J'ai du mal à reprendre le dessus face à ce molosse baveux, qui me domine toujours, sans pour autant faire trop de mal -pour l'instant-. Ah tiens, son effet de surprise n'est pas raté, dire que sans ce détail j'aurais pu facilement le maîtriser. Mais bon dieu, qu'est-ce que fait Yroen ? Elle attend que je me fasse bouffer pour virer le bestiau ? J'avais pourtant l'impression qu'elle était toujours prête à aider un pauvre loup en détresse ... Et si finalement j'étais allé trop loin et qu'elle profitait de l'occupation du rottweiler pour partir ? Ha, je serais dans de beaux draps, je songe ironiquement. Bon, si les "deux pattes" ne viennent pas je pourrais quand même m'en sortir, aucun soucis. Mais si ils se ramènent ... Là ça risque de faire mal. C'est pourquoi j'ai presque paniqué. Presque. Parce que finalement, le poids me clouant au sol diminue, et j'arrive à m'en extraire. Yroen a foncé sur la sale bête, je peux me relever sans trop de difficulté. Et c'est avec aisance que nous parvenons à achever l'animal. Reprenant mes esprits et analysant mon environnement, je remarque les piques dans les yeux de l'Esobek, qui me fusille du regard.

- Tu t'attends peut-être à un "merci" ? Désolé pour toi mais c'est pour les privilégiés, j'annonce d'un ton narquois.

Et alors que je frotte mon pelage de charbon pour en retirer la poussière, elle en profite pour me sermonner, ignorant complètement ma réplique.

- Voilà à quoi tes idioties nous amènent … Wakanda et moi regardons ce qui se cache derrière cette porte et d’où provient l’odeur de poudre, et nous sortons d’ici … Quant à toi, si tu comptes encore essayer de perdre la vie d’une manière aussi idiote, je t’en prie …

Ah, ça y est, je bâille presque. Qu'est-ce que c'est ennuyeux, les morales comme ça, surtout venant d'un ennemi. Ne s'amusent-ils donc jamais ? Ces Esobeks dis-donc, toujours sérieux et rabat-joies. Mais moi, heureusement, je ne suis pas comme ça. C'est pour cette raison que ces propos me font ricaner, sans intention de le camoufler. Je ris d'un air moqueur face à la louve, sans doute à bouts de nerfs.

- C'est gentil de s'inquiéter pour moi, je commente sarcastiquement. Et puis je la regarde avec un regard amusé avant de poursuivre. Mais t'en fais pas, je suis habitué à ces choses là. Apparemment, même la mort ne me veut pas.

C'est vrai, je teste constamment toutes les limites. J'ai le chic pour m'attirer dans de mauvaises situations. Après tout, je suis actuellement bloqué sous terre, dans les ruines d'un vieux tunnel avec un louveteau apeuré et une Esobek trouble-fête, menacé par une pluie d'acide et des humains. Mais je m'en suis toujours sorti jusqu'à présentent, et il n'y a pas de raison que cela change. Après tout, il ne faut pas laisser la peur de la mort nous empêcher de vivre, ce serait vraiment le comble. Mais au regard détaché et incrédule de la femelle, je vois qu'elle n'est pas tout à fait de mon avis, et qu'elle n'aime pas vraiment mon sarcasme.

-T'as vraiment pas d'humour, je chuchote presque à moi-même, dans un souffle. Et puis, en me remettant à creuser à ses côtés, je lui pose une dernière question, un peu plus sérieusement, par rapport à l'inconscience qu'elle me reprochait juste avant.

- Mais, crois-tu seulement au destin, Yroen ?

Moi, oui. C'est pour ça que je sais que si je dois mourir dans ce tunnel et aujourd'hui, alors je mourrai. On ne peut pas échapper à ses griffes, et lutter contre lui ne fait qu'empirer les choses. Alors mon imprudence ne me coûtera pas la vie, si ce n'est pas mon destin. Et le jour où la Mort viendra me faucher, je l'accepterai sans broncher, même si je pourrais avoir certains regrets. Cela dit, quelque part au fond de moi, j'ai ce sentiment que ma destinée est bien plus grande que ce que l'on pourrait imaginer.

