Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.

Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.


 
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 Sortir les crocs⎜Entraînement solo

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Jeu 8 Jan - 22:48

Sortir les crocs
Entraînement Solo



F=55/A=50/E=47


Skull avait connu le Styx, cette rivière noire et tumultueuse qu'elle se plaisait à regarder. Cependant, jamais elle n'avait vu étendue plus grande que ce lac. Il était si grand qu'on en voyait pas la fin. La Hordienne était tout simplement fascinée. A première vue source de quiétude et endroit pour se désaltérer, en se rapprochant on s'apercevait qu'il n'en était rien. L'eau, trouble et sale, n'était pas sans rappeler le liquide noir et gluant dont se servaient les Hommes. Pollué jusqu'aux profondeurs, on apercevait sur la surface des tâches de couleur irisées. Il était impossible d'imaginer qu'autrefois il pu abriter la moindre forme de vie gracieuse et nourrissante. Aujourd'hui, il n'en restait qu'un amas de boue et d'acide; cette eau était devenue aussi dangereuse que le plus mortel des poisons.
Skull se balade nonchalamment le long de la rive, les pattes trainantes et la tête rentrée dans les épaules. Ses yeux rougeoyants scrutent le paysage avec méfiance. L'étendue d'eau sale est bordée d'un rivage découvert, lui-même bordé de l'orée d'un large bois fourni en arbres. L'eau a sûrement dû empêcher toute forme de vie se développer près d'elle. Une odeur putride se dégage du lac, en raison des nuages opaques qui s'en échappent. D'où proviennent-ils ? Cela reste un mystère. Cette fragrance abominable emplit les poumons de la Hordienne mais celle-ci ne dit rien, ne rechigne pas. Il en faut bien plus pour la faire fuir. Elle est chez elle partout, même dans les endroits les plus inhospitaliers. Et cela, rien ne pourra le changer.

Alors qu'elle marche ainsi, plongée dans ses pensées profonds, un craquement retentit. La louve lève la tête précipitamment, cherchant la source du bruit. Ses sens lui indiquent qu'il provient de l'orée du bois, à une dizaine de mètres de sa position. L'odeur du lac l'empêche d'identifier quoi que ce soit. Prudente, Skull hérisse le poil et, plissant ses yeux sournois, se rapproche lentement de la forêt. A mesure que ses pas l'éloignent du rivage, les craquements s'intensifient. A moins de 5 mètres, la louve s'arrête et écoute. Alors qu'elle tend l'oreille, les yeux fixés sur les épais buissons qui marquent le début du bois, ces derniers s'agitent brusquement. Avec violence, un énorme sanglier sort des fourrées, écartant les fougères de coups de tête puissants. Il grogne furieusement, les yeux fixés sur Skull. Cette dernière reste un instant immobile. Elle entend, derrière, d'autres bruits. Elle aperçoit également l'ébauche d'une fourrure marron, identique à celle du sanglier. Il a sûrement toute sa famille avec lui. Il veut les protéger, pense la louve en montrant les crocs. Tant pis, je vais devoir le tuer. Cependant, Skull était loin d'imaginer que le sanglier fut autant en colère. Le temps qu'elle recule de quelques pas, le sanglier l'avait déjà percuté de plein fouet, rentrant ses défenses dans la peau tendre de son ventre. Couinant de douleur, et désormais aussi furieuse que son attaquant, la Hordienne se relève immédiatement. Le sanglier entame une parade de défense, courant follement autour d'elle en secouant la tête de droite à gauche, marquant le sol de griffues profondes. Saleté, pense Skull en crachant du sang. Elle avait mordu sa langue. Elle émet un grognement sourd, faisant part de son mécontentement. Tu n'es pas le seul à être énervé, sale parasite. Elle sent une folie meurtrière monter en elle, sourde mais puissante, s'insinuant dans ses pattes, dans ses hanches, dans ses crocs, dans son coeur. On n'attaque pas ainsi le Bourreau d'Agonie. On ne parade pas devant elle, on ne revendique rien en sa présence. C'est elle qui décide quand attaquer, quand parader, quand revendiquer. Et si cet animal est trop stupide pour comprendre à qui il a à faire, elle va devoir le tuer pour cette ignorance. Sans plus attendre, la louve bondit et se jette sur le sanglier. Ce dernier lui présente ses molaires et émet un cri qui vrille les oreilles de la louve. Esquivant au dernier moment, Skull roule sur sa gauche et assène un coup de patte sur le flanc du cochon poilu. Le sang gicle et le gibier couine. Le voilà repartit à la charge: d'un coup de tête vers le haut, il parvient à faire voltiger la louve. Skull tombe par terre lourdement. Du sang se répand autour d'elle, et, pendant un moment, elle s'étonne de ne pas être morte. Mais, loin de sentir ses forces l'abandonner, elle sent plutôt autre chose monter en elle: de la haine. Ce vieux sentiment, si familier, si rassurant, qui a bercé sa longue vie. De l'écume sort de sa gueule envahie de crocs tranchants. Ses yeux, réduits à deux fentes horizontales, ne sont plus que deux points rouges dans la pénombre de la forêt. Elle laisse la haine s'emparer de ses muscles, de son cerveau et réplique à la provocation du sanglier. Elle se jette dessus, lacérant de ses griffes, déchiquetant de ses crocs et ne contrôle plus rien. Elle roule avec sa proie, faisant fi de ses blessures, et plante ses crocs dans le cou de l'animal. Ce dernier semble paniqué à présent, comme s'il venait de se rendre compte qu'il s'était attaqué à un loup. L'hémoglobine gicle; Skull ne saurait dire à qui elle appartient. Tout ce qu'elle pense c'est lacérer, déchiqueter, mettre en lambeau, torturer, tuer. Tantôt esquivant, tantôt attaquant, elle se retrouve bientôt sur le dos de l'animal - sa technique favorite, et y plante ses crocs sauvagement. La haine bouillonne en elle. Plusieurs fois elle tombe, elle se fait même poursuivre pendant quelques minutes, mais elle se sait supérieure à ce sanglier. Ses muscles surchauffent, la tiraille mais elle n'en a rien à faire. Son sang coule sur la terre, formant des traînées rougeâtre, mais elle n'y fait pas attention, tant qu'il se mêle à celui qui a osé l'attaquer. Ce dernier, par ailleurs, est en bien piètre état. La Hordienne aperçoit ses défenses, rougis par son propre sang. Après une course effrénée, où cette fois-ci elle est la poursuivante, la louve reprend le dessus. Ses foulées ralentissent à mesure que sa rage meurtrière l'abandonne. Le sanglier, la peau en lambeaux et boiteux, n'ira pas loin. Il lui suffira d'attendre pour l'achever. Et, par la même occasion, cueillir toute sa petite famille. Skull esquisse un sourire noir et, s'arrêtant quelques instants, scrutent les traces de sang qui s'enfoncent dans la forêt. Promenons-nous, dans les bois… Pendant que le Loup n'y est pas..., chantonne la louve en jouissant intérieurement. Elle s'engage dans le bois et disparaît aussitôt. Silence. Un cri affreux. D'autres cris s'y joignent, plus faibles. Courts, faiblissant. Un autre silence.


FIN


 Sortir les crocs⎜Entraînement solo


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