais en attendant, je ne suis pas là pour faire perdurer la réputation de ma meute. Non, pour une fois je n'ai pas envie de tuer. J'ai seulement besoin de m'isoler quelque peu, pour me remémorer certains souvenirs sans me mettre en danger en me perdant dans mes pensées. La femelle à mes côtés ne cesse de me regarder, comme si elle s'attendait à se faire attaquer d'un instant à l'autre. Un second rictus naît sur mes babines, ça ne m'étonnerait pas de Tybalt d'avoir laissé une si forte impression dans l'esprit d'une inconnue. Il faudra que je lui demande si c'est son oeuvre, un de ces quatre.
Alors je la rassure par quelques mots, une simple question pour me détourner de l'amusement certain qui m'habite tandis que je cherche qui peut bien avoir maltraité cette innocente avant que je la rencontre ici. Je perçois vaguement son visage se tourner vers l'astre de jour se mourant à l'horizon, et je sens comme si elle était mienne, son hésitation quand à me répondre. Elle a peur, cela se voit, c'est aussi clair que de l'eau de source. Mais elle ne fuit pas pour autant. C'est un détail qu'il nous faudra travailler. Ce serait une belle victoire de voir des loups se jeter dans une course folle comme des bêtes traquées, rien qu'en tombant sur une piste de la Horde. Et ce serait si ... Amusant. Oui, un chouette passe-temps que de voir nos semblables filer à toutes pattes alors qu'ils n'ont aperçu que l'une de nos ombres. Une grande fierté ce serait, pour Skull et ses guerriers. Pour moi aussi, bien sûr. Une sacrée fierté. La distance qui nous sépare ne la rassure pas suffisamment, elle décide de l'agrandir un peu plus avant de se détendre légèrement et de s'asseoir pour me répondre. Elle doute de moi. C'est si bon de sentir la peur émaner de son pelage argenté, un vrai bonheur. J'essaie de graver ce souvenir dans ma mémoire.
- Oui ... Que veux-tu ?
- Profiter d'un coucher de soleil serait-il trop suspicieux à ton goût ?
Dans un regard amusé quoi que pas moins menaçant, je lui souris dans un rictus carnassier. Elle a raison de ne pas me faire confiance, mais ça n'empêche pas que je ne suis pas là pour la dévorer, contrairement aux rumeurs qui circulent indiquant que nous autres Hordiens, nous nourrissons de nos semblables. Si nous ne démentons pas ces rumeurs, c'est seulement par soucis de maintenir au plus haut la crainte de nos semblables et entretenir notre réputation de monstres sanguinaires. Mais jamais je n'ai vu l'un des miens se repaître d'un cadavre appartenant à sa propre espèce, et cela me marquerait probablement autant que le sont les loups qui se l'imaginent. Je ne peux m'empêcher d'être amusé par autant de croyances stupides. Ils se fient tellement aux rumeurs et aux "on dit" que tout le monde est prêt à croire n'importe quoi, de nos jours. Il suffit qu'un loup apeuré ait aperçu un Hordien en train de dépecer un gros blaireau, pour que le soit-disant témoin répande dans toute une meute la légende selon laquelle des monstres mi-loups mi-vampires boivent le sang des louveteaux jusqu'à les vider complètement de leur elixir de vie. S'ensuit alors des couvre-feu, des interdiction de sortie pour les moins de huit mois, et une terreur inaltérable qui s'installe dans les rangs sans que personne ne la fasse diminuer.
