T'as le vent dans les poils, la truffe au vent. Tes yeux plissés combattent l'air froid contre lequel tu t'opposes depuis environ vingt minutes. Courir, c'est ta façon à toi de sortir de ce monde de fou, ta façon à toi de dire '' merde à vous, je m'enfuis et vous pourrez pas me rattraper! ''. T'as besoin de ta dose d'adrénaline, de terminer ta journée la langue pendante et le corps qui ne fournit plus. Quand tu galopes, tu ne réfléchis plus. C'est nocif de trop réfléchir quand la vie autour de toi passe son temps à s'écrouler et à te lancer des débris en plein visage. C'est pour ça que t'aimes ça, courir.

T'en as d'ailleurs profité pour t'entraîner un peu. Il n'y a pas meilleure piste de course que l'autoroute éventrée. En plus de s'étendre sur des kilomètres et des kilomètres, elle est bûchée d'obstacles, une vrai partie de plaisir. Tu te donnes à fond, t'as le cœur qui bat à cent miles à l'heure et les muscles de tes pattes vont te lâcher à cause du double de l'effort fournit dans la neige épaisse. Pourtant, quand tu vois ce camion renversé devant toi, tu ne le contournes pas, ça non. Tu te donnes un élan et tu bondis, tu te laisses glisser sur la surface métallique du dessus en laissant quelques marques de griffes, en plus d'un bruit strident. Tu atterris de l'autre côté en faisant une roulade sur le côté et tu te remets à courir, même si la chute n'était pas agréable. C'est dépasser ses limites ou bien c'est ne rien faire.

Tu zigzagues entre les cônes de route placés de façon à assurer une circulation sécuritaire. Maintenant qu'il n'y a plus de voitures et que la route est détruite, les cônes sont un peu éparpillés et couchés sur le sol. Ça non plus, tu ne les évites pas. Tu sautes par dessus, tu grimpes dessus et tu sautes de cônes en cônes sans toucher le sol, comme si l'asphalte démolie s'était transformée en lave bouillante. Du dernier cône, tu sautes sur la voiture et celle-ci, à cause de la rouille et son ton poids, défonce. Tu t'en sors de justesse en t'accrochant au bord pour te propulser agilement hors de la cabine qui s'écroule. Tout ça, sans arrêter de courir.

Après autant d'efforts, tu décides de te laisser glisser entre la carcasse d'un jeep de l'armée et d'un trou créé par une des multiples bombes. Tu te roules sur le dos et t'accordes une pause avant une prochaine course, qui ne devrait pas tarder à arriver.

Entraînement #2.

Il a recommencé à neiger de façon abondante. La course n'en sera que plus difficile, féroce et extrêmement jouissive. Tu sors de ta petite cachette et admire le paysage qu'est l'autoroute éventrée. C'est étrangement une bonne source de motivation que d'observer les obstacles qui allaient s'affronter à ta carrure de lapin. Tu fais rouler tes muscles sous ton pelage roussi, prête à affronter à nouveau cette course à obstacle, ce chantier d'entraînement, cette escapade dans tes pensées.

Sans demander ton reste, tu bondis de ta cachette comme un lièvre agile et tu commences à courir, en faisant de longues foulées, donnant l'impression que tu voles. Tu n'as pas le choix de sauter plus que d'habitude, la neige ayant une bonne épaisseur, tu resterais coincée. Le pneu d'une des voitures en décomposition est au beau milieu de la route, dans la neige. Curieuse et avide de nouvelles sensations et exercice, tu décides de le soulever, même s'il est lourd. Tu l'accote contre ton épaule et tu pousses avec tes pattes pour le redresser et le mettre debout. Une fois en équilibre, tu décides de sauter dessus et de, toi aussi, garder ton équilibre. Sur la neige, c'était plus compliqué, mais rien n'était impossible pour toi.

Après avoir réussit à rouler sur quelques mètres avec le pneu, tu t'en lasses et recommence à courir. Le nombre de voitures se fait plus dense et tu dois zigzaguer avec plus de vigueur qu'il y a quelques heures. Curieuse, encore, tu décides de t'arrêter et de regarder ce qu'il y a à l'intérieur d'une de ces voitures.

[Dé de recherche

6-3=3. Rien trouvé]

Il n'y a finalement rien d'intéressant dans cette voiture, même pas quelques chaussettes mouillées ou brûlées. Tu reprends donc ta course effrénée entre les voitures, la langue pendante et dégoulinante de bave, pour te trouver un prochain abris, voyant que la neige se faisait trop dense pour continuer à s'entraîner.