Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Il fait encore nuit lorsque je quitte ma tanière ce matin-là. Avec la disparition récente de ma soeur, je n'ai plus la moindre envie de rester là-dedans une seconde de plus que nécessaire. J'ai besoin de sortir, de bouger et de m'occuper, tout autant les pattes que l'esprit. Je ne supporte plus de voir cet endroit vide, de constater son absence à chaque minute de ma vie et de me dire, toujours, que son corps n'a pas été retrouvé. La consolation est beaucoup trop maigre pour moi, j'ai besoin de penser à autre chose. Je soupire longuement, je m'étire au sortir de mon antre, je fais quelques pas autour pour vérifier que tout va bien et que je ne risque rien. Je fais aussi le point pour m'assurer que ma soeur ne gît pas, à quelque distance proche de notre terrier, alors qu'elle aura essayé de rentrer blessée. Rien, encore et toujours rien. Je pars en marchant, décrivant de long serpents de chemin dans la terre givrée du petit matin pour être bien certain que rien d'inhabituel se passe dans les environs de mon terrier. Quand je me suis assuré que tout va bien, c'est avec résignation et sans la moindre conviction que je quitter mon territoire de fortune, abandonnant derrière moi les terres de l'Est pour un territoire de chasse. Il faut déjà tuer à nouveau pour nourrir la meute, et ce même si l'objectif même de ma présence en son sein n'est pour l'instant inexistant. Comme tout les matins cependant, je m'arrête à la frontière des terres que Kaya et moi nous sommes appropriées il y a trois ans. Je lève le museau vers le ciel et je lance un long hurlement à son intention, destiné à localiser les membres de ma meute mais adressé seulement à elle. Je ne reçois pas de réponse, comme toujours, et je pars en trottant sans plus attendre.
Comme régulièrement ces derniers jours, mes pas me guident en territoire ennemi. Ne pensant qu'à ma soeur disparue, je ne m'inquiète aucunement de la présence des éventuels sentinelles ni de quelconques gardiens qui pourraient être présents dans les parages. Je longue différents décors, différents paysages, et je m'enfonce dans les terres Esobeks sans chercher à me cacher ou à provoquer un conflit. De toute façon au point où nous en sommes, même si les combats ne sont encore que de petites bagarres sans importance qui éclatent ici et là, la guerre est déjà déclarée. C'est les sens aux aguets malgré mon esprit dispersé, que je me mets en traque silencieusement. Entre des arbres complètement calcinés dont il ne reste qu'un long tronc noirci et dévoré par la mort, je cherche une piste quelconque ou les traces fraîches dans la terre d'un anodin passage d'animaux. Je ne repère d'abord rien, mais les parties de chasses n'ont jamais été connues pour leur simplicité et leur rapidité d'exécution. C'est un coup de chance lorsque nous autre les loups, trouvons de quoi assouvir notre besoin phénoménal en viande pour une journée ou deux. Nourrir quinze loups adultes n'a rien de simple, et prends en charge des traques sans recevoir la moindre aide des miens n'est pas non plus chose facile. Cependant je m'y colle quotidiennement, pour avoir l'espoir de trouver quelque chose au moins de temps en temps. Si je ne ramène pas un cerf bien frais tous les jours, je peux au moins me vanter de remplier copieusement les réserves de ma meute de temps en temps.
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Jeu 1 Jan - 7:56
A l'aube d'une nouvelle vie
Pour les premières minutes de recherche, la tentative semble veine. Mais je ne perds pas espoir si rapidement et je continue d'analyser les odeurs qui partent ici et là, d'un arbre à l'autre. Déterminé, je n'ai de cesse de tourner et tournoyer autour des troncs roussis à la recherche d'une piste aléatoire, n'importe quoi qui pourrait suffire à nourrir ne serait-ce qu'un louveteau, même si évidemment la horde ne comporte pas de tel poids. Machinalement, tout en continuant de traquer inlassablement une proie que je n'ai pas encore dénicher, je viens à penser à Atom. Nos vies vont changer, désormais. Elle sait ce que je ressens pour elle et je sais ce qu'elle ressent pour moi, aussi je me dois de trouver un moyen pour que la vie de sa meute, à laquelle elle tient énormément, devienne compatible avec mon existence de Hordien. A première vue les choses semblent particulièrement mal partie, et je suppose que nous n'avons réellement pas choisi le partenaire le plus en adéquation avec nos modes de vie respectifs. Pourtant, je ne peux m'empêcher de penser que quelque part, dans ma tête, je peux trouver une solution à notre dilemme. Parce que s'il est hors de question que je quitte les rangs de la Horde et que j'abandonne les projets de Skull, il est également inconcevable que j'abatte ma compagne si l'on m'en donnait l'ordre. Parce que si je peux trahir mon chef, je ne saurais trahir les membres de ma vraie famille. Et Skull me l'a suffisamment rabâché : Nous ne sommes pas une meute, nous ne sommes ni frères ni soeurs. Nous sommes des Hordiens, et nous nous sommes alliés seulement le temps de détruire. Aussi, si une chose doit passer avant l'autre, ce sera forcément ma famille. Mais dans ma famille, il y a Atom qui sait se défendre, et Kaya qui ne saurait résister à un assaut mortel de la Horde.
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Jeu 1 Jan - 8:21
A l'aube d'une nouvelle vie
En ce matin sombre, levé avant l'astre de jour, je considère après un moment que ma chasse est vaine. Cependant je ne quitte pas pour autant les terres Esobeks et encore moins ce bouquet d'arbres morts et menaçants, parce qu'ils sont un excellent moyen de m'entraîner. Mon habitude est de ne jamais perdre mon temps, et de toujours mettre à profit celui que j'ai à disposition. Dans un soupire énergique, je me lance un nouveau défi et je me prépare mentalement, fronçant les sourcils et me concentrant sur un objectif, à partir au quart de tour. Et puis, brutalement, mes pattes postérieures s'enfoncent dans le gel de la nuit et leur chaleur fait ressortir la terre brune, avant que mon corps ne se propulse en avant dans un bond puissant. Je fonce droit vers un arbre mort encore debout, qui menaçait de s'écrouler depuis probablement bien longtemps, avant de me jeter littéralement dessus pour y coller mes quatre pattes furieusement, faisant tomber l'énorme masse calcinée sous mon poids d'animal bien vivant. Je me réceptionne immédiatement sur le sol, mes oreilles écoutant la chute du cadavre de bois alors que mon corps se dirige déjà vers ma cible suivante. Tel un chien d'attelage au corps puissant et à l'ossature légère comme celle des oiseaux, je fonce d'arbre en arbre pour les faire sombrer les uns après les autres et former ainsi, en plus d'avoir travaillé mes muscles en une sorte d'échauffement, un terrain d'entraînement de fortune. Je doute que les Esobeks aient l'idée de réutiliser l'endroit après que j'en sois parti, aussi je ne me gêne pas pour placer les troncs comme cela m'arrange en calculant leur angle de chute selon mes propres besoins.
Après quelques minutes à sauter dans tous les sens comme un cabri, je décide que le véritable entraînement peut commencer. J'observe à bonne distance, le résultat de mon nouveau champ de bataille et, assez fier de moi, je constate que les troncs forment entre eux des noeuds parfaits, des tunnels et des obstacles d'envergures et de tailles différentes, tout comme leurs angles de croisement me laissent des possibilités de retraite et de virage relativement gérables. Je me place à une extrémité de ce terrain improvisé et je soupire longuement, reprenant haleine avant de commencer. J'inspire profondément une dernière fois, je ferme les yeux, et je me visualise mentalement un ennemi des plus dangereux, tapi juste derrière moi. Je l'imagine grand, sombre, aux oreilles petites et à la gueule grande et emplie de crocs. J'imagine sa voix, son souffle lourd et rauque, ainsi que sa démarche traînante mais pas moins menaçante. Quand enfin les derniers détails de mon ours sont bien ancrés dans mon cerveau et que je me le représente dans sa perfection la plus totale, que je suis parvenu à convaincre mon cerveau de sa présence au point de croire entendre son haleine chaude et fétide sur mon échine, je laisse encore quelques secondes traîner. Quelques secondes durant lesquelles l'ours s'approche de moi, et durant lesquelles l'adrénaline augmente dans mes veines à une vitesse hallucinante. Je rouvre les yeux brutalement, et tout se passe alors à une vitesse prodigieuse.
Mon corps se ramasse sur lui-même, ma queue venant se plaquer entre mes pattes arrières pour gagner en distance face à l'ours, et je pars à toute vitesse vers l'avant. N'oubliant pas la présence fictive du grizzly meurtrier, je détale sans demander mon reste et je saute sur les premiers troncs avec une agilité surprenante. Mon équilibre est certain, mes virages sont nets et serrés, et je fille ainsi à travers le parcours sans jamais me retourner. Je concentre mon sens du toucher sur tout ce que foulent mes pattes, accentuant ainsi la sensation râpeuse du bois brûlé sous mes coussinets et de la boue humide pénétrant entre mes doigts pour aller se coller aux poils de mes pattes. Seuls mes oreilles écoutent l'avancée de l'énorme animal, qui, derrière et ce malgré les obstacles qui obstruent son chemin jusqu'à moi, me rattrape peu à peu. J'accélère l'allure, augmente le taux d'adrénaline déjà présent dans mon sang, et je file plus vite encore entre les troncs, passant sous leurs noeuds indéfectibles ou évitant de peu de me faire écraser par l'un d'eux qui sera mal tombé sur son voisin et aura roulé doucement sans que je m'en rends compte pendant ma longue progression. Il me faut de longues, d'interminables minutes avant de voir enfin l'extrémité opposée du terrain, comme si sa superficie avait été multipliée pendant que je tentais de fuir l'énorme plantigrade qui me poursuivait et voulait ma mort. Je grogne à plusieurs reprises, réalisant que cet entraînement est plus intense que ce que j'avais prévu, et me rendant compte que la peur donne réellement des ailes. Je note pour moi-même également, que le cerveau est d'une facilité déconcertante à convaincre, et que la manipulation est ainsi extrêmement simple à réaliser à condition de savoir où frapper. Lorsqu'enfin j'atteins le bout du terrain, je me retourne brusquement pour m'assurer qu'il n'y a rien, que je suis seul, et que je n'ai plus aucune raison d'avoir peur. Essoufflé, les pattes raides et les muscles tendus, je souris de satisfaction. A défaut de n'avoir rien à ramener aux miens, j'en serais au moins ressorti plus fort. D'un pas lent, je prends la direction de mes terres, quittant celles des Esobeks sans, par chance, me faire repérer.