S'amusait-il de la situation ? Elle en avait l'impression, elle avait l'impression de voir un rictus déformer par moment le visage de ce loup. Cela lui faisait-il plaisir, de ressentir la peur de la solitaire ? Fort probable, après tout, leur réputation est là … Rageant face à cette amusement et, humilier de ne pouvoir se défendre, la louve se contente de garder ses distances en ravalant son soudain mépris pour leur pseudo meute d'assassin. N'y en avait-il pas un pour rattraper l'autre ? Étaient-ils tous de cette espèce là ? Tout ceci était donc vrai ? Elle avait entendu tant de bride ci et là, concernant cette soi disant meute, la Horde, mais tout était-il vrai ou certaines choses exagéré ? Aucune idée mais, elle n'avait guère envie de le savoir, elle préférait ce tenir loin d'eux, loin de leur conquête ou de leur vengeance quelconque car, après tout, elle ignore ce qui motive ces loups à agir de la sorte et, ne chercha pas à le savoir …
A certains moment, son corps était ébranlé par de petits tremblements, ceux-là ne sont pas dû à du froid ou de la peur mais, à de la rage, la rage de se sentir si faible, incapable de se défendre ou, de garder la tête haute face à ces loups sanguinaires qui arpentent les terres solitaires. Ne pouvaient-ils pas être à l'abri quelque part ? De plus, il a fallut que cette menace arrive lorsque l'hiver est là, tuant davantage de proie alors que celle-ci étaient déjà bien difficile à avoir et, en plus du harcèlement des tempêtes, voilà que ces loups venu de on ne sait où s'y mettent aussi. Elle méprise les meutes et leurs ambitions …
Toutefois, elle lui avait répondu et, il en fit de même, bien évidement, étant donné qu'il est celui qui a engagé la conversation pour on ne sait qu'elle raison mais, la raison qu'il lui donna ne la satisfaisait pas, probablement parce qu'elle craignait à une nouvelle manipulation. Depuis sa rencontre avec l'autre, elle n'arrivait à faire confiance au moindre loup qui passe près d'elle, déjà que en tant que solitaire, la vie n'est pas simple mais, croiser des meutes n'arrange pas leur mode de vie et, maintenant ça … Pourquoi faut-il que tout ceci se passe ainsi ? Pourquoi ne peuvent-ils pas tous s’entraider au lieu de se bouffer ? Tous veulent survivre mais, celui qui survie est le plus fort dans ce monde. Cela voulait-il dire qu'elle était forte ? D'avoir réussi à survivre d'une portée de louveteau sous une pluie de cendre ? Non, elle en doutait, cela n'était que malédiction et, même la Pluie de Larme n'avait pas réussi à l'en convaincre autrement …
« Oui, ça l'est ... »
Avait-elle répondu. Des paroles peut-être un peu trop audacieuse au vu de son interlocuteur mais, ses paroles avaient dépassé sa pensée et, désormais, il n'était plus possible de faire demi-tour, à moins de tenter de recadrer le tire.
« Rare sont ceux qui s'approchent de ceux qui n'appartiennent pas à leur meute sans raison. Quelle soit amical ou non ... »
Elle avait prononcé ses paroles tout en jetant un léger regard vers l'autre loup, espérant ne pas attiser plus la flamme qu'autre chose mais, elle ne réussissait à trouver les mots qu'il fallait pour tenter de dévier tout ceci. Peut-être aurait-elle dû réellement partir tant qu'il était encore temps … Elle reporte son attention sur le soleil couchant, une appréhension se formant en elle. Se montait-elle trop la tête ? Tout ce qu'elle risquait de déclencher, c'était encore plus d'amusement de la part du Hordien, cela elle s'en doutait mais, ne pouvait faire autrement … Elle n'osa dire quoique ce soit d'autres, elle ne voulait même pas lui parler, elle voulait seulement être seule et, loin de ce genre de loup ...
Il y a quelques semaines, j'étais là sous un soleil délicat, dont les rayons réchauffaient timidement mon pelage entre deux bourrasques d'un vent froid, hivernal. Je pensais que rien n'était plus beau que se retrouver là, devant l'endormissement de l'astre de jour, avec la louve qui faisait battre mon coeur comme compagne de spectacle. Malheureusement, ce moment a eut beau être un souvenir des plus magnifiques, je n'ai pas la chance de pouvoir le revivre. Atom a simplement décidé de disparaître et de ne plus jamais se montrer devant moi, plutôt que d'accepter réellement mes sentiments pour elle et me les rendre. Moi qui croyais avoir trouvé la louve de ma vie, il semblerait que je me sois trompé et je le regrette aujourd'hui amèrement. Pourtant, je suis là, à regarder encore le soleil se coucher, sans que celle que j'aime soit là pour le voir aussi et partager cet instant avec moi. Je lance un regard en coin à la jeune louve non loin de moi, qui semble quelque peu perdue dans ses pensées. Il lui faut encore quelques secondes avant de répondre.
