Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
J’suis là, assis sur un rocher, enfin c'est ce que mes pattes me disent. Une forme noire, déchirée qui se découpe sur lointain. N'importe qui pourra me repérer à un kilomètre à la ronde, imprudent ? Certainement, mais qu’ai-je à perdre ? L'instinct de survie n'est pas ce qui vous caractérise quand vous êtes le souffre douleur d'une bande de loups affamés. Pas quand les Sekmet vous prennent pour un défouloir ambulant. Qu'ils viennent dont, les hommes, les prédateurs, la mort. Qu'elle m’enlace de ses bras décharnés, ce sera peut être là la seule amante que j'ai jamais pu toucher. Il y a bien quelques louves qui m'attirent, mais leurs yeux ne daignent jamais se poser sur moi, à croire qu'un seul regard les enverrai en enfer. Elles ont honte je le sais bien, je peux même le comprendre, mais je ne l'accepte pas. Alors je ronge mon frein en me disant qu'après tout, personne ne vit très longtemps en ce monde, j'aurais peut être la chance d'en finir assez vite. Et bizarrement, tout Oméga à demi aveugle que je suis, je survie, ce qui est pour moi le plus grand des mystères et je suppose que les autres se demandent la même chose. Enfin quand il leur arrive de penser à moi.
Devant moi s'étend à perte de vue, si l'on peut dire, un océan rougeâtre, flou au possible, rien qu'un amas de sang lisse comme de l'huile à mes yeux vides. Pas plus net que la carcasse dépecée de mon frère. Le souvenir me fait frissonner. Un silence pesant s'est abattu depuis longtemps sur la plaine envahie de grenats, j'ai quitté un champ de Cendres pour en retrouver un autre, celui ci est simplement recouvert de pierres précieuses. Je sais qu'autrefois j'aurais été émerveillé devant la beauté du soleil levant, l'or et l'orange jouant à éteindre le rouge des pierres, les ombres de la nuit qui se dissolvent petit à petit laissant place à un jour nouveau. J'aurais aimé entendre le chant de mes semblables s'élever au loin, comme une symphonie, une ode à la lumière naissante. Mais rien de tout cela ne m’effleure l'esprit cette fois. Je me sens simplement vide, incapable de voir rien d'autre qu'une lueur pâle à l'horizon. Ma fourrure de jais s'embrase elle aussi et j'ai presque l'air d'un prince, dressé comme je le suis, mais si j'en suis un alors je ne règne que sur le silence et la peur, et je règne seul.
Un cri perçant retenti au dessus de ma tête et je crois reconnaître un corbeau. Et l'eau me vient à la bouche lorsque le vent se lève. Du sang, rien de moins sûr, reste à savoir de quoi il s'agit. Je me redresse lentement, attentif au moindre bruit, mais les corbeaux sont de plus en plus nombreux et bientôt leurs croisements couvrent tout le reste. Je descend de mon rocher tranquillement, pas pressé de quitter un si bon point d'observation et tend le museau de manière à pouvoir trouver la piste. Je n'ai pas besoin de suivre la nuée de charognards qui s’agglutinent tels de mouches pour repérer le cadavre, quelques minutes plus tard derrière un deuxième rocher, plus petit celui ci mais tout aussi noir d'après ce que je peux en voir. Existe-il d'autres couleurs que le gris le rouge et le noir ici ? Parfois j'en doute, j'en oublie même les autres, le bleu, le vert…
D'après l'odeur, car on ne peut plus vraiment reconnaître quoique ce soit dans ce monceau de chair débitée, il s'agissait d'une biche. Mais la carcasse est la depuis si longtemps qu'il ne reste plus grand chose à manger. Je m'approche doucement, chasse les oiseaux d'un geste ample et ils prennent leur essor, rageurs. Cependant quelques téméraires continuent de se gorger de viande avariée. Je n'y prête pas la moindre attention et les contourne, cherchant un lambeau à détacher des os. Je pleurerai presque en me voyant, pas mieux qu'eux, pas capable de chasser seul, se nourrissant au détriment d'autres, sur des morts que je n'ai pas tués. Et puis sans la meute.
Et lorsque je relève ma gueule sanglante je ne suis plus seul. Quelqu'un approche.
Ce sont ces petites pierres préciseuse étincelante qui me réveillèrent. Leur reflet dans mes yeux, n'est pas agréable, ni l'odeur des Sekmets. Mais je suis sur une terre libre, et j'ai donc tous les droits. Je ne sait pas encore où le loup se trouve, mais il me dérange. Je vais y aller doucement, je veux d'abord gagner sa confiance pour ensuite passer à l'attaque. Je m'étire et bâille puis marche doucement. Une odeur de mort me parvient. C'est une proie qui est morte depuis quelques temps déjà. Je m'approche alors, et la puanteur du loup est de plus en plus forte. Je suis assez prête pour voir le morceau de viande. Un misérable bout de chaire malodorant, tout comme celui qui le mange. Mais comme on dit, qui se ressemble s'assemble ! Le loup chasse les corbeaux essayant eux aussi de le manger. Finalement, il en laisse quelques uns et commence à manger. D'après son odur, je dirais que c'est un Sekmet. Pourquoi cherche t'il une vieille nourriture presque pourrie, alors que les Sekmets ont largerment de quoi nourrire toute la meute ? Un Oméga ? Intéressant. Les Omégas ne se défendent en génral pas, et celui là, vue son état... Je l'épie, mais il a détecter ma présence. Je ne sort pas pour autant de mon bosquet. Il neige et le vent souffle très fort, je n'ai pas envie d'aller me gelée, du moins pas encore. Mais ce buisson, il est piquant, si je reste dedans mon pelage sera sale et je n'ai pas envie de continuer à me piquer. Je sort donc en vitesse et saute devant lui. Oreill dréssé et queue droite, dans le prolongement du dos. Je veux juste lui montrer que je suis sûre de moi, qu'il ne peux rien contre moi, que je suis plus forte, même si je pense qu'il le sait déjà et n'osera pas s'attaquer à moi. Je vais le provoquer un peu, mais gentiment pour l'instant. Je lui adresse un sourir.
- Tu n'as pas froid ici ? Seul par un temps pareil ?
Je n'aimerais pas être à sa place, que va t'il me répondre ? Il est dans une cituation bien embarassante, je n'aimerais pas avouer être Oméga. Mais en ai-ce vraiment un ? Vu son allure, j'en suis presque sûre, mais autant qu'il me le confirme. Si j'arrivais à gagner sa confiance, il pourrait bien servir à Skull. Ou peut-être pas. Si une meute aussi grande que les Sekmets perd un Oméga, je ne pense pas qu'il manquerais à grand monde.