«Nos choix sont plus nous que nous.»Tu lèves l’oreille. Ton museau frémit. Tu peux entendre les doux vas et viens des vagues sur la plage. Le caractère salé du souffle glacé vient t’éteindre. Un frisson te parcoure. De peur ? De froid ? Ou d’émotion ? Tu t’amuses à faire tomber les dunes derrière toi, à l’aide de ta queue. Elle fouette le sol, envoyant ça et là les grains voler. Le vent, lui-même, vint jeter sur toi le sable d’un blanc cendreux. Comme un millier de piqûre à vif. Le ciel, lui, se brode de rose. Cette teinte immonde qui baigne le monde de son incertitude faiblesse. Ni jour, ni nuit. Tel le vomi d’un mammifère ayant ingurgité des saumons en trop grand nombre. Ou cracherai du sang suite à une maladie quelconque. Ce paysage est aussi beau qu’ignoble. Parsemé de nombreux souvenirs qui viennent le ternir. Rendez-vous des romantiques. Ou personnes au caractère lunatique. Et, dans les dégradés changeant que forme l’horizon, ta haute silhouette se découpe nettement.
Je voudrai partir
Jusqu’à la mer
Allongé sur le sable
Reprendre un peu l’air
Ton cœur est douloureusement impatient. Tu lance de fréquent coup d’œil dans ton dos. Mais rien ne vient trembler la solitude de l’endroit. Tu fermes les yeux. T’allonge sur le mélange de neige et sable qu'est le sol. Laissant les vagues caresser tes griffes. Il est ridicule de perdre ainsi le contrôle sur ses émotions. Tu n’es plus un louveteau. Un doux sourire vient décorer ton museau. Une larme coule le long de ton visage, et vient se perdre dans ta bouche. Son goût salé et gorgé d’une tristesse qui t’en rappelle de nombreuses autre. Mais ton sourire reste le même. Ignorant la douleur qui resserre ta gorge. Une émotion, aussi négative qu’elle soit, est toujours à chérir. Elle prouve que tu n’es pas un monstre. Que tu es en vie.
Combien de fois vous-êtes vous vu ici ? Tu n’as pas pris la peine de compter. Il y a des choses qui ne doivent pas être préparée. L’inattendu rajoute à leur beauté. Comment était-elle ? Magnifique, te souffle ta mémoire. Ce n’était pourtant pas le premier mot qui t’avait prit à son approche. Troublante, corriges-tu mentalement. Hors de l’ordinaire. Bien que les loups se ressemblent de plus en plus, et que les principales différences soient du aux toxiques changements du monde. Ses yeux étaient, tout comme les tiens, vairons. Hétérochromie iridis. Autrement dit, sa pupille gauche était d’un ambré classique, tendit que l’autre avait prit une teinte bleuté. Une longue blessure lui marquait la hanche, souvenir d’une bataille contre un chien. Mais malgré cette horreur que les poils ne voulaient recouvrir, elle dégageait une aura qui te toucha. Intrigué par elle, tu l’avais suivit. Parcourant silencieusement dans les ombres des chemins qu’elle empruntait. Tu ne dégageais pas la moindre animosité.
Sentir les embruns
Rester encore
Rester jusqu’à
Ensablé le corps
Vos pas vous conduire ici même, à cette plage. Et, comme aujourd’hui, le ciel vomissait du rose. Elle s’assit gracieusement près de l’eau, laissant le bout de ses pattes se faire humidifier par le liquide glacial. Aussi impassible que la mer. Tu passas un moment à l’observer. Puis elle tourna sa fine tête vers toi. Son étrange regard se fixa dans le tient. Tu vins à côté d’elle. Une odeur de meute te fit frémir. Mais tu l’oublias. Il y avait entre vous l’espace d’un mètre. Le sel vous imbibait de son odeur piquante. Un zéphyr venait gommer le silence. Le temps s’écoula, lentement. Le soleil tira la révérence. Les étoiles apparurent l’une après l’autre, timidement. Elles ne voulaient pas troubler l’étrange scène. Mais elles ne pouvaient détourner leurs regards dorés des deux êtres immobiles. Pas un mot ne fut dit.
On serait juste Toi et Moi
Près d’ici ou là-bas
Le lendemain, tu revins. Guidé par le même silence que celui qui vous avait prit hier. Elle t’y attendait. Tout d’abord surpris, tu lui souris. Elle se leva. Tu la regardas s’éloigner sans rien dire. Puis la rejoignis. Le territoire avait une toute autre allure en sa compagnie. S’en était apaisant. Le soleil te semblait plus clair. Les couleurs plus douces. Le monde ne cherchait pas à t’agresser. Il semblait plus calme. Moins hostile.