- Oui, ça l'est.
Elle a le mérite d'être honnête malgré la peur -et probablement le dégoût- que je lui inspire. J'ignore si c'est là une tentative de me faire croire qu'elle ne me craint pas, ou si elle a simplement parlé plus vite qu'elle n'a pensé. Quoi qu'il en soit, je ne suis pas plus étonné que satisfait. A défaut de se méfier de moi, elle n'en n'est pas au point de fuir à toutes pattes. Il est vrai qu'il serait fort flatteur de voir nos semblables décamper au plus vite à notre vue, mais après réflexion, ne serait-ce pas un peu fatiguant ? Nous serions alors condamnés à ne plus interagir qu'avec les quatorze mêmes loups de manière permanente, et je doute personnellement de me contenter de ceux-là. D'autant que je n'apprécie pas grand monde dans la horde, alors je suppose que je m'ennuierais bien vite de voir tout le monde prendre ses pattes à son cou à chaque fois que j'approche d'un inconnu. Finalement, être un assassin réputé à aussi ses désavantages. J'ignore si je supporterais.
- Rares sont ceux qui s'approchent de ceux qui n'appartiennent pas à leur meute sans raison. Qu'elle soit amicale ou non ...
Elle n'a pas tort. Enfin d'un certain point de vue, forcément nous n'approchons pas nos semblables sans avoir une raison de le faire. Je n'ai jamais vu un loup diminuer la distance qui le sépare d'un autre sans avoir pour objectif d'entrer en contact avec ce dernier. Tout comme ce soir, j'aurais très bien pu m'éloigner d'elle et profiter de ce coucher de soleil nettement plus loin sur la plage, d'ailleurs. Je me demande alors, l'espace d'un instant, ce qui m'a poussé à venir la voir alors que je me fiche pas mal de son existence et de ce qu'elle peut venir faire ici, ce soir. Mais la réponse m'apparaît rapidement et clairement à l'esprit. Tuer ou se faire tuer, le choix nous appartient à tous. Et c'est ainsi que je fais passer ma vie, jour après jour. Si je me suis approché d'elle, c'était simplement par précaution. Il faut être proche de ses amis, mais encore plus de ses ennemis. Et puisque je ne savais pas qui elle était, mieux valait garder un oeil sur elle.
- Il est vrai, tu as raison. En tout cas, moi, je n'suis pas venu pour tuer. Libre à toi de me croire ou non. De toute manière, je ne tarderais pas.
Si j'avais été à côté d'un loup que je connaissais, j'aurais probablement expliqué ma venue avec plus de détails. J'aurais probablement précisé que je suis ici pour me remémorer quelques souvenirs douloureux, ceci afin de ne pas oublier les meilleurs moments de ma vie. Mais je ne connais pas cette jeune femelle, et si je n'ai pas l'intention de la tuer, je ne suis pour autant pas assez naïf pour dévoiler mes pensées à une parfaite inconnue. Après tout, elle est peut-être une ennemie de la Horde. Et vu comme elle a réagit à mon arrivée, je doute sincèrement qu'elle fasse partie de deux qui nous soutiennent et nous aident en secret. Tous de minables toutous prêts à n'importe quoi pour épargner leurs vies. Je déteste les traîtres, qu'ils soient ou non de mon côté. Ceux-là seront les premiers à tourner le dos à Skull lorsque la horde n'aura plus autant d'impact qu'une autre meute. On ne peut pas trahir les uns et être loyal aux autres. On est un lâche, ou on ne l'est pas.
- Au fait, je m'appelle Isha.
