Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Mon regard couleur noisette parcourt le village des hommes distraitement, une expression de dégoût s'affiche lentement sur mes babines, mais aussi de rage, un grondement intérieur s'élève, un grondement sourd et réclamant son droit de se venger de l'humiliation. La dernière fois que je suis venue je n'ai pas réussi, reéchouer serait une véritable honte, mais je suis prête à tout pour me venger de l'humiliation de cet homme et son fusil. Que je le tue au moins !
Et voir cet étable se dresser à l'horizon, l'étable que j'ai failli piller, ça me dégoûte ! Le trou du grillage a été réparé, ben oui, pourquoi faire la même erreur deux fois ? En plus ils l'ont renforcé, c'est ballot, je ne pourrai pas aller à l'étable sans passer par la maison de l'homme au fusil, ce qui est une mission suicide, il doit être on ne peut plus vigilent depuis la dernière fois, et son chien doit avec de la haine envers moi depuis que j'ai tué son camarade. Rah...
De toute manière, quoi qu'il arrive aujourd'hui, je vais réessayer, même si ça me coûte de sérieuses blessures, je suis déterminée à piller les hommes. Ces sales bêtes qui sont irrespectueuses envers la nature et les animaux, qui la polluent, ils ne méritent rien d'autre que la mort !
Un cheval hennit au loin, là où les chevaux sont, les hommes sont, et j'ai appris par expérience que souvent les écuries des chevaux ont tout près d'eux un petit enclos garnit d'animaux. Je m'en lèche les babines et me dirige avec appétit vers mon futur repas.
Je me dirige en courant à vive allure vers l'étable situé près des écuries, mais je m'arrête net en voyant qu'un humain se dirige vers un cheval, le bras tendu vers lui. L'équidé s'approche, au début hésitant, puis prend quelque chose dans la main de l'homme, avant de hennir de joie. Un jeune chien costaud accompagne l'homme et tourne tout autour de lui, il s'arrête et me regarde, il m'a vu. Le cheval relève son encolure et me regarde aussi, il me fixe, de ses yeux dépourvus d'intelligence.
J'émets un grondement sourd en réalisant soudainement que leur maître possède un petit fusil, un pistolet. Il est pendu à sa ceinture marron chêne, l'homme glisse sa main sur son arme et l'effleure délicatement avant de la prendre fermement entre ses sales mains. Je recule, puis ai une idée. Je m'abaisse, me soumets, émets des aboiements pitoyables, comme si que j'étais dans la détresse.
L'homme relâche la pression sur son arme, me regarde, me fixe, le chien se met à grogner, il va s'élancer vers moi, je m'efforce de ne pas faire pareil, et au moment où le molosse allait bondir, son maître jappe un ordre qui désapprouve le comportement de la bête. Il met quelque chose autour du museau de l'équidé et l'attache à un piquet, avant de se diriger tout doucement vers moi, son arme toujours dans sa main.
Je plaque les oreilles contre ma nuque, remettant en cause mon idée, mais finalement, l'humain me montre son arme et la remet sur sa ceinture. De sa sacoche, il sort un morceau de viande et me la tend, je ne sais pas trop comment réagir. Je joue la louve innocente et en détresse, alors autant me comporter comme tel, non ? Mon museau s'avance, flaire avec prudence la main tendue de l'humain, puis je prends vite le morceau de viande avant de l'avaler tout rond. L'humain sourit.
Il est jeune, a une petite barbe noire assortit à ses cheveux, ses yeux sont du même marron que les miens, et il n'a pas l'air hostile, ni trop sur ses gardes. Je pourrai le tuer, mais son chien monte la garde auprès de son maître, me surveillant étroitement, et je suis bien décidée à jouer la comédie jusqu'au bout.
Soudain j'entends des jappements au loin, et des coups de fusils, l'homme de l'autre fois, le méchant, arrive avec son chien enragé, il me vise, mais son chien se jette en premier sur moi. Le molosse me mord le cou de toute ses forces, je hurle, lui rend la pareille, le dégage de moi, me remet en position, il me réattaque, et j'entends à côté des vois que je ne comprends pas.
<< Ne tue pas le loup ! _ Il a voulu me voler mon bêtaille ! _ Ne le tue pas quand même, j't'en pries Ronnon... >>
Pendant que les deux hommes échangés des paroles incompréhensibles pour moi, moi je me démenais tant bien que mal avec ce chien envahit par une colère aveugle. Je el griffe sévèrement au ventre, le sang coule, il se met sur le côté, dans un geste de soumission, le jeune chien du bipède qui m'a donné un morceau de viande renifle son camarade, ne sachant pas trop comment réagir, il me regarde, les yeux remplient de colère et d'incertitude. Je suis prête à l'accueillir comme il se doit, mais au moment où il va bondir sur moi, son maître le rappelle.
<< AUX PIEDS !!! >>
Mais le jeune ne relâche pas sa prise, je hurle encore plus intensivement, et l'expulse en arrière, mais contrairement à la dernière fois, je ne l'achève pas. L'homme gentil me fait un geste comme quoi je dois fuir, puis il se bat avec l'autre pour qu'il ne me tue pas. Je ne comprends pas ce se passe, mais pars ne voulant pas mourir.
Pourquoi cet homme a pris ma défense ? C'est incompréhensible ! Au début j'ai juste joué la malade pour ne pas me faire abattre, pour avoir une chance de m'en sortir, jamais pour faire comme ces apprivoisés ! Je recrache de dégoût. J'ai mangé dans la main d'un homme !
Le sang, le sang qui m'appartient, coule entre mes griffes et la douleur se fait plus vive, mais je l'ignore malgré tout et continue à courir, malheureuse d'avoir encore raté mon coup.