Je ne suis jamais venue ici. Enfin. Peut-être suis-je trop objective. Je suis sûrement déjà passée par ici. Mais je n'avais jamais vu ce qu'il était passé. Là. C'est mieux comme conclusion. Donc oui, je n'avais jamais vu ce qu'il s'était passé ici. Au fond ... j'aurais préféré. Le spectacle n'est pas beau à voir. Le paysage est blanchi de neige, blanc, tout blanc, éternellement blanc. Jusqu'à l'horizon. Seulement que là, une longue traînée couleur métal et entrecoupée de noir se dessine jusqu'à se briser en deux. Et c'est de là que sort l'énorme nuage de fumée englobée de langues de feu. Rouge. Orange. C'est ça qui exhale cette horrible odeur de cendre. De brûlure. Qui ne me rappelle que trop bien les Sangs de Soleil.

YAN'KA - « Les humains n'aiment que ça, je maugrée. »

Je n'aime pas du tout voir ça. Et l'odeur me fait tourner la tête. Mais la meute a besoin de moi, alors il faut que je tienne bon. J'avance donc dans la poudreuse, lutant contre le blizzard, tête baissées et oreilles repliées. À la recherche d'une proie. Je remonte la pente, les pattes s'enfonçant dans la neige épaisse, les oreilles sifflantes sous le vent. C'est là que je me souviens qu'il est avec moi. L'autre loup. Mon partenaire de chasse. Freux ... Je ralentis ma marche effrénée, le laissant me rejoindre. Ma première impulsion me souffle de l'interroger sur la chasse, mais mon esprit est trop concentré sur ce train en crash.

YAN'KA - « Pas beau à voir, hein ? »

(4 + 7 + 1 + 2) - 3 = 11
Proie attrapée.

Lorsque Freux acquiesce, ma réaction serait plutôt de lui en être reconnaissante - enfin quelqu'un qui me comprend ! Au lieu de quoi, je serre les dents et retient un soupir agacé. Il m'explique qu'il est déjà venu ici avec une certaine Plume Rousse et qu'ils avaient déjoué un piège d'hommes. Mais le vent souffle si fort que ses paroles se voient emportées par la tempête. J’émets un grognement.

FREUX - « À ta place, j'essayerai de chasser plus loin de ce truc, ajoute t-il. Les proies ne vont pas s'en approcher, et puis ... Et puis ? C'est risqué comme saleté. »

J'opine doucement du chef alors qu'il passe devant. Il a raison, évidemment. Je le suis, tête baissée pour me protéger des rafales. Nous nous éloignons du train et je suis soulagée de voir que l'odeur de cendre s'estompe peu à peu. J'imite mon camarade et garde la gueule entrouverte pour mieux détecter les odeurs. Je renifle longuement, mais l'odeur du crash se fait encore présente. Stressante. Oppressante. Je secoue la tête. Nous continuons notre avancée lorsque soudain je sens une odeur. Je m'arrête dans la neige. Je murmure un avertissement à Freux. Je plisse les yeux. Pour l'instant, je ne la vois pas. Mais je la sens. Je sais qu'elle est là. Une biche. Mes oreilles ont des spasmes alors que je tente de localiser la proie. Je balaye le paysage blanc sombre - la nuit commence à tomber. Où es-tu ?

YAN'KA - « Elle est là, je murmure à l'oreille de Freux en voyant une ombre sombre se découper derrière le blizzard. Là. »

Je me tapis au sol, muscles bandés, et m'élance à toute allure dans la tempête.

Mes poumons me brûlent et mes pattes sont aussi lourdes que de la pierre lorsque nous finissons notre course folle. Nous avons finalement réussi à bloquer la biche tant convoitée au cul-de-sac d'une petite clairière de neige. Nous nous cabrons, poils dressés et épaules voûtées. Freux s'occupe de la bloquer ; et en entendant son cri, je comprends que ce sera à moi de l'attaquer.

FREUX - « Vas-y ! Saute lui dessus ! »

J'hoche la tête et émets un petit bruit d’approbation. Aussitôt je fais un long bond de côté. Babines retroussées, je cours vers la biche et, prenant garde d'éviter les coups de sabots, je lui fauche les pattes arrières avec les crocs. Je m'écarte alors, humant l'odeur de sang qui se répand dans l'air glacé. Pas de temps à perdre. Je recule de quelques pas, et saute vers elle pour lui percuter le flanc, que je mords violemment. La bête pousse un long cri et je recule aussitôt. Affolée, elle tente de s'échapper mais Freux lui barre la route. À moi de jouer. Je prends de l'élan, autant que je l'estime nécessaire, et m'élance à grandes enjambées. À quelques longueurs de la biche, je prends appui sur mes pattes arrières, fais un long saut et parviens à lui atterrir dessus. Cramponnée farouchement sur le dos de la bête, j'attrape sa nuque et serre. Je serre de toutes mes forces jusqu'à que la biche cesse d'hurler. Là, je lui lacère les flancs afin d'être sûre de l'achever. Soudain, elle se cabre et je tombe à terre. L'air froid s'enfuit de mes poumons et je frémis au contact de la neige, tentant de respirer. L'air revient enfin, douloureusement. Je me relève, m'ébroue pour chasser la neige, et retourne à la charge. La bête, bien que mal en point, tient encore debout. Je la percute de plein fouet et elle tombe à terre en beuglant. Je chancelle, à moitié sonnée. Je lance un regard à Freux. Il faut qu'il m'aide ! ... Moi non plus je risque ne plus tenir sur mes pattes, avec cette chute ...