Sans règles dignes et sans foie
Quand tu veux on y va
Vous n’étiez plus la chasseuse et le solitaire. Ici, plus de règles. Vous n’étiez rien que deux corps qui se mouvaient. Tous les jours, vous aviez le même rituel. Au début ce n’était que balade, de plus en plus longues. Puis vous vous mitent à chasser. Courir, à perdre haleine, vos fourrures s’entremêlant. Vos muscles s’encourageant mutuellement. Ils vous arrivaient de combattre. Ce n’était qu’un entrainement. Elle était plus forte que toi. La mignonne fleur cachait bien son jeu. Tu obtins ainsi nombreux bleus, marques de crocs. Mais tu en, imprimas quelque uns sur elle, et n’en fut pas peu fier. Lorsqu’elle était satisfaite, elle te le montrait d’un hochement de tête. Une lueur amusée, joyeuse brillait dans ces prunelles que tu avais finit par apprécier.
Toutes les couleurs du ciel
Un plein de bouteilles
Du rhum, du vin, du miel
Quand tu veux on y va
Le firmament vous éblouissez de sa splendeur. Tous les jours. Rouge. Orange. Jaune. Bleu. Gris. Noir. Il changeait, avec vous. Et vous vous adaptiez. Si le soleil s’offrait en spectacle, vous alliez le voir sur la plage. S’il faisait beau, vous partiez à la chasse. Lors des pluies, vous vous trouviez un coin au sec, et vous battiez. Deux choses ne changeaient pas. Jamais. Tel un accord invisible. Tout d’abord, elle rentrait à une heure correcte. De façon à ce que la meute ne se doute de rien. Ensuite, nul de vous deux n’avait entendu la voix de l’autre. Vous n’en aviez guère besoin.
Cachés par les dunes
Entre terre et mer
Voler un peu de paix
Des refrains à la mer
Tout était plus simple. Vous saviez que vous n’aviez le droit d’avoir ces habitudes. Mais avoir quelqu’un en qui l’on peut placer sa confiance a du bon. Même toi, tu l’admets. Malgré vos camps, vous ne vouliez pas céder aux facilitées de la guerre. La paix était à vous. Vous vous contentiez de vos présences respectives.
Bien sûr tu seras là
Moi blottis contre toi
Je te raconterais mon rêve
Quand tu veux on y va
Un jour, elle resta. Malgré le ciel qui se recouvrait de noir. La lune ayant décidée de prendre des vacances. Tu hésitas, avant de lui monter où tu dormais. Sans mot dire, elle s’y allongea, plongeant son regard chaleureux dans le tient. Tu la vis sourire. Et lui rendit. Puis, finalement, alla la rejoindre. A nouveau. Depuis le début, c’était elle qui menait la danse. Dans ce rêve à deux. Ce rêve silencieux.
Cette nuit, si semblable et pourtant différente des autres. Cette douce nuit. Oui. Cette nuit, vous vous unirent.
On serait juste Toi et Moi
Près d’ici ou là-bas
Sans règles dignes et sans foie
Quand tu veux on y va
Toutes les couleurs du ciel
Un plein de bouteilles
Du rhum, du vin, du miel
Quand tu veux on y va
Le lendemain, à ton réveil, elle n’était plus là. Mais tu n’étais pas inquiet. Elle avait un rôle à tenir auprès de sa meute. Il était normal qu’elle ne puisse rester la totalité de la nuit. Certain loups aiment les chasses nocturnes. Mais ils finissent par rentrer. Tous. S’ils suivent les règles. De même que tu savais, que demain, tu ne la verrais pas. Vous n’aviez pas chassez aujourd’hui. Alors que le temps le permettait. Ce qui signifiait que la meute prévoyait une chasse groupée. Ce matin eu un goût amer, contrastant avec la passion doucereuse du soir le précédent.
Si on vit cachés
Si on vit d’années
Si le temps se compte
On frustre nos hontes
Elle ne revint pas. Chaque jour, tu allais fouler le sable devenu froid. La neige tombait dessus avec douceur, recouvrant le paysage d’un fin manteau blanc. Tu tremblais légèrement de froid. Tes yeux fixaient l’horizon, pour revenir de temps à autre sur la buée blafarde que tu rejetais. Et, tous les jours, tu finissais par repartir. Tu ne pouvais te permettre de laisser la faim te gagner, ou tes muscles fondre. C’est donc le pas lourd que tu retournais sous le couvert des bois. Pour passer le temps et la frustration, tu t’acharnais sur tous ce que tu trouvais. Parfois tu t’attaquais à l’écorces d’un arbre, te mettant en équilibre sur tes pattes arrières et griffant brutalement pendant quelques secondes, avant de retomber. Puis de se relever et de recommencer. D’autres fois tu allais perturber des loups, avec pour seule raison le plaisir, t’enorgueillissant de réussir à manipuler ces pauvres lupins. Tu avais bien d’autres occupations encore, dont le but revenais généralement à te rendre plus fort, et endurant. Le froid gelait peut-être ta peau, mais ton cœur, lui, était imperturbable. C’est pourquoi, inlassablement, tu retournais à la plage. L’attendait une heure. Avant de repartir. Un mois s’écoula ainsi.
