Tout paraît mort sous la beige poisseuse. Le froid est glaçant, il piège l'imprudent et le faible. Heureusement pour la race lupine, celle-ci est forte. Du moins, ce cas est vrai pour une grande majorité. Mais bien vite, les besoins primaires reviennent, et on ne peut y échapper. Skull le sait, c'est pourquoi elle s'est donnée la pénible tâche de chasser pour se garder en forme. Après tout, les évènements à venir lui demanderont quelque peu d'énergie. Elle aurait pu piller une Meute, comme elle aime tant le faire. Seulement, par les temps qui courent, elle préfère rester discrète. A sa manière.

Elle s'engage dans la poudreuse. Par endroits, cette dernière lui arrive au poitrail. La Hordienne avance donc péniblement, les coussinets gelés et le corps raidi. Son poil, autrefois flamboyant à l'image de ses prunelles, est désormais un mélange de brun terne et de blanc. Skull est impassible, comme elle l'a toujours été. Son esprit pragmatique ne se laisse jamais distraire, jamais détourner de son objectif. En cet instant, où ses sens s'aiguisent pour la chasse à venir, elle ne pense plus à la Horde ou à ses plans de vengeance. Une seule chose compte: débusquer une proie, la faire souffrir. C'est ce qui est le plus excitant dans la chasse en fin de compte: voir l'étincelle d'espoir s'éteindre dans les yeux de sa proie.

Rien, absolument rien. Rajouter ce calme infernal au fait qu'elle doit chasser n'est pas pour lui plaire. Elle se met au petit trot malgré le barrage de la neige et concentre toute son attention dans son odorat et son ouïe. Elle scrute le ciel, aussi blanc que la neige. Impossible d'entendre quoi que ce soit avec ce maudit vent qui lui siffle aux oreilles !

Skull reprend ses forces près d'un point d'eau. Elle aussi est figée. Il a dû faire terriblement froid la nuit passée, les remous encore visibles de l'eau, et pourtant glacés, en sont la preuve. La Hordienne scrute son reflet. Malgré ses poils blancs, on distingue encore parfaitement ses cicatrices affreuses qui balafrent son visage. Et s'il existe encore cette flamme qui brûle en elle, ce sont bien ses yeux qui le démontrent: ils sont deux points ardents au milieu de toute cette glace.

Ne se décourageant pas, la louve se remet en route. Elle part vers le nord et s'éloigne de la rivière. Rester immobile est mauvais par ce froid, elle en est consciente. Elle courre, désormais. A peine quelques minutes plus tard, elle entend des crissements irréguliers. Puis son odorat ajoute à la précision des informations qui lui parviennent: à moins de quelques queues, une famille de mulots sort de la neige. Petit, mais mieux que rien, pense Skull en s'élançant. Mais elle manque de discrétion, car les rongeurs, loin d'être aussi stupides qu'on les prétend être, se sont déjà enfoncés dans la neige.

Quand le destin s'acharne, il faut parfois savoir s'y résoudre. Skull le sait, et c'est une louve qui, malgré sa patience, n'a pas coeur à batifoler dans la neige toute la journée. Le calme est aussi plat qu'il y a une heure, le vent redouble d'agressivité et la Hordienne se sent faible. Rien à faire, la chasse n'est pas pour aujourd'hui !