"Le blizzard va t-il cesser ?"

Peut-être la question qui fourmille sur les babines de tous. Ils ne rêvent que de ça ; que le rideau de neige cesse, que l'on puisse s'extirper d'ici en vitesse, retourner gambader, chasser, courir. Cela fait déjà longtemps que le blizzard a commencé. Personnellement, j'aime la façon dont cette tempête gelée a transformé la cave en grand espace douillet et chaud. Nous y sommes confinés, et cela ne me déplaît pas du tout. Bon, ok, le dehors me manque un peu, mais j'aime me blottir bien au chaud et m'endormir en rêvassant, scrutant la neige qui me berce.

Je l'aurais bien fait aujourd'hui, mais je m'ennuie. C'est un profond ennui qui me taraude les pattes, cela faisait longtemps que je n'en avais pas eu, tiens. Je commence à regretter ce blizzard et mes rêves de quiétude, car la seule chose que je voudrais faire là, c'est sortir, marcher dans la neige, admirer le paysage transformé et peut-être chasser un peu.

Ce serait tellement bien ! Ah oui, laisser mes pattes s'enfoncer dans la neige fraîche, marcher le long d'un sentier, admirer le soleil lumineux de l'hiver, laisser la buée s'échapper de ma gueule... Ce serait une si belle journée ! Mais non, le blizzard, qui d'habitude me plaît, ne veut pas me faire cet honneur.

C'est bien un loup dans lequel je viens de rentrer ? Je ne l'ai même pas vu, et le choc diffuse une petite honte dans mes membres. Je n'ai pas envie qu'il me rabroue, je n'ai pas besoin de ça, surtout maintenant. Remarque il se passerait quelque chose. Mais il est si ridicule, planté là, je ne peux pas lui renvoyer la balle.
« Pardon. »
Et puis merde, ce n'est pas ma faute, il n'avait qu'à pas rester en plein milieu du chemin.

Je ne l'ai jamais rencontré, celui-là.
« Non, c'est moi. »
Bah tiens.
« Je n'ai pas fait attention à où je me suis affalé... »

Comme s'il pouvait dire autre chose. "Ah ouais, t'aurais pu faire gaffe !", ça n'aurait pas collé à sa bonne poire. D'ailleurs, ce... Comment s'appelle t-il déjà ?
« Je me nomme Qwint ! »
Qwint, ok, j'ai enregistré. Donc oui, d'ailleurs, ce Qwint, il a l'air assez timide. J'aurais mis ça sur le compte de la surprise, mais je vois bien qu'il brave sa timidité en me lançant son nom.
« Moi c'est Yan'Ka, je lui fais, un sourire affectueux sur les babines, histoire de le mettre en confiance. Je ne t'ai jamais vu, tu as rejoins la meute il y a peu ? »

Non, non, ce n'est pas par pure politesse, c'est que j'ai vraiment envie de savoir d'où il vient. Parce que s'il vient de la Horde, c'est pas bon. Ai-je parlé de la Horde ? Rien qu'à y penser, un frisson d'adrénaline me parcourt. De peur, d'excitation ? Je ne saurais vraiment le dire, en fait, ce serait une première pour moi de combattre. Enfin bon, revenons à Qwint. D'où pourrait-il venir ? À sa tête, il paraît un peu perdu.

Peut-être qu'il est simplement tombé du lit. On a pas tous la même tête après un séjour en quarantaine dans une grotte alors qu'il tombe de la neige dehors qu'avant. Il est vrai qu'en ce moment, il y a beaucoup de nouveaux qui rejoignent la meute. Pour vaincre la Horde, à coup sûr. C'est toujours mieux d'être plus ligués. Et puis ils sont protégés. Rah, tout ramène à la Horde, en ce moment ?

Je reporte mon attention sur le loup, car je sens que je m'égare. Je le scrute un instant. Il n'a pas fière allure, avec son oreille déchirée et son œil balafré, sûrement deux signes d'anciens combats. Pas très grand, mais assez fin, élancé. Ce n'est pas un genre de bourrin, mais je n'aimerais pas l'avoir en combat. Je me dandine d'une patte sur l'autre pour trouver une position confortable, que je trouve finalement en m'asseyant doucereusement. Je hausse les sourcils. Une réponse.