Libre à elle de le retenir ou de l'oublier dans une seconde. Libre à elle de partager son identité avec moi ou de se taire. Après tout, nous ne sommes pas des animaux sauvages pour rien. Notre liberté nous est précieuse et nous donnerions tous nos vies pour la défendre. Je ne doute pas qu'une solitaire a d'autant plus conscience de ce fait qu'elle vit volontairement en marge de nos "sociétés". Sociétés que je m'empresserais de quitter à mon tour, lorsque ma dette envers Skull sera payée. Je ne suis pas là pour servir un autre loup. Je suis né pour subvenir à mes propres besoins, et si ces-dits besoins nécessitent une alliance pour être atteints, alors je créerais cette alliance. Mais jamais elle ne sera définitive, et je reprendrais toujours ma liberté dès que l'occasion se présentera. En attendant, je me dois de servir sous les ordres de ma Leader jusqu'à ce que nos objectifs communs soient atteints et que j'aie enfin eu ma vengeance. Alors seulement, je reprendrais ma vie là où je l'ai interrompue il y a maintenant plusieurs mois.
Un mélange de crainte, de méfiance et d'interrogation s'empare de la louve. Comment ne pouvait-il en être autrement ? Elle qui avait eu une si mauvaise expérience avec l'un des leurs, comment ne pouvait-elle pas se méfier de ce loup qui ne montrait pas le moindre signe d'hostilité ? En même temps, si sa puissance était similaire à celle des autres Hordiens qui terrorise ces terres, il n'avait nullement besoin de se montrer agressif ou sur la défensif car, après tout, il risquerait d'avoir le dessus, surtout sur elle qui est loin d'être une combattante … Elle avait toujours esquivé le combat, même quand cette Hordienne l'avait attaqué, elle n'avait su se défendre et, au vu du gabarit de celui qui se trouvait non loin d'elle, elle doute fortement de pouvoir faire quoique ce soit si il lui saute dessus. Non, elle était bien trop faible et peu expérimenté pour ce genre de chose, elle préférait la paix à la guerre même si, elle n'a jamais réellement connu de paix et pourtant, dieu sait qu'elle essaye depuis qu'elle est avec lui …
Il approuva ses paroles, se contentant de la rassurer, enfin … Si on pouvait appeler cela ainsi … Comment le croire ? Elle se méfiait bien trop de ceux qu'elle ne connaissait pas, elle se méfiant davantage de ceux qui vivaient en meute. Toutefois, elle fut rassuré de l'entendre dire qu'il ne resterait pas bien longtemps, tant mieux … Plus vite il partirait et, mieux elle se porterait, si bien sûr, il ne lui mentait pas … Loin d'être une experte pour reconnaître les mensonges de ce qui est vrai, elle préférait suivre son instinct de survie qui lui disait de se méfier en tout temps et face à n'importe qui …
Son regard passant du loup au soleil couchant, elle ne dit point mot cette fois-ci, espérant simplement qu'il parte au plus vite face à ce silence mais, il n'en fit pas. A son plus grand étonnement, il se présenta à elle. Tournant la tête dans sa direction, intrigué par cette révélation, elle ne put s'empêcher de se demander si cela était réellement son nom ou, comme la dernière fois, il s'agissait d'un piège … Elle baissa un instant les oreilles avant de les redresser alors qu'elle détourne son regard pour contempler la surface de l'eau scintillante sous les derniers rayons du soleil. Pourquoi lui dire son nom ? Voulait-il qu'elle en face de même ? Pourquoi ? Elle n'aimait pas ne pas savoir ce qu'on lui voulait, elle n'aimait pas la proximité des autres loups. Solitaire jusqu'au bout, elle l'était de moins en moins, du moins, seulement avec un seul loup mais, même à certains moment, elle ne demandait qu'à se retrouver seule …
Sans s'en rendre réellement compte elle-même, elle lui donna son nom à son tour.