HRP:

Au bruit, nous entendons que tout s'est calmé. Plus de goutte qui fait trembler les parois à moitié effondrées de l'épave, plus de violent coup de vent qui menasse de tout déchirer sur son passage, même les voix humaines semblent s'être éloignées. Mais le véritable danger n'est pas toujours là où on l'attend. Et en effet, alors que je creuse pour atteindre l'autre côté de la porte pour me libérer, je suis à nouveau cloué au sol. Je n'ai même pas la chance de réagir avant de comprendre ce qui se passe. Yroen est à présent sur moi, la mâchoire menaçant mon cou. Je crois que j'ai enfin trouvé la corde sensible, le point de rupture, je suis allé au delà de sa patience, ce dont je me réjouis intérieurement. Mais le plus ironique dans la situation, c'est qu'elle bondisse sur moi comme ça, qu'elle me cloue à terre comme un vulgaire insecte et marque sa domination au seul moment où j'étais sincère. C'est vrai, quand je parlais du destin, je n'avais plus aucune touche d'amertume dans ma voix. Mon dégoût vis-à-vis de sa meute, et donc de ce qu'elle est, avait été oublié durant ce court instant ... Qui va peut-être me coûter cher. J'essaye de me dégager, mais en vain. J'ai beau griffer son ventre de mes puissantes pattes, elle est bien plus ancienne et entraînée que moi. Et puis c'est sans compter sur mon altercation avec le rottweiler un peu plus tôt. Et puis, elle place sa patte sur ma gorge, appuyant douloureusement sur ma trachée. Je peine à respirer, je me sens faible, vulnérable ... Je n'aime pas ça. J'ai horreur de ces moments où je ne contrôle rien. Puis, elle me crache des paroles, répondant à ma question. Ha, elle ne croit pas au destin, alors. Bien, je le saurai la prochaine fois. Mais je ne peux pas lui répondre, cela m'est un peu impossible au vu du poids qui pèse sur ma cage thoracique, et puis honnêtement je pense à autre chose, aussi ... Comme respirer.

Ca y est, ma vision se trouble. L'obscurité entre dans mon champ de vision, les coins s'assombrissent. Le trouble remplit ma vue, je manque clairement d'oxygène. Et comme je suis sur le point de sombrer dans l'oubli, la femelle se retire, et prend le petit parasite avec elle. Qu'est-ce qu'elle fait ? Je n'ai pas entendu, je n'avais pas toute ma tête ... Est-ce qu'elle s'en va ? Oui, sans doute, maintenant qu'il n'y a plus de danger. Le seul danger potentiel que les Esobeks pourraient rencontrer est actuellement à terre, luttant pour le souffle qui lui est si précieux, et toussant ses poumons. Je me relève maladroitement, alors que leurs silhouettes disparaissent dans l'ombre.

- Lâche, je souffle lentement. Lâche, qui n'a même pas le courage d'aller jusqu'au bout, et d'éliminer un ennemi ! Je lui lance, de ma voix saccadée, même si elle est trop loin pour entendre ma faible intonation. Mais même si je me sens humilié, je ne suis pas enragé. Non, le Colosse Hurlant ne s'énerve pas, il ne se met pas en colère. Il se contente de simplement se venger ... Et je peux être très patient. Je frappe au moment où l'on s'y attend le moins. Mais quoi qu'il arrive, je l'épierai s'il le faut, je l'espionnerai. Je lui trouverai une faille, un point faible. Pour ça, on peut me faire confiance, j'ai de l'expérience, il ne faut pas me sous-estimer. Les muscles ne gagnent pas toujours, et avec mon esprit tordu, je suis très imprévisible. Et avec un rire amer, jubilant intérieurement en pensant au plan de vengeance qui se dessine déjà dans ma tête, je prends moi aussi le chemin de mon territoire, désormais à l'abri des intempéries. Et voilà, elle ne croit peut-être pas au destin, mais moi j'y crois. Et toujours, les vents finissent un jour ou l'autre par tourner.

HRP:

HS: