J'étais las, las de toute ses nuits passées sans jamais pouvoir fermer l'œil, las de ne pas réussir à me reposer quand je voulais et pouvoir me réveiller sans avoir ce ventre qui crie famine. Cela fait deux jours que je n'ai pas mangé quelque chose, je dois avouer que j'ai été tentée de retourner sur le site du crash pour croquer une nouvelle fois dans l'humain carbonisé, sa viande, bien qu'il en reste peu, était exquis ! N'ayant pas la force de chasser, je préfère trottiner sur une colline enneigée et à découvert, ce n'est pas le chemin le plus discret, mais c'est le plus rapide pour accéder au village des hommes. Oui, je me suis résigner à les piller, à prendre ce qu'ils ont, et je sais que j'ai tord, que je n'y arriverai pas. J'ai l'estomac sans dessus dessous, des gargouillis incessant, mes paupières ne cessent de retomber sur mes yeux, m'ordonnant de m'écrouler et dormir, mais dans ce froid qu'est l'hiver ça m'est impossible. J'ai besoin d'entraînement pour lutter contre les Esobek, mais si je n'ai rien à me mettre sous la dent, je peux dire adieu pour faire le moindre dégât, en plus, je me suis enfin laissée convaincre que je n'étais pas la plus forte, que j'étais faible comparé aux autres loups, que ma seule force était la Traque, et la Traque n'était pas utile en temps de guerre.

Tout ce en quoi j'avais cru, tout ce que j'avais formé autour de moi pour me protéger du monde extérieur c'était lentement effondrée autour de moi pour me laisser voir l'évidence, que je le veuille ou non, la vérité. Et la vérité était là : J'étais une louve banale, comme les autres, avec un esprit un peu plus tordu et cruel, pour ne pas dire complètement aveuglé par le sang, et c'est pourquoi j'ai intégré la Horde. Je n'avais qu'un but en l'intégrant, grappiller quelques années de vie, et désormais, je vis dans la Horde. Je n'ai pas de réel but, mais je vis avec ces loups sanguinaires, au pelage et au passé immaculé de leur sang ou du sang qu'ils ont fait couler, le sang des autres, pas le leur, ceux des autres, d'inconnus ou de leur famille.

Moi qui suis-je vraiment là-dedans ? Juste une petite louve qui possède un nom ridicule n'inspirant même pas la haine. Alweda raisonne doucement à mes oreilles, j'ai toujours aimé ce prénom, il m'est si familier, je le chéris tant, il est si beau, mais il m'évoque trop de douceurs, douceurs que je ne désire pas. Je préfère Démon Imitateur, mais celui-ci me hante, il est comme une épée au dessus de ma tête, prête à me la trancher si je fais un geste de travers. Parce que oui, au sein de cette Horde qui a donné un peu de sens à ma misérable vie, cette vie ne tient qu'à un fils, si je fais le moindre faux pas, on me tuera, voilà, tout simplement, tout bêtement. C'est idiot hein ?

J'entrevois les traits des maisons en bois du village, une odeur de feu chatouille mes narines, mon instinct me dit de fuir face à ce danger, mais je sais que je n'ai pas lieu de m'inquiète, moi tout ce que je vois, c'est un immense enclos où il y a probablement une étable, une étable où sommeille des animaux qui ne se doutent pas du danger qui les attend.

Comme je l'avais deviné, tout au centre de l'enclos se trouve une petite bâtisse haute de quelques mètres et longue de 1 voir 2 kilomètres d'où je peux sentir la douce odeur des dindes, des poulets, et de quelques vaches, mais je suis aussi affreusement surprise du nombre d'odeur de loups qui ont été fouillés dans les parages, ont franchis les barbellets de l'enclos pour devenir voler un animal des hommes. Les temps sont-ils si durs qu'on se résigne à tout piller ?