« Nymeria ... »
Lorsqu'elle s'en rendit enfin compte, elle lâcha un grognement mais, plus pour elle même face à cette information qu'elle venait de lâcher. Bah … Quelle importance cela avait-il de toute façon ? Qui la connaissait ici ? Hormis sa famille et, les quelques loups qui vivaient avec eux, elle n'était qu'une louve parmi tant d'autres, une simple solitaire méfiante et faible qui ne se mêle pas aux autres à moins d'en être forcé, comme actuellement …
« Pourquoi être ici ? »
Une question à double tranchant. Pourquoi être ici, sur cette plage, pourquoi être ici, sur ces terres à terroriser tous les loups qui se trouvent ici. En fait, elle ne ciblait rien de particulier avec sa question, elle ne savait même pas pourquoi elle lui posait une pareil question alors que cela ne la regardait pas, quoique … Connaître son ennemi est mieux que de ne pas le connaître du tout … Pouvait-on le qualifier d'ennemi d'ailleurs ? Bonne question, toutefois, on pouvait les qualifier de menace car, c'est ce qu'ils sont ...
Le soleil continue sa course dans le ciel, laissant la pénombre naître lentement et engloutir la forêt derrière nous, avant de s'en prendre lentement à la plage que nous avons investie depuis déjà quelques minutes. Aucun signe chez la louve, qu'elle se détend. Elle reste sur la défensive, prête à me voir faire n'importe quoi. Elle s'attend à me voir attaquer d'un moment à l'autre, même si j'ai tenté de lui dire que ce n'est pas dans mes intentions. Un légers soupir passe les portes de mes babines. Après tout, pourquoi s'éterniser ? Nous n'avons rien en commun. Elle ne désire que la solitude, et je ne la cherche pas davantage. Ce n'est pas là une caractéristique commune bien pratique, lorsqu'on se trouve en solitaires sur une plage totalement vide. Autant abréger ses souffrances maintenant, puisqu'elle semble tant redouter le moindre de mes mouvements. J'essaie de partager un tant soit peu de choses avec elle. Mon nom, pour commencer. Ses oreilles qui se plaquent sur son crâne, m'indiquent qu'elle doute. Suis-je honnête ? Rien n'est moins sûr. Je pourrais lui servir un baratin digne de n'importe quel hordien pour pouvoir la piéger entre mes griffes au moment où elle s'y attend le moins. Digne d'un lâche. Mais je ne suis pas comme ça. J'ai des principes.
Contre toute attente, la louve argentée me donne son nom. Je suis étonné, je m'attendais vraiment à un mutisme complet et pour preuve, je suis déjà sur mes quatre pattes. J'étais prêt à partir. Cependant je ne me rassois. Pour une fois dans ma vie, je n'étais pas venu nuire à une inconnue. Aujourd'hui, j'avais seulement besoin de me souvenir. Juste une fois. Je perçois un léger grognement s'extraire de la gueule de la jeune louve, mais lorsque mon regard se pose sur elle, elle ne me regarde. Je hausse les épaules, me disant qu'après tout, tant qu'elle n'essaie pas de m'attaquer, je n'ai aucune raison de lui poser problème. Vient alors une question à laquelle je ne m'attendais pas. Venant d'elle, encore moins. Elle ne semble pas le genre de louve au tempérament curieux qui s'instruit sur tous les loups qu'elle rencontre. Je devrais me sentir flatté, peut-être, de l'attention soudaine qu'elle me porte, mais ça me gêne plus que nécessaire. Je n'ai aucune envie de répondre, ça ne la concerne pas et la réponse serait bien trop personnelle. D'autant qu'elle me ferait perdre une grande partie de crédibilité. Après tout, ne sommes-nous pas considérés comme des monstres sans coeur qui ne sont capables que d'aimer le sang et la douleur des autres ? Leur agonie ?
