Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
J'ai découvert une passion pour les crânes des hommes. Si si, j'vous jure ! Depuis que je me suis amusée à dêpercher les squelette des arbres et joué avec un crâne, à chaque fois que je vais dans la forêt aux pendus, j'ai envie de renouveler l'aventure ! Vous me croyez ou pas, hein, mais j'adore ça ! C'est... Nul mais j'aime. Soit, chacun ses passes-temps non ?
Le sourire étirée jusqu'à mes yeux, j'avance avec une allure bizarre dans la forêt. Les squelettes me font de l'ombre, et je choisis ceux que j'enlèverai de leur perchoir. Ben quoi, c'est mon nouveau passe-temps, et j'ai rien à faire là, alors autant que je m'occupe ! Je rie de mes bêtises, et regarde avec convoitise le petit squelette accroché dans les arbres. Celui ci n'est entouré que de quelques fils qui sont eux-même raccrochés à une immense voile. Aucun harnais soûlant à retirer qui te font mal aux crocs, juste quelques fils qui s'arrachent facilement. Néanmoins, il est bien perché, trop haut perché même.
Je soupira, résigné à ne pas tenter l'ascension qui me conduira tout droit à une chute mortelle. Soudain je sens une légère pression sur ma patte arrière gauche, je me retourne et vois un crâne qui possède tel un beau collier des marques de crocs bien enfoncés sur le haut. Je reconnais avec joie le cher crâne de l'autre jour que j'ai eu tant de mal à percer. Criant d'excitation, je coince le gros os entre mes pattes et me remets à le mâchouiller avec bonheur, mais je m'arrête, consciente que ce n'est qu'un simple crâne. D'un geste de regret, je le rejette en arrière et le regarde attentivement rouler jusqu'à ce qu'il soit arrêté par un rocher. Le rocher attire mon attention. Je me lève.
Il est plutôt gros, pas très haut, et quelques traces de griffes sont ici et là. Je penche la tête légèrement, examinant de plus près les marques. Elles ont l'air d'appartenir à des petits animaux, comme les rongeurs par exemple. Des traces de dents d'écureuils sont gravées dans la pierre. Je pose mes griffes sur celles-ci et les fais crisser. L'entaille devient plus grande, mais pas trop, car je n'ai pas forcé.
Je grogne, comme si que c'était un ennemi qui se trouvait devant moi, je me mets en position, je place le crâne au dessous de moi, comme-ci que c'était quelque chose à protéger contre cette pierre qui joue le rôle d'un ennemi imaginaire. Je sursaute devant elle, plante mes griffes à ses côtés, creusant la terre de mes griffes, des sillons commencent à se former, la neige s'y déposant. Je recommence plusieurs fois, hurlant bruyamment, quand soudain, je n'en peux plus de jouer cette mascarade qui serait complètement inutile devant un ennemi, je plonge mes crocs dans la pierre froide, j'avale de la neige, je tremble en refermant ma mâchoire contre le roc, mais maintient mon emprise. Le crâne est toujours sous ma protection, et je décide qu'il jouera le rôle d'un des Hordiens blessés, si jamais il y en a, et je devrais le protéger. Il faudra que j'aide mes camarades pendant le combat, que je les épaule et les aide à se mettre à l'abris si jamais ils ont besoin, que je les amène à Rake Mâar. Je relâche mon emprise sur la pierre et lui donne un violent coup de griffe, pour ce loup, ça aurait été le dernier coup de sa vie qu'il aurait reçu.
Je prend soigneusement le crâne, comme si que je portais un louveteau. Je sais que les loups adultes sont beaucoup plus dur qu'un simple crâne, mais tant pis. Je l'entraîne dans une cachette, derrière un buisson collé à un arbre, le coin parfait quoi. Puis, faisant comme si que le buisson était un ennemi venant me tuer, je l'attaque, rugis, mord ses brindilles, les arrache par touffes, et en peu de temps, sur le sol, il y aurait de quoi faire un bouquet, sauf qu'il n'y a aucune feuille, puisque nous sommes en hiver.
Je trouve la racine principale, je fais comme-ci que c'était la nuque du loup ennemi, là où je pourrai toucher son point vital et le tuer. Alors je m'accroche à elle avec mes pattes avant, plantent mes griffes dedans puis mords. Je mords jusqu'à ne plus sentir mes crocs, je mords jusqu'à pouvoir sentir la sève couler dans ma gueule. Elle n'a pas un bon goût, mais je m'imagine que c'est du sang, alors je mord encore plus férocement, jusqu'à ce que j'entende un petit craquement. Le loup adverse serait mort, quand je relâche mon emprise, le loup devrait tomber au sol, lourd, comme une pierre, et sans vie.
Je me retourne pour regarder mon crâne. Je suis satisfaite de moi, j'ai fait travaillé mon imagination pour m'entraîner. Au lieu de savoir bêtement que c'était des objets inanimés, je me suis imaginé qu'ils étaient vivants, et j'ai pu me donner à fond.
Je creuse en vitesse un profond trou près du buisson que j'ai mordu, et j'y enterre mon crâne. Je remets la terre dans le trou avant de m'en aller, satisfaite de ma progression.