Des hommes, squelettes, pendant bêtement autour de toi. Ils t'observent, bouche bée. Leurs yeux vident son braqués sur toi. Silencieux spectateurs de ta marche. Tu traverse sans prendre garde à eux. Ton corps se mouve avec grâce. Tâche noire, sur sol blanc, parmi les arbres noirs. Et les morts, gris. Fendant l'air à un rythme posé, tu avances. Pourquoi revenir ici ? Tu l'ignores. Pensif, tu ne prends pas même le temps d'observer les alentours. Mais tu n'as pas peur de te perdre : tu connais cette forêt sur le bout de tes pattes. Le temps est calme, pour une fois. Aucune tempête ne semble vouloir te surprendre. Ce qui n'est pas bon signe pour autant. L’atmosphère est pesante, vide de son. Tu te sens seul parmi les arbres. Perdu dans un univers familier, connu. Vide avec le ventre encore chaud du gibier fraichement dévoré. Que de paradoxe... Triste contradiction.
Un arbre te barre le passage. Grattant négligemment le sol, pour y trouver la terre, tu lèves les yeux. Sortant tout droit des entrailles du monde, le géant de bois étirent ses branches vers le firmament. Tu as toujours eux une curieuse façon de voir les arbres. Pour toi, ce sont les mains des morts dont les cieux n'ont pas voulu. Ils sont condamné à rester ainsi des années, à observer, subir. Alors, par désespoir, il supplie le ciel d'être clément. Ils se grandissent, dans l'espoir de l'attendre. Se déforment sous la douleur de cette croissance forcée, monstrueuse. Et lorsque, enfin, l'on décide qu'ils ont suffisamment souffert, ils se couvrent de noir. Et, tout aussi lentement qu'ils ont vécu, la mort vint à eu. Et ainsi, le soulagement. La rédemption.
Avec cette vision des choses, tu te trouve dans une forêt de cadavres, donc. Rassurant, n'es-ce pas ?
Tu te lèves sur tes pattes arrières, et prend appui sur l'arbre. Son écorce est pleines de prises, qui te tente. Sacrément. Tu plantes tes griffes. Un loup peut-il grimper ? Ce savoir pourrait bien t'être fort utile pour la fuite, songeas-tu. Grattant un peu, tu fis tomber quelques échardes. Une se planta dans ta patte, te faisant grimacer un court instant. Tu arrachas l'épine problématique, avant de reprendre ta contemplation. Décidément, il te tentait. Dans le genre, vraiment. Tu bondis.
Et retomba lamentablement sur le sol. Lâchant un feulement, tu te remis sur tes pattes. Une fois stabilisé, tu t'éloignas de quelques pas de ta cible. N'étais-ce pas l'odeur d'Alweda que tu avais retrouvé, un jour, sur un tronc ? Elle avait réussi, tu en était certain. Son corps, plus frêle et petit que le tient, était aussi plus facile à monter. Mais tu étais musclé. Si elle pouvait grimper, toi aussi, décidas-tu avec entêtement. Aussitôt pensé, tu courus vers l'arbre. Bondit. Et rebondit dessus. Le sol t'accueillit en un bruit mat. Tu donnas un coup de patte dans la neige, rageant. Puis tu te forças à te calmer. Il fallait réfléchir? Trouver. Comprendre la stratégie. La mettre en place. Bien. Tu prendrais le temps qu'il faudrait, dus-tu y rester à vie !
Les heures s'écoulèrent, ainsi. La sueur, ta nouvelle amie, vint vite te rejoindre. Le processus était bien moins aisé que tu l'avais imaginé. Ton poids avait tendance à t'arracher de l'arbre. A te faire chuter. Pour une fois, tu maudit tes muscles. Mais la force ne valait-elle pas mieux qu'une possibilité de fuite ? Après tout, avec la puissance, c'est toi qui fait fuir autrui, et non l'inverse. La force, c'est la sécurité.
Haletant, le souffle court, tu bondis pour la centième fois. Tes griffes, douloureuses, se plantent furieusement dans l'écorce, non loin des autres marques que tu as laissés. Tu te colle le long de l'arbre, et ferme les yeux. Les secondes passent, et seul la douleur de tes pattes augmente. Tu te tombe pas. Rouvrant ton œil valide, tu t'hasardas à déplacer ta patte vers une seconde prise. Lentement, à un rythme douloureux, tu montas. Parfois, ton corps menaçais de te ramener au sol. En bas, ta silhouette se découpait de nombreuse fois dans la neige, au point de ne plus être reconnaissable.
Finalement. Tu parvins à atteindre la première branche. Avec difficulté, tu te hissas dessus. Tu observas la forêt avec un regard nouveau, de ce point de vue en hauteur. Tout semblait si... Petit. Simple. Ton cœur battait à ne plus savoir rester en rythme. Entre l'effort intensif, et l'excitation de la victoire, il n'en pouvait plus. Et toi non plus, forcément. Mais, à présent... Tu savais comment grimper un arbre. Tu voulais trouver une position plus confortable sur la branche, voire t'assoir. Mais le sort en décidas autrement, et tu te retrouvas de nouveau à chuter. Lâchant un soupir résigné, tu rejoignis le sol. L'impacte fit naître une violente douleur dans ton dos, qui te coupa tout souffle. Heureusement, au bout de quelques secondes, elle s'envola. Et tu te retrouvas à regarder le ciel nuageux. Avec, fendant en deux ton visage, un sourire aussi idiot que celui des squelettes.
END.