Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
Dans un matin brumeux, le loup s'avance entre les arbres. Les yeux bleus scrutent les environs, analysent tout ce qui l'entoure et percent les secrets du monde. Ses pattes foulent le sol avec une précision certaine et une force camouflée, se posent et se lèvent les unes après les autres pour lui permettre un équilibre parfait. La terre humide le porte sans ciller, laissant pourrir entre elle et les pattes du loup de nombreuses feuilles d'arbres mortes. Bientôt, les semaines d'hiver auront eu raison de toute cette masse protéinique et les nutriments seront avalés par la terre pour nourrir les plantes du monde entier. Le loup marche, une patte après l'autre, ses oreilles pivotant dans toutes les directions pour s'enquérir de la présence de tous ceux qui rôdent. Daims, lapins, autres loups ... Hommes. Le loup montre les dents par instinct, il déteste ces êtres imberbes dénués d'intelligence et de réflexion. Il les hait pour tout ce qu'ils sont, et tout ce qu'ils font. Pour lui, ils ne méritent que la mort. Tous. Il s'immobilise dans le brouillard et attend, parce qu'il sait qu'il n'est pas seul et il veut prendre en charge cette nouvelle mission. Il n'est plus le simple Esprit du Dragon, celui qui défiait l'Alpha systématiquement. Il est un peu devenu le mentor des plus jeunes, prenant en charge l'entraînement de tous les jeunes Hordiens depuis quelques semaines. Et il veut continuer, aussi il attend, fixant les usines humaines, que la jeune louve s'approche de lui.
Rake Mâar n'est pas en grande forme en ce moment, j'ai beau venir la voir et lui demander de m'entraîner, car la situation devient critique, celle-ci fait la sourde oreille et me vire, disant qu'elle a mieux à faire que s'occuper de moi. Pourquoi ? Je sais que nous ne sommes pas les meilleures amies du monde, mais elle est quand même en quelque sorte mon mentor, et j'ai besoin qu'elle m'entraîne, non que Tybalt et les autres ne me suffisent pas, mais c'est juste que j'ai besoin d'un véritable mentor. Je me suis donc résignée à me faire entraîner par Isha. Ce loup m'intrigue, il m'attire, mais je ne peux m'empêcher de me méfier de lui. Il est obsédé par sa sœur, et je n'arrive pas à le comprendre pour ça.
Plissant les yeux, j'arrive à distinguer une forme à l'horizon, d'abord une massive, celle de l'usine -un bâtiment en plus délaissé par les hommes- puis un loup qui est fixe, et qui me regarde, tout aussi fixement. J'ai la désagréable impression d'être sondée de tout mon être, que Isha m'examine dans les moindres recoins, et ça me met mal à l'aise.
Retenant un petit grognement, signe de ma méfiance, je m'approche de lui et le salue vigoureusement avant de plonger mon regard dans le sien.
La jeune femelle brune me regarde d'abord à distance, avant d'oser s'approcher de moi. Je suis loin d'être le loup le plus fiable de la Horde, je ne sers que mes propres intérêts, comme les autres. La seule différence est que mes intérêts sont liés à leurs capacités individuelles. Si j'entraîne les jeunes, ce n'est pas pour le plaisir de les voir progresser sous ma tutelle. Non, c'est seulement pour qu'ils deviennent rapidement aptes à servir. Un jeune loup inexpérimenté est une gueule de plus à nourrir, et pareil pour la protection. Nous ne pouvons nous permettre d'avoir des faibles dans nos rangs, nous sommes trop peu nombreux. Droit sur mes pattes, je la regarde qui avance dans ma direction et j'ignore royalement son petit grognement désapprobateur. Elle a déjà une mentor, aussi je suis un peu surpris de la trouver là, mais j'ai cru comprendre que Rake Maâr se préparait à la guerre elle aussi, mais sur un autre front que les premières lignes. Hors, Alweda sera avec nous, en première ligne. Elle doit vite progresser ou ça tournera mal pour elle. Je dresse les oreilles dans sa direction, et je réfléchis rapidement. Elle est forte. Bien plus qu'elle n'est agile ou endurante. Aussi, je ne concentrerais pas mes efforts sur sa capacité la plus développée. Il faut qu'elle privilégie ses lacunes, et je vois bien qu'elles sont trop nombreuses pour son âge. Elle soutient mon regard et je tourne quelques secondes autour d'elle pour l'analyser sous tous les angles.
