Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Pourquoi s'en prendre aux Esobek ? Qu'avait Skull contre eux ? Avait-elle une dent contre eux car il lui avait arraché quelque chose de chère, ou bien tout simplement un combat qui a mal tourné, une dette que ma meneuse ne voudrait pas payer ? Il devait bien y avoir une raison pour que la Horde s'attaque à des loups qui vivent en groupe, plus précisément les Esobek, et je voudrais bien savoir laquelle.
Je n'avais pas besoin que l'on me donne une bonne raison pour tuer, non, tuer était dans ma nature, la soif de sang coulait dans mes veines, je n'y peux rien. Enfin, pas depuis toujours, il y a eu une période de ma vie où j'étais normale, mais elle est si obscure que je n'arrive pas à déterminer laquelle, je me souviens clairement que c'était avant que ma mère se fasse torturer par ces ours.
Accélérant mon allure, je me mets à courir en voyant l'orée de la forêt aux pendus. Un corps d'humain est suspendu dans un arbre, il n'en reste presque rien si ce n'est des petits morceaux de chaires qui me retournent l'estomac, et un squelette qui se voit tellement bien que l'on peut l'examiner dans les moindres détails.
Me ramassant sur moi-même, je cogne l'arbre de toutes mes forces pour déloger le squelette, mais un harnais de sécurité maintient le tas d'os. Je peste avant de me résigner à grimper dans l'arbre, la force brute ne résoudra rien, jamais sous mes coups le harnais relâchera sa prise. Mes griffes s'agrippent aux entailles de l'arbre, et c'est ainsi que je progresse jusqu'à arriver à la branche la plus solide et grosse que j'ai pu croiser. M'appuyant sur mes pattes, je me prépare à sauter sur la branche qui ne cille même pas ou à peine quand je me pose sur elle. Satisfaite, je lève les yeux vers le squelette qui est désormais pas très loin de moi. Reprenant ma progression lentement, je regarde tous les cinq mètres si j'arriverai à redescendre ensuite.
Enfin je peux déchirer le harnais pour qu'il libère son squelette. Tendant ma patte et étirant mes griffes le plus possible, je n'arrive pas à l'atteindre, grommelant, je me penche encore plus, prenant ainsi le risque de tomber et de me casser quelque chose. J'arrive enfin à toucher, rassemblant toute mes forces, je griffe sans relâche le harnais qui ne cède toujours pas, mais je continue.
Franchement, je ne sais absolument pas pourquoi faire tomber ce squelette est mon but principal tout de suite, mais étant donnée qu'en venant dans la forêt des pendus, je n'avais aucun réel but, autant m'en trouver un plutôt que de me balader en me contentent de regarder bêtement les arbres autour de moi.
Quelque chose cède, craque sur le harnais, puis il se déchire complètement et laisse tomber le bras droit du squelette. Heureuse, je vérifie que je suis bien en équilibre sur mon perchoir pour pouvoir atteindre le crâne. Mes griffes n'arrivent pas à le transpercer, tant pis, je l'envoie au sol, ainsi que le reste.
Satisfaite du résultat, je retourne en arrière et redescend, en faisant attention à ne pas m'abîmer quelque chose. Plusieurs fois je menace de tomber mais me raccroche au dernier moment sur quelque chose, puis, quand je ne suis plus qu'à quelques mètres du sol, je me laisse tomber et m'écrase au sol dans une roulage plus ou moins maîtrisée.
Je joue avec le crâne du squelette, ce morceau m'intéressant plus que les autres. Je mets tout mon poids dessus mais il ne cède pas, je l'éjecte contre un rocher, il n'y a qu'une petite entaille. Je le griffe, il n'a qu'une éraflure, je le regriffe au même endroit et c'est à peine si l'éraflure s'est creusé un peu plus.
Énervée, je le cale entre mes pattes et le mord violemment, mes crocs tremblent au contact du crâne mais je sens enfin des profondes cicatrices sur lui. Satisfaite, j'enlève ma gueule de là et regarde le résultat. Des magnifiques marques profondes ornent le crâne, certes pas tout à fait percé, mais les cicatrices sont profondes. Je recommence une deuxième fois, puis une troisième, jusqu'à laisser des jolis trous qui ont la forme de mes crocs.
Je me relève, et admire une fois de plus le résultat, puis je trottine entre les arbres à la recherche un nouveau squelette accroché dans les arbres et retenu par son harnais. J'en trouve un, et recommence mon petit manège, mais cette fois-ci je ne perce pas le crâne, il est trop solide et fait mal aux dents. Ca m'occupe au moins, donc je suis contente, et puisque qu'escalader les arbres n'est pas mon point fort -l'escalade tout court en faite- et bien c'est une bonne raison pour m'entraîner, même si ce que je fais est complètement inutile.