Reaven était en train de creuser la neige qui recouvrait les Collines Escarpées à la recherche de bulbes quand une odeur inconnue, accompagnée de celles de deux Esobeks, lui parvint aux narines. intrigué, il s’était retourné dans la direction d’où celles-ci venaient. Un intrus escorté ainsi en territoire Esobek ne pouvait signifier que deux choses : soit c’était un ennemi qui avait été capturé, soit c’était un loup solitaire qui souhaitait aider les Esobeks, voire rentrer dans leurs rangs. Dans les deux cas, Reaven tenait à rencontrer ce personnage.

Les trois loups apparurent au sommet d’une colline : les inséparables Freux et Patte d’ivoire, et un loup noir inconnu. Ces deux premiers s’arrêtèrent et firent signe au dernier d’avancer vers Reaven, ce qu’il fit. le Guérisseur devina donc que l’inconnu faisait partie de la deuxième catégorie énoncée plus haut, ou du moins c’était ainsi qu’il se présentait.

L’inconnu en imposait par sa forte carrure et son oreille déchirée. Il devait avoir eu une vie difficile, ou bien être quelqu’un qui cherchait la bagarre. Dans tous les cas, il semblait avoir vécu bien des aventures. Il arriva à quelques pas de Reaven, puis s’arrêta avec un hochement de tête respectueux. Reaven lui rendit le salut.

«Désolé de vous déranger. Je me nomme Likas, je suis un solitaire. Je souhaiterais rejoindre vos rangs, et deux de vos... Membres m'ont dit qu'il me conduiraient à l'Alpha. Êtes-vous Yroen ?»

Reaven jeta un regard aux deux loups qui étaient restés en haut de la colline avant de reporter son attention sur Likas, qu’il prit soin d’étudier attentivement avant de lui répondre. Une grande cicatrice lui barrait le côté droit du visage, le Guérisseur se demande comment il avait bien pu la recevoir. La méfiance était de mise avec l’individu, même s’il se présentait comme respectueux et qu’il avait déjà la bénédiction de deux membres de la meute, qui sait si ce n’était une autre ruse de ces Hordiens ...

«Bienvenue sur le territoire des Esobeks, Likas. Je me nomme Reaven, Intendant et Guérisseur de la Meute, je ne suis donc pas Yroen, mais en tant qu’Intendant je suis tout à fait en position pour parvenir à votre requête.» Il fit une pause avant de continuer : «Je me réjouis de votre envie de rejoindre notre noble Meute, mais j’espère que vous comprendrez que par les temps qui courent, nous ne pouvons nous permettre de vous accepter aveuglément parmi nous.»

Le Guérisseur s’assit, et par un signe de tête invita le loup noir à faire de même s’il le souhaitait.

«Dites moi, pourquoi décider de rejoindre les Esobeks maintenant ?»

Le Guérisseur écouta chaque mot du récit de l’étranger avec attention, hochant la tête à chaque pause pour signifier sa compréhension. Likas avait donc voyagé avec un loup pendant quelque années (Reaven devine qu’ils étaient forts proches, peut-être un lien de famille ?), jusqu’à ce que son compagnon se fasse tué, puis a rencontré une solitaire qui lui a parlé des deux Meutes.

Tout dans ce discours avait du sens, et Reaven sentit que le loup noir disait bien la vérité, du moins en partie, mais peut-être cachait-il autre chose ...

«Je sais que vous ne pouvez pas accorder votre confiance a n'importe qui, et cela je le comprends. Mais laissez moi au moins une chance d'intégrer vos rangs. Je vous jure que je ne vous décevrai pas.»

Reaven soutint le regard clair de Likas. Comment savoir s’il était vraiment digne de confiance ? C’était impossible d’en être absolument sûr. L’accepter signifiait donc possiblement mettre la Meute en danger, mais lui dire de repartir ... Ce serait soit l’attirer vers les Sekmets, ou, encore pire, vers la Horde (s’il n’en faisait pas déjà partie) ; soit le ramener vers une vie dangereuse de Solitaire. C’était un dur choix qui s’imposait là à l’Intendant ...

Accepter un Hordien dans la Meute serait une grave erreur, mais si le loup se révélait ne pas en être un, il pourrait faire pencher la balance dans la guerre qui se préparait. Quoique peut-être pourrait-il être un atout dans les deux cas ... Avec une surveillance discrète suffisante pour s’assurer de ses allées et venues hors du territoire, si jamais il était vu en compagnie d’autres Hordiens ou exhibait un comportement suspect, le doute serait levé et il serait possible de retourner le piège contre lui.

C’était un plan assez risqué, il faudrait qu’il en parle à Yroen ...

Après ces longues minutes de réflexion, le Guérisseur hocha de nouveau la tête, enfin parvenu à une conclusion, et se releva.

«J’ai bien réfléchi, et je pense que vous méritez cette chance.»

Il sourit chaleureusement en prononçant ces prochains mots :

«Je vous souhaite la bienvenue chez les Esobeks, Likas ! Vous aurez accès à votre propre tanière dans la Cave Soufflée et d’ici quelques jours vous pourrez choisir quel rôle vous souhaitez accomplir dans la Meute. Je dois cependant vous demander de ne plus quitter le territoire sans demander d’abord la permission à une figure d’autorité qui vous accompagnera, par mesure de sécurité. Je suis sûr que vous comprenez ... Une fois que j’aurai finalisé les détails de votre admission avec notre Alpha et que vous serez jugé digne de confiance, vous serez libre d’aller où vous le voulez.»

Le Guérisseur prit alors une pause avant de terminer :

«Likas, jurez vous fidélité à la Meute des Esobeks, Oeil de la Lune, d’en protéger chaque membre comme s’il faisait partie de votre famille, et d’en assurer l’approvisionnement du garde manger ?»