- Bien. Il y a un objet très précieux dans cette usine. Mais écoutes ... des sons nous parviennent, des voix faibles, mais présentes quand même. Cet objet n'est pas laissé en libre accès. ils le protègent farouchement. Aussi, tu vas me le rapporter. Fais attention. Sois prudente, et fais preuve d'agilité. Il te faudra être rusée pour les déjouer. Maintenant va ! Je t'attends.
Êtes-vous réellement sûrs de vouloir entrer ici ? Pas de chance pour vous, les hommes ont l'air de s’intéresser à l'usine aujourd'hui. L'endroit est farouchement surveillé par des hommes. Sur une face de l'usine, un petit 4x4 recouvert d'hommes. Petites fourmis grouillantes vues d'ici. Sur l'autre face, rien. Et de part et d'autre de l'entrée, des hommes qui discutent entre eux. À leur pied, des chiens. Il faudra se montrer prudent si vous souhaitez leur échapper ... D'autres, plus loin, entèrent des espèces de choses barbares, qui forment des bosses et des sillons énormes dans la terre. Que cela peut-il bien être ?
Bien sûr, il risque d'y avoir des feintes possibles pour entrer ... Il suffit juste de faire attention à où l'on met les pattes.
Isha ne tarde pas à me donner des consignes. Elles sont dites à voix basses, et je suis obligée de tendre un peu l'oreille pour l'écouter.
- Bien. Il y a un objet très précieux dans cette usine. Mais écoutes ... Cet objet n'est pas laissé en libre accès. ils le protègent farouchement. Aussi, tu vas me le rapporter. Fais attention. Sois prudente, et fais preuve d'agilité. Il te faudra être rusée pour les déjouer. Maintenant va ! Je t'attends.
Un objet précieux ? Ils le gardent farouchement ? Les... Hommes ? Je ravale ma salive, un peu inquiète. Je sais que je ne suis qu'une louve. Je sais que j'ai déjà tué des humains, mais ils étaient seuls, et pas armés, en gros j'étais un peu une lâche, certes, mais s'attaquer à des hommes, des, plusieurs, armés en plus ! C'est se jeter les pattes grandes ouvertes, s'offrir à la mort !
Je regarde avec soupçon Isha, le dévisageant un moment avant de me dire que s'il me demande ça, c'est que ce n'est pas impossible. Mais quand même, il aurait pu me donner plus d'indication sur cet objet, ce que c'était, je ne suis pas experte non plus !**
Je me dirige mollement vers l'usine, sans grande motivation, quand soudain je repère avec horreur un ronronnement de voiture, des cris d'hommes qui parlent entre eux. Craintive, je me cache comme je peux derrière une monticule de déchet puant. Leur odorat n'est pas développé, ce qui me donne un avantage, ainsi que leur vue, autre avantage. Alors que je m'en réjouis, des chiens me gâchent ce plaisir. Eux ont un odorat et une ouïe développée, il faudra que je me débarrasse d'eux, mais comment ? Pour une fois, si j'avais été en chaleur ça m'aurait arrangé... Ils m'auraient obéis au doigt et à l'œil, c'est un avantage que je ne dois pas oublier, il est très utile !
Secouant la tête, je la sors de ma cachette et me résigne à me rouler dans le tas de déchet pour que ses molosses de bipèdes ne me repèrent pas par l'odeur. Bon, ça, c'est fait, il ne faut plus que je trouve une issue qui mène à l'intérieur de l'usine, et que je me faufile discrètement sans que l'on me voie dans l'usine.
Sortant encore de ma cachette, j'examine les lieux, mes yeux dévorant chaque recoins qui sont surveillés étroitement par les hommes et leurs chiens, heureusement que ceux-ci ont l'air si blasés qu'ils dorment presque. Les hommes enterrent des trucs dans le sol, et je n'ai pas envie de savoir ce que c'est, et ne voulant pas en faire l'expérience, je préfère trouver un autre endroit plus sûr où passer.
Finalement, je repose mes yeux sur la grosse voiture grouillante d'hommes en peaux vertes sur une face de l'engin, le pire c'est qu'ils sont armés jusqu'au cou. Ils ont de tout sur eux, on voit à peine leur peau verte. Leurs chiens sont au sol, en train de s'installer pour une petite sieste. Ils gardent ardemment l'entrée, et si je veux passer, il va me falloir ruser !