Je hausse les épaules dans un geste d'indifférence, je n'en ai que faire des autres, ce qui importe pour l'instant, c'est moi et mon estomac. Ma langue passe sur mes babines, et je m'imagine déjà devant un excellent repas, genre, si j'ai de la chance, une bonne grosse vache. Je commencerai bien entendu par la cuisse, c'est le meilleur, ou le ventre, il est tendre...

Mais soit, passons, que je ne bave pas d'avance, je n'ai même pas encore franchis l'enclos. Les barbellets l'entoure, et ils griffent ces trucs, vous n'avez pas idée ! Mais au lieu de foncer tête baissée, je me dis qu'il y a sûrement déjà un trou laissé par les loups qui sont venus rendre visite aux animaux avant moi, avant d'en emporter histoire d'avoir un petit souvenir. Je mets donc en quête d'une faille dans cette barrières piquantes, et j'en trouve enfin une.

Non mécontente de moi, je traverse le trou et me faufile dans l'enclos, il ne me reste plus qu'à aller dans l'étable et je pourrai enfin choisir quelque chose digne de moi, digne du repas à ce cher Démon Imitateur.

<< CHASSEZ-LE MES COCOS !!! >>

Quoi ? Je me retourne et vois deux molosses foncer sur moi. Ils bavent, mais bavent... C'est dégueulasse. Leur bave et longue et blanche, elle pendouille des deux côtés de leur gueule, leurs crocs sont à découvert et ils aboient férocement. Je hurle, fâché que cet humain n'est pas le courage de venir m'affronter, mais envoie plutôt ces deux chiens esclaves. Grrr... Comment des animaux peuvent obéir aux Hommes, c'est incompréhensible, pour moi du moins !

Le premier chien se jette sur moi comme un teubé, il me suffit juste de me décaler un peu à droite pour l'éviter, mais le deuxième se rejette sur moi à une vitesse surprenante, je me baisse légèrement pour l'esquiver lui aussi. Je saute sur lui en le mordant férocement au cou, le griffe avec violence et bloque tous ses mouvements, mais une mâchoire me prend et me projette au sol. Pfff... Deux contre un ! En plus, je suis affamée, et fatiguée, et eux ils sont presque en parfaite santé à une ou deux exceptions prête. Cette fois-ci c'est moi qui fonce sur eux, j'en balance un au sol, par terre, à quelques mètres, avant de me réattaquer à l'autre, celui qui est le plus dans un piteuse état. Je me glisse sous lui et le pousse à la manière de Tybalt dans un de nos entraînements. Il tombe à la renverse et aboie piteusement, satisfaite, je me jette sur lui et cette fois-ci ne fait pas mu-muse, consciente que l'autre ne va pas tarder à rappliquer, donc je le mord au cou, non sans que le sang gicle, et me remet sur mes quatre pattes, prête à faire face à l'autre molosse, sachant que son camarade va mourir lentement et en en souffrant avec sa blessure. Dans une minute ou deux son compte est bon.

Alors que je m'apprête à me jeter sur l'autre, un bruit de tonnerre retentit, un bruit que je hais et connais, le bruit de la mort. Je me risque de perdre quelques précieuses secondes en me retournant pour voir la source de ce coup de feu, et c'est là que je vois l'homme armé de son fusil, l'air fou de rage, il me vise. Je prends peur et me réfugie derrière le molosse que j'allais abattre, un autre coup de feu retentit, le molosse meurt, je cours vers la sortie pour la vie.

Haletante, je n'ose pas risquer un œil vers l'homme qui se rue après moi en tirant bêtement un peu partout, les balles passant plusieurs fois prêt de mes pattes et creusant un trou au sol. L'étable commence à s'agiter et j'entends la vache que je convoitais meugler.

En hurlant, je me faufile dans le trou par lequel j'étais arrivée pour courir aussi vite que possible dans la forêt. C'est le chemin le plus long, le plus difficile, mais je ne serais pas à découvert au moins, contrairement à la colline !