J'écoute, souriante, le loup m'expliquer comment il était arrivé ici. Si j'en crois ses mots, il s'était perdu dans le blizzard et la meute l'avait accepté ici. Enfin, je le crois. Je n'ai pas de raison de me méfier. Enfin si, j'en ai une, mais je ne suis pas d'humeur à croire aux complots. Pis' il y aurait trop de témoins si il voulait nous détruire de l'intérieur. CQFD.

Alors pourquoi commence t-il à m'énerver à sa façon de parler ? Je ne sais pas. Ah, si, je sais quelle réplique me fait m'hérisser l'échine.
« Tu es ici depuis longtemps, toi ? »
C'est si spontanné, si soudain, que toutes mes bonnes impressions sur lui s'envolent d'un coup. Je ne sais pas pourquoi cette question m'énerve, mais c'est le cas. Pourtant je n'ai pas de raison de m'énerver. J'essaye de me détendre, mais des frissons nerveux me parcourent le poitrail.

« Je suis née ici, je réponds d'une voix sèche. »
Je renifle doucement. Je regrette ce ton froid, mais il m'est impossible de digérer cette question...

Aïe aïe aïe. J'espère qu'il ne va pas prendre ça mal.
« Tu as beaucoup de chance alors, d'avoir toutes ces personnes formidables autour de toi. »
Pfiou. Il ne perd pas de contenance. Même, il m'adresse un petit sourire, que je m'efforce de lui rendre, mais je reste constamment tendue. J'ai fait une boulette. J'espère qu'il n'a pas une mauvaise image de moi, maintenant.

Je ne sais pas réellement où on essaye de mener cette conversation. Là, à présent, je n'ai qu'une envie ; m'enfouir sous terre. Déguerpir d'ici. Fuir ma mauvaise réaction. Mais c'est impossible. Toutes ces années, j'ai tenu pour acquis que tout le monde m'appréciait, qu'il suffisait de les approcher pour qu'ils m'aiment. Je sais que c'est faux, bien sûr, à présent. Pourtant, avec Atlas et Kaïs, ça marchait, non ? Bon. Je sais que j'ai grandit. Mais quand même. Un loup ne change pas de visage si rapidement. Si ? J'espère que Qwint ne voit pas ma mine perplexe...

Je plonge mon regard dans celui de Qwint, impassible. Je ne chercher à lui transmettre aucun sentiment, de toutes façons. Il n'avait qu'à pas me rentrer dedans, au pire. Enfin, c'est moi qui lui ai foncé dessus. Roh. C'est lui qui s'est foutu dans cette panade, à lui d'en sortir. Mais bon. Je suis trop bonne pâte. Il faut que j'essaye de remonter le cours de la conversation. Je ne vois pas comment, cependant. C'est une discussion banale, qui se terminera sûrement aussi vite qu'elle a commencé. Pauvre de nous.
« O-Oui. C'est vrai, je bredouille. Tu as maintenant cette même chance. »
Un sourire.

Il me bredouille une réponse, tremblotant et gêné. Qu'a t-il ? Il s'avance. Et c'est comme si je me brûle. Son museau m'effleure, ce n'est pas que je n'aime pas ça, mais c'est tellement inattendu, tellement surprenant de sa part ! J'ai un mouvement de recul. Décidément, je n'arrive pas à avoir la bonne attitude avec lui.
« Nous voilà quitte ! »

Qu'est ce qu'il entend par là ? Gênée, je lâche la pire réponse au monde :
« Exact. »
Je n'aimerais pas être lui. C'est affreux à entendre. C'est prétentieux, tellement... Nul. Je cherche quelque chose pour me rattraper, mais rien ne me vient pour lui montrer que je ne veux pas être son ennemie. J'ignore ce qu'il entend par là. Pour tenter de me racheter, à mon tour, je lui décoche un petit mouvement de museau, comme si c'était une plaisanterie, mais je sens que ça va être dur à oublier.

Je traîne les pattes en m'écartant légèrement. Je suis... Confuse. Je ne sais même pas comment j'en suis arrivée là. J'ai besoin d'aide. Vraiment. Je lâche un petit :
« Euh... »
Et mon regard se plonge dans le sien, sans trop savoir pourquoi.

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