Je suis toujours à la recherche d'une faille au bout de cinq minutes, quand soudain, une poignée d'hommes s'en vont pour faire quelque chose. C'est ma chance ! Analysant rapidement la situation, je décide de passer du côté de la voiture non gardée, les chiens dorment auprès de leurs maîtres, et ils ne pourront pas me repérer avec mon odeur de pourriture, non, ils se contenteront de froncer le museau et de détourner la tête pour enlever cette odeur nauséabonde.
Je tente ma chance et fais ce que j'ai pensé. Longeant le plus possible, j'évite de passer devant les hommes et fait en sorte de ne pas rester longtemps à découvert, de toute manière ils sont trop occupés à discuter entre eux. Je suis désormais près de la voiture, mon cœur bat la chamade et je ne peux m'empêcher de retenir mon souffle, j'ai peur que si je respire, on m'entende. Des voix s'élèvent derrière moi ; malheur !, les hommes qui étaient partis tout à l'heure reviennent ! Je retiens un grondement de désespoir, je veux rentrer dans l'usine, mais suis paralysée, je n'arrive pas à me faire bouger, j'y mets toute ma volonté, non, ça ne veut pas. Grrr... Je sens leur souffle, leurs pas se rapprocher. Je les entends de plus en plus clairement. Que je bouge !
Je saute, fais un bond et rentre dans l'usine. Respirant clairement désormais... Mais je n'avais pas pensé à ce qu'il y avait à l'intérieur.
Mon visage pâlit.
Invité
Invité
En savoir plus
Ven 9 Jan - 22:16
Encore, encore, encore !
La jeune louve angoisse à l'idée de mener une telle mission, elle doute de ma demande. Et puis, alors qu'elle s'éloigne déjà, je doute aussi, l'espace d'un instant. Mais pas longtemps, parce que déjà, en rampant, je la rejoins. Et j'ai eu raison, parce que ces salopards sont particulièrement nombreux. Ils ont dû arriver pendant que j'attendais Alweda, ce qui expliquerait que je n'aie pas vu leur nombre augmenter aussi vite. Je vois Alweda qui se roule dans un monticule de pourritures, et poussé par l'instinct je l'imite. Je ne regrette pas, parce que lorsque j'arrive là où elle était quelques secondes plus tôt, je vois les molosses dressés qui se tiennent près des bipèdes. Je montre les dents en les fixant, mais eux dorment et ne me voient pas. Je pose mon regard sur la jeune louve, mais j'alterne entre détailler toute la troupe d'humains et observer ma jeune "apprentie". Je la surveille de près, tout autant que je veille ses arrières.
Je reste systématiquement plusieurs mètres derrière elle, elle semble ne pas me remarquer. Elle est concentrée sur sa tâche et sur les vrais ennemis, ce que je ne peux lui reprocher. Elle travaille bien. Je l'observe, je suis content qu'elle apprenne vite et qu'elle prenne le temps de bien observer son environnement avant de faire de moindres mouvements. Quand quelques bipèdes s'éloignent d'un passage, Alweda prend sa chance sans hésiter. Je la suis discrètement, sans le moindre bruit, aplatissant mon corps au sol pour ne pas me faire repérer. Jusque là ça marche, je ne vois pas les chiens opérer un quelconque déplacement et leurs oreilles ne s'agitent pas dans notre direction. Je m'arrête derrière un baril quand Alweda est près d'un gros machin vert qui abrite plusieurs sans-poils, et j'attends qu'elle libère la place pour la prendre à mon tour, continuant de ramper et me salissant le ventre sans vraiment m'en inquiéter. Quand les voix se rapprochent, je gronde imperceptiblement et je fixe Alweda, qui semble éterniser son entrée dans la bâtisse. Je chuchote des "sautes ! Mais sautes, bon sang !" jusqu'à ce qu'enfin son corps se ramasse sur lui-même pour bondir par l'ouverture dans la paroi.
Si je ne la suis pas, je serais perdu. Je fonce sans plus réfléchir, et je disparais dans l'usine avant d'être remarqué par l'un de ces idiots. Mais j'atterris sur Alweda qui s'est immobilisée au lieu de filer directement vers la prochaine étape. Nous nous relevons la seconde d'après, et faisons face à cette nouvelle épreuve. Je montre les dents, les oreilles plaquées contre mon crâne, prêt.