Après avoir amené mon premier cadavre de la journée, un tout jeune chevreuil fraîchement tué, dans les réserves de ma nouvelle meute, je repars dans la foulée à la recherche d'une nouvelle proie. Et histoire ed varier les plaisirs, cette fois je me pose comme objectif de ramener un volatile aux miens. Après tout, c'est drôle de tuer, mais faut pas toujours se porter sur les mêmes choses au risque de se lasse rapidement. Déjà que chasser est une tâche répétitive et chiante en elle-même, autant que je profite du peu de possibilités que j'ai pour me changer les idées de temps en temps. Déterminé et de cette même humeur massacrante, je traverse les territoires pour rejoindre mes propre terres, dans l'Est, où je rejoins un endroit hanté régulièrement par les humains avant les premières pluies tueuses qui se sont abattues sur notre monde. Cet endroit est immense, plein de couleurs malgré l'absence de lumières, et dans un état bien triste tout comme le reste du monde que nous habitons. Je soupire, je détaille les environs et cherche parmi les décombres de ce qu'autrefois les bipèdes appelaient les "quelque chose-neige" je ne me souviens plus vraiment du mot et ce n'est pas ce que j'ai appris de plus important dans ma vie. Ici, tout est cassé et vieux. Grinçant, sinistre. Les proies peuvent aisément se trouver des cachettes où nous autres prédateurs ne pouvons les retrouver. C'est là que nos sens développés de loups entrent en action, parce que notre odorat nous permet de les traquer même dans leurs meilleurs planques.

Je place ma truffe au plus près du sol, humant chaque effluve qui se porte à mes narines et analysant toutes les odeurs que je rencontre sur mon chemin. Je repère des dizaines de traces différentes, allant de la piste d'un groupe de souris à l'odeur de l'adrénaline laissée par une belette en chasse. Tout y est, sauf les pistes de grosses proies. Ici, dans cet endroit, elles n'ont pas leur place, rien à manger et certainement aucun endroit où se cacher. Les plus grosses bêtes dans les environs doivent probablement être des chiens errants ou de gros chats plein de parasites qui traquent les petits mammifères imprudents. Si je pouvais croiser un clébards, j'aurais l'occasion de passer mes nerfs sur lui et peut-être, à force de le regarder souffrir, je me sentirais moins frustré par la monotonie de ma propre existence. Dans un soupire dédaigneux, je me concentre pour trouver une quelconque cible et j'arpente les allées vides à la recherche de fumets qui me seraient familiers. Pendant de longues, d'interminables minutes, seul le parfum de l'herbe et de la boue empiètent sur toutes les autres, et je commence à perdre patience quant à la présence d'éventuels animaux dans les parages. Je vois passer une ombre furtive à côté de moi et quand je fixe la pénombre, c'est un feulement préventif qui vient à mes oreilles. Je toise la créature dans l'obscurité, et après peu de temps voilà qu'elle détale aussi vite qu'elle est apparue. Je lâche un soupire méprisant, et je reprends ma quête de nourriture avec plus de ferveur.

Ca y est, je l'entends. Ce fourbe ne m'a pas laissé d'oeur à suivre, mais ces bestioles-là sont incapables de rester silencieuses plus de quelques minutes d'affilées. Il est tout prêt, je sens sa présence, maintenant. Je me tapis au sol, persuadé qu'il est dans le coin, et je longe les attractions brisées et les décombres de chevaux imités. Oh oui, continue de glousser, mon beau, appelles-moi, ton bourreau. Je sens déjà la salive affluer dans ma gueule à l'idée de lui mettre bientôt la patte dessus. Il m'attend, j'en suis certain. Il pense que ses ailes l'aideront à vivre une nuit de plus, mais alors que le soir tombe, sa vie décline avant même que je l'ai trouvé. Il pense que le seul but de son existence est de trouver de quoi se nourrir, dénicher quelques graines ou quelques restes de pain rassis laissé par les bipèdes lors de leurs dernières promenades dans le coin. Pourtant, la mort frappe à sa porte avec obstination à mesure que je me rapproche. Mon corps ramassé sur lui même, abaissé au maximum sur mes puissantes pattes, je rame dans sa direction et chaque pas me rapproche de lui. Je me lèche les babines, je hume son parfum enivrant, et je continue d'avancer encore et encore, sans jamais me lasser. Cela fait tellement longtemps que je n'ai pas planté mes crocs dans la chair d'un sac à plumes, que je bave rien qu'à l'idée de le faire. Il faudra que je me réserve une part de choix sur celui-là, histoire que je ne l'ai pas tué uniquement pour nourrir les membres de la Horde.

Après un dernier virage, j'aperçois la bête de l'autre côté du chemin de terre. Je souris à sa vue, il ne m'a pas repéré. Il semble en pleine forme, et tout aussi stupide que tous les membres de son espèce. Un gloussement m'informe qu'il est parfaitement à l'aise et ne sent pas le moindre danger approcher. Quelle idiotie ... Si la viande des dindes est délicieuse, la bête en elle-même n'en est pas moins débile au plus haut point. C'n'est pas plus mal, me direz-vous, puisque cela facilité grandement nos chasses. A défaut d'avoir des ailes, elles n'ont pas l'intelligence de s'en servir quand il le faut. Ou du moins, elles le font uniquement au dernier moment, quand le danger est au plus près de leur vie. sauf que moi, je sais ça, et je m'en sers toujours à mon avantage. Quand la créature pense avoir juste une seconde pour s'enfuir, je laisse passer cette seconde en restant à distance et à l'instant-même où elle croit ne plus être en danger, je fonds sur elle pour mettre fin à ses jours. En ce début de soirée, alors que l'obscurité prend place et que je détaille la bestiole avec délectation, je sais que sa vie ne tient déjà plus qu'à un fil. Si elle pense vivre encore un jour ou deux, voire plus, elle n'a en fait plus que quelques minutes à passer en ce monde, puisque déjà je peaufine mon plan d'attaque et que très vite, mes crocs puissants se planteront dans sa chair pour ne plus en sortir avant de sentir son sang couler entre eux. Maintenant. Appuyant brusquement sur mes postérieures, je bondis hors de ma cachette et me jette de toutes mes forces sur la grosse dinde imprudente. Dans un gloussement affolé elle tente de fuir, mais j'enfonce mes dents dans son aile et l'empêche de s'envoler pour s'échapper. Je la secoue brutalement de gauche à droite malgré son bon poids, et ce n'est que lorsque j'entends le craquement de sa nuque brisée que je cesse tout mouvement. Seconde proie. Je suis satisfait de cette soirée de chasse, tant et si bien que je commence à ressentir un certain contentement à la place de mon humeur morose de la journée. Le cou de la bête bien en gueule, je repars en direction de la réserve de ma meute pour la remplir une nouvelle fois.