Il se retourna à nouveau, cherchant désespérément le sommeil... N'y tenant plus, il finit par sortir de l'abri qu'il s'était trouvé pour la nuit et marcha d'un pas traînant entre les arbres. La tête basse, le regard dans le vide, il errait sans même prêter attention à ce qui l'entourait. Ni le lièvre qui détala devant lui, ni la neige qui crissait sous ses pattes, ni le vent qui soufflait avec force, lui ébouriffant son épaisse fourrure immaculée, ni le sombre Styx qui serpentait silencieusement entre les arbres semblant lutter pour ne pas être gelé par la bise glacée. Non, rien de tout cela n'importait à son esprit. Il marchait sans savoir où, entendait sans écouter, regardait sans voir... La raison de cette insomnie ? Yroen. Ou plus exactement, les Esobeks. Ou les deux, d'ailleurs, il ne savait trop ce qui tourmentait le plus son esprit...

Car le blizzard qui se levait et balayait de son souffle glacial leurs terres déjà inhospitalières, ce blizzard n'était pas le premier de ses soucis. En tout cas pour le moment. Non, le problème venait de la Horde. Cette meute macabre venue de nulle part qui menaçait tous les autres loups. Qu'allaient devenir les Esobeks si l'envie leur prenait de les attaquer ? Cette menace qui planait au-dessus de leurs têtes angoissait déjà bien assez les loups de l'Oeil de la Lune. Mais de surcroît, le murmure d'une opposition au pouvoir de Yroen se faisait entendre dans la meute. Atlas ne savait s'il devait s'en inquiéter ou non. Ces soupçons étaient-ils avérés ou non ? Et si oui, était-ce réellement une mauvaise chose ? Yroen était-elle l'alpha de la situation ? Saurait-elle les protéger de la Horde ? Toutes ces questions assaillaient l'esprit d'Atlas, nuit et jour, sans répit. Que penser ? Que faire ? Tout ce que désirait Atlas, c'était le bien de la meute. Mais à ce moment précis, il ne savait où résidait ce bien. Yroen était loyale, attentive à ses congénères, dévouée et pleine de sang-froid. Mais serait-ce suffisant quand les crocs sanguinaires des Hordiens seront à leur frontière ? Pour le moment, rien n'était vraiment fait pour assurer leur défense. En tout cas, pas à sa connaissance.

D'un côté, il avait de la sympathie pour son alpha, mais serait-il prêt à lui donner son entière confiance ? Il soupira. Il craignait pour sa meute... C'était la chose la plus importante à ses yeux. La meute. Pour la première fois de sa vie, il s'était senti un peu chez lui, chez les Esobeks. Les savoir menacés lui était insupportable. Il ferait tout pour eux. Vraiment tout. Mais il était perdu, angoissé et se sentait inutile... Plongé dans ses tourments, il ne prêta même pas attention à la silhouette qui s'approchait de lui...