Après avoir ramené la daine trouvée dans la forêt aux pendus, je suis pris d'une folle envie d'emmerder mes ennemis. Alors, histoire de bien montrer que la Horde se fout vraiment d'eux, je me dirige sans hésiter vers les terres des Esobeks. Là, dans les collines escarpées, je retourne sur les lieux de mon dernier combat, contre un aigle psychotique et bigleux qui pensait probablement se taper autre chose qu'un loup. Je grogne en m'approchant du lieu exact, et je regarde les traces de sang séché encore présente dans l'herbe. Je soupire, regarde le ciel d'un gris terne, puis je me concentre sur autre chose histoire de ne plus y penser. Ce con a failli m'arracher un oeil, quand même. Et heureusement que c'était le gauche, parce que s'il m'avait handicapé plus que je ne le suis, je crois que je l'aurais traqué jusqu'à la fin de ma vie pour le buter. Non mais sérieusement ! On fait pas chier Esprit du Dragon sans s'en mordre les pattes ! Je lance un dernier regard vers le ciel pour m'assurer qu'un crétin de volatile n'est pas encore en train de rôder au-dessus de ma tête. Non, rien. Je souffle, apaisé, et je commence à visiter un peu plus les environs, parce que je doute de croiser un Esobek ici. Ils ne viennent pas souvent, à ce que j'ai pu voir. Ils auraient largement eu le temps de me retrouver après mon combat contre le rapace, pourtant j'ai pu passer une nuit sur leurs terres sans que personne ne s'aperçoive de ma présence. Alors je souris légèrement, et je me balade en toute impunité sur les terres de mes ennemis.

Après de longues minutes de promenade sans objectif, je décide de trouver un moyen pour emmerder encore plus ceux qui sont désormais mes ennemis. Je pense d'abord à saccager leurs terres ou à pisser partout pour marquer mon territoire, mais je me dis que si je ne fais pas le tour de toutes les terres, ça n'aurait pas d'intérêt. Alors, puisque les réserves de la meute doivent être remplies régulièrement et que je ne suis pas encore suffisamment fatigué pour simplement rentrer chez moi et dormir, je prends la décision de tenter une partie de chasse ici-même, sur les terres Esobek. Quoi de plus amusant que la montée d'adrénaline lorsque l'on fait une connerie en le sachant pertinemment ? Rien, décidément. J'aime vraiment trop frôler le danger pour m'en écarter au dernier moment, et me donner alors une nouvelle envie d'y retourner. Si on apprend très jeune à se méfier des proies et des loups adultes inconnus, moi je n'ai retenu de cette leçon que la partie la plus intéressante : à savoir que ce n'est qu'en affrontant nos peurs qu'on apprend à les combattre. Du coup, depuis tout jeune, je cherche le danger et je le défie chaque fois que nous nous croisons. Et c'est, c'est mon instinct téméraire et aventureux qui m'a mené jusqu'ici aujourd'hui, à être le meilleur atout de ma meute et à être aussi acharné et Hordien que possible. Après quelques souvenirs évoqués en silence, je me décide à entamer ma nouvelle traque et je pose ma truffe au sol tout en trottant, à la recherche d'odeurs quelconques.

Pas de chance cette fois, aucun daim n'a été tiré par les chasseurs humains, et aucune bête blessée ne rôde dans les parages en attendant la mort. Je souris en relevant la tête, sans perdre la moindre trace de détermination, et j'observe en silence les environs. De cet endroit vide de loups, je prends plaisir à regarde simplement l'herbe qui m'entoure. De mon point de vue, en hauteur, je peux voir beaucoup des terres Esobeks. La forêt, en contrebas, d'où pourrait surgir n'importe qui, n'importe quand. Mais aussi l'endroit où ils stockent leur nourriture, là où je pourrais tenter de voler quelque chose. Pourtant je n'en n'ai pas l'envie. Des fois que mon ami Colosse Hurlant décide de se pointer quand je m'y attend le moins, je préfère rester à distance. Et puis, je n'ai tenté de voler leur nourriture qu'une seule fois, et c'était pour nourrir ma soeur. Je n'aurais jamais la lâcheté d'agir si lâchement aujourd'hui, alors que plus aucune vie ne dépend de moi. Je m'assois, calme, et je laisse le vent hivernal s'engouffrer dans mon pelage pour laisser sur ma peau des lèches glacées, comme des brûlures incandescentes. Je ne m'en plains pas, ne gémis pas, et je me contente de rester là de longs moments, à observer le monde sous mes pattes. Je regarde un peu partout, profitant du silence pour m'imprégner des lieux et profiter de la vue, mais mon ouïe et mon odorat sont aux aguets, prêts à débusquer la première proie qui se présentera à quelques kilomètres à la ronde.

Après être resté quelques minutes immobile, ne tenant plus en place je me suis levé pour traquer à nouveau. Truffe au sol, je me concentre pleinement sur ma tâche pour ne m'en défaire sous aucun prétexte. Si je pouvais au moins trouver un Esobeks malchanceux pour me défouler sur lui, ce serait chouette. Mais je ne trouve rien. Je continue de courir ça et là, cherchant des traces, des odeurs. J'arpente les collines comme un chasseur expérimenté le ferait, je passe les éventuels obstacles sans trop de difficultés, mais toujours rien. Et j'ai beau marcher, trotter et courir de long en large, je ne trouve pas la moindre piste qui me permettrait de rentrer chez moi les crocs plein. Cependant, buté dans mes objectifs, j'aimerais vraiment trouver quelque chose. Alors, déterminé à mener cette journée jusqu'au bout, je marche encore, trotte encore, cours encore et même, je continue de surpasser les obstacles, d'escalader les troncs d'arbres effondrés ou de sauter par-dessus les trous creusés dans la terre. Je m'acharne à survoler les hutte fondées par les chiens de prairies, en faisant même fuir un au passage. Il couine pendant de brèves secondes puis disparaît, satisfait d'avoir prévenu toute sa famille du danger qui rôdait. J'ai bien l'impression que la chasse est terminée pour aujourd'hui, et que je n'attraperais rien de plus avant demain. Bredouille sans l'être trop puisque j'ai quand même rapporté une daine fraîche et entières aux miens en début de journée, je reprends le chemin de ma tanière sans plus m'attarder sur les terres ennemies.