Et puis je réalise qu'il y a peut-être un sens plus profond à une question qui semble si simple. Son intérêt ne se porte peut-être pas sur moi, mais sur la connaissance de ce que nous sommes, au fond, nos autres hordiens. Car nous ne sommes pas des loups "comme les autres". Nous sommes des mercenaires, des destructeurs, des êtres sadiques dénués d'émotion. Du moins c'est ce que prétend la légende qui nous précède partout où nous nous rendons. Peut-être devrais-je lui faire croire cela, il en va de mon devoir. Mais soit, pas ce soir. Ce soir, je suis simplement Isha. Même si je suis tenu par le sceau du secret, en tout ce qui concerne la horde. Alors, toujours debout à quelque distance d'elle, je lâche un long soupire de réflexion, et je lance un dernier regard à l'astre de jour. Un regard d'au revoir. Il est temps pour moi de m'en retourner sur les terres neutres, là où j'ai toutes ces responsabilités, là où je n'ai pas le droit de pleurer la perte de cette louve que j'aime temps, et de cette vie que je n'aurais plus. Là où je me dois d'être fort et sans pitié, afin d'être respecté et craint de tous, même des miens. Ca ou la vie d'un solitaire qui risque son existence en permanence. Je hausse les épaules en inspirant légèrement.
[color=lighblue]- J'étais venu réfléchir.[color]
J'anticipe un premier pas en direction des bois, et mon regard saphir se pose sur la jeune louve en laissant les derniers rayons du soleil l'illuminer une dernière fois.
- Je libère l'espace, ...
Je m'apprêtais à lui dire que j'avais des responsabilités, des choses à faire, mais je m'abstiens en inspirant. Je ne peux pas lui révéler ce genre d'informations, qu'elle pourrait faire partager à d'autres loups. Alors, je lui fais un signe de tête, la saluant, et je m'éloigne vers les sous-bois, bien décidé à disparaître entre les arbres.
Lorsqu'il se redressa alors que la louve ne pipa pas le moindre mot pour lui offrir son identité, elle s'était méfié, lui lançant un regard en coin, qu'allait-il faire ? Mais elle finit par lui donner son nom et, il s'était rassit. S'en suivis la question qu'elle lui posa, sans le moindre but particulier. Peut-être s'en offusquera-t-il ? Peut-être se méfiera-t-il d'elle ? L'attaquera-t-il ? Il n'en était rien de tout cela … Du moins, elle cru que cela allait être le cas, lorsqu'il se redressa de nouveau. Elle tourne son regard ambré sur lui en suivant ses mouvement. De lui amenait aucune trace d'animosité, malgré la question, ce que cela pouvait être perturbant … Il lui répondit, elle le fixe, perplexe. Réfléchir ? A quoi ? Elle aurait voulu lui demander mais, en même temps, pourquoi le ferait-elle ? En quoi cela la concerne ? Visiblement en rien vu qu'il ne semblait avoir pas la moindre hostilité envers elle, peut-être s'était-elle trompé depuis le début, quant à ses intentions ? Possible mais, comment aurait-elle dû réagir ? Elle ne pouvait se permettre de baisser sa garde, pas comme ça …
Il lui tourne le dos, la regarde une dernière fois. Il partait ? Elle ne dit rien, l'observe sans un mot. Se jouait-il d'elle ? Même après ce petit moment passé avec ce Hordien, elle n'arrivait à se décontracter, à se dire qu'elle ne craignait rien en sa présence. Elle était de nature méfiante, c'était plus fort qu'elle mais, c'est grâce à cela qu'elle a survécut jusqu'à aujourd'hui et, qu'elle survivrait encore. Elle ne lui dit pas le moindre mot, le laissa s'éloigner, se demandant s'il ferait demi-tour pour se jeter à sa gorge comme l'avait fait l'autre mais, il n'en était rien de tout cela et, le voilà en train de retourner jusqu'à la forêt, sans un mot de plus alors que le soleil se mourrait complètement, plongeant la plage et les terres dans une pénombre qui se transformerait bientôt en ténèbres.
Cette rencontre fut bref et étrange et, elle ne savait quoi en penser, peut-être avait-elle jugé trop vite les Hordiens ? Peut-être ne devait-elle pas tous les condamnés ? En tout cas, elle retiendrait le nom de ce Hordien, juste au cas où … Elle jette un dernier coup d’œil à l'astre disparu et, se lève, partant dans une autre direction, longeant la plage en se perdant dans ses songes ...