"Faudrait peut-être se bouger un peu le cul, hein Rake !"
J'en ai assez qu'on me prenne pour faible. Lorsqu'on me balance ça à la face, qu'est ce que j'aimerais leur cracher que sans moi, la Horde ne serait même pas là ! Qu'ils pourriraient, eux et leurs plaies, sans mon savoir ! Ô que oui, j'aimerais. Hélas, je ne fais pas réellement le poids. Ils pourraient me tuer d'un coup de patte. Alors je me contente d'hocher la tête, une moue malsaine sur la face et marmonnant un juron.

Aujourd'hui, enfin plutôt cette nuit, je vais leur montrer que c'est faux. Que je ne fais pas que me prélasser entre mes remèdes et parler à deux trois loups dans les Terres neutres. Non. Nooon ... Je vais leur montrer qu'est ce que je vaut. Que je suis bien une Hordienne. C'est presque comique comme je dois me justifier auprès d'eux, mais je refuse d'être leur souffre-douleur. Alors me voici.

Bloquée entre deux buissons d'aubépines, j'observe, pattes cramponnées sous moi et narines dilatées, les allées et venues des sentinelles. L'adrénaline qui cours dans mes veines me fait frémir. Une douce excitation me parcourt le ventre. Bien. Un plan, un plan. Il m'en faut un, et rapidement d'ailleurs. Je parcours le paysage noir, sombre, terrifiant. La cave est là, les sentinelles, là, le garde-manger ... Il n'y a pas de temps à perdre. C'est un risque à courir.

Un bruit qui me noue l'estomac retentit lorsque j'émerge de ma cachette d'un petit saut. Le bruissement des feuilles. Va t-il me trahir ? Je m'arrête un instant, aveuglée par le peu de lumière que la lune m'envoie, et reprends aussitôt ma petite avancée. Je regarde à gauche, à droite, prudente comme jamais. Je me demande si les autres Hordiens sont si stressés. J'espère bien. Sinon ça prouverait que je suis vraiment faible ... Je secoue la tête imperceptiblement.

Il faut que je me concentre. Je n'aperçois qu'une sentinelle, qui semble m'avoir vu d'un vif coup d'œil. Avec la pénombre ambiante, je doute qu'il voit que je ne suis pas de sa meute. Pourtant, il va bientôt me voir détaler à toute allure et sentir mon odeur. J'approche enfin du garde-manger à pas de loup. Je cligne des yeux devant toute cette nourriture étalée devant moi. Pourquoi ne pas tout prendre ? J'en serais capable. Enfin, peut-être pas tout, mais au moi une bonne dizaine de petites proies, de rongeurs.

Je n'ai plus le temps de décider. Je crève de chaud, et encore une fois, j'essaie d'imaginer les autres Hordiens. Soudain, un bruit de pas me fait dresser la tête. Je suis toute en panique et attrape la première proie qui me vient. Elle est lourde, dure à porter, mais je ne repartirais pas bredouille. Je l'attrape donc, relève la tête en priant pour que ma nuque de me lâche pas, et re sors. Un sourire se dessine derrière les poils de ma proie et je m'imagine déjà toute fière, près des autres, avec cette proie - un énorme lièvre dodu - à l'odeur purement Eso... Bek ? Oui, Esobek je crois. La piiire des meutes, dit-on à la Horde.

Je retiens un long cri d'angoisse. Quelle piètre Hordienne je fais. Je me maudis, maudis, maudis, encore et encore. À peine sortie, je suis forcée de laisser mon pas en suspens. La patte tendue loin devant moi, je reste immobile devant l'inconnue. Une Esobek. Blanche. Qui me fixe de la même manière que je la fixe moi-même. Et merde.

Un instant, je reste pétrifiée devant la louve. Avec des yeux grands ouverts, l'air hagard. Je n'imagine que trop bien la tournure des événements. Je fais un pas, tremblante, mais la louve rousse l'a intercepté et me bondit dessus. Elle me mord l'échine, cherchant à me faire lâcher la prise, mais je la sers si fort qu'elle ne bouge pas d'un poil. Je tente de me défendre avec quelques coups de pattes hasardeux, en vain.

Je suis vraiment nulle.

Après un jeu de coups confus, je parviens à m'extirper et de faire quelques pas cahin-caha. Je suis à bout de souffle, j'ai l'air stupide, et si ça se trouve, elle va me tuer là, sur place. Je la fixe, redoutant un autre assaut.

Elle revient à la charge et je recule de quelques pas, l'échine hérissée. Je redoute toute sorte d'attaque, de la plus mortelle à la plus comique. Au lieu de quoi, elle touche le point sensible ; elle saisit le lièvre à pleines dents. Je m'y cramponne comme à une bouée, y mettant toute la force mes mâchoires. Je grogne, lui lançant un regard de haine. Mais la rouquine a plus de force. Le lièvre m'est arraché aussitôt et je manque de tomber en arrière.

Je lui lance un râle, oreilles plaquées contre le crâne. Je fais quelques pas de côté mais renonce à me battre. Je suis la fautive et je me suis fait dominée. Rapidement, je bats en retraite. Je m'éloigne de toute cette histoire. Il va falloir oublier. Et vite. Je m'éloigne à totue vitesse dans les ténèbres.