Là-bas tu peux mentir
Un jour, tu ne tins plus. Tu devais savoir. Lui était-il arrivé quelque chose ? C’était-elle jouée de toi ? Malgré ta précipitation, tu y allas d’une allure posée. La neige grandissante étouffait tes pas, mais le territoire était plus silencieux que jamais. Si tu courrais, on te découvrirait en un clin d’œil. C’est pourquoi tu te tapis dans un rassemblement de pierres, parmi lesquelles ta fourrure ébène se fondait à merveille. Ton pelage trempé étouffait ton odeur. Tu fermas les yeux, te concentrant sur les sons et odeurs. L’entrée du camp ennemi n’était qu’à quelques longueurs de queue. Tu restas ainsi des heures durant, à attendre un signe de vie de ta belle. Ce ne fut que tard le soir qu’elle arriva. Alors que tu tremblais, la neige absorbant lentement ton espoir et ta chaleur. Elle était seule. Tu aurais pu reconnaître sa démarche entre milles autres. Même avec la neige. Tu levas la tête, te dévoilant, hors de ta cachette. Le mouvement que tu fis attira son regard sur toi. Elle s’arrêta, une maigre proie dans la gueule. Te fixas en silence. Elle te sourit. Tu fis de même. Jetant un coup d’œil pour vérifier que personne ne vous voyez, elle s’approcha de toi. Elle semblait particulièrement heureuse de te revoir. Tu étais soulagé. Dans ses pupilles, brillait le reflet de tes sentiments.
Là-bas tu peux tricher
Un aboiement déchira l’air, vous faisant sursauter. Elle s’arrêta, à quelques pas de toi seulement. Son regard se ternis. Et, après un instant d’hésitation, s’en alla. C’est alors que tu compris. Sa meute n’avait guère apprécié qu’elle déserte si souvent. Et, à présent, elle était surveillée. C’était une bonne combattante après tout. Tu te doutais qu’ils ne voulaient pas la perdre. Lentement, tu te retiras. Un masque insensible dissimulant les larmes qui brûlaient ton cœur comme autant d’acide.
Là-bas on peut salir
Ce fut votre nouveau point de rendez-vous. Vous ne pouviez parler. Vous toucher. Seulement vous apercevoir une poignée de secondes. Elle était là. A quelque pas de toi. Et pourtant, faire le tour de ton monde aurait était plus court et facile que de la rejoindre. Petit à petit, tu te vis mettre face à un choix. Vous ne pouviez continuer ainsi, souffrant perpétuellement de cette relation à distance. De cette relation interdite. Tu devais choisir.
Là-bas on peut juste être…
Conserver ta Liberté. Ou rejoindre sa Meute.Tu n’en dormais plus. Ton esprit tourmenté. Tu n’avais guère envie d’aller dans une meute. De plus, tu savais que tu y serais mal vu, et apporterai des soucis à ta belle.
Tu veux la
voir. Tu veux la
toucher. Tu veux lui
parler.
Mais c’est finit.Vous êtes loin, trop loin. Dans deux mondes différents.
Mais ça va.Tu ne te feras jamais enchaîner. Pas même par tes sentiments.
C’est ton choix.Tu ne revins plus jamais la voir.
La liberté plutôt que l’amour.Cette relation n’avait pas lieu d’être depuis son commencement. Ce n’était qu’une coïncidence. Et depuis quand suivais-tu bêtement le destin ?
Aujourd’hui, devant le soleil couchant, tu repenses à tous ça. On ne peut plus voir le sable. Cette place n’a rien de chaleureux. Ce n’est que la blessure d’un couple. La séparation entre deux êtres. Qui sait qui tu aurais était, si, par hasard, tu avais vécu avec elle ? Tu soupiras. Tu ne voulais pas savoir. Toutefois, tu restas jusqu’à ce que le soleil disparaisse. Évidement, elle n’était pas venu. Cela faisait bien deux mois que vous ne vous étiez plus revu. Il était temps de clôturer cette histoire. Ainsi, malgré ce pincement au cœur, tu te relevas. T’éloignas de la mer devenue noire. Souffla un dernier adieu à celle qui avait réussi à te plaire. Et disparu dans la nuit.
Sans voir les deux pupilles bicolores, qui, à la frontière de la plage, te fixaient tristement.
Toi et Moi...