Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
+ gains du chaudron Force : 11 Agilité : 12 Endurance : 12
La traversée du temps
Il est très tôt, c'est bien la première fois que je me lève aux aurores. Je lâche un long soupire de lassitude. Depuis quelques temps, j'enchaîne les longues parties de chasse et les entraînements. J'ai l'impression de ne faire que ça, de ne plus avoir de temps pour rencontrer mes semblables, me disputer ou simplement perdre un peu de temps pour parler avec eux et faire connaissance. Ce n'est pas dans ma nature de m'intéresser aux autres, mais cela fait facilement une lune que je n'ai pas pris le temps de ne rien faire, de simplement me prélasser dans la terre meuble ou sous un arbre sans plus aucune feuille. Je suis fatigué de la vie que je mène. Tous les jours le même recommencement : chasser, s'entraîner pour ne pas perdre ses capacités, se reposer puis recommencer, encore et encore sans jamais se lasser. Et pourtant si, je me lasse. Aujourd'hui, je n'ai envie que de m'étaler dans l'herbe froide et humide, et de ne plus bouger avant de longues heures. Je veux perdre un peu de temps dans ma longue et ennuyeuse vie. Alors je m'étire longuement au sortir de ma tanière, je baille à m'en décrocher la mâchoire puis je me rends à l'endroit que l'on appelle la blessure. Là, las de mon existence monotone, je m'affale sur le flanc et je renâcle lourdement, complètement quitté par la moindre motivation. Je me fais un petit résumé mental de mes dernières semaines, ces semaines que j'ai passé à m'entraîner et à chasser pour nourrir ma petite mais pas moins importante famille.
Je pense machinalement à cette louve blanche que j'ai rencontré, il y a déjà quelques temps. Avant aujourd'hui, j'ai tenté de la chasser de mon esprit. Après tout quel intérêt aurais-je à penser à elle ? Elle n'est qu'une Sekmet. Nous avons passé un moment fort sympathique ensemble, mais c'en est resté là et je n'ai rien à tirer de plus d'elle. Pourtant, malgré ces pensées incessantes que j'ai pour me rappeler qu'elle n'est rien de plus qu'un souvenir lointain, je ne peux m'empêcher de me demander, presque quotidiennement, si je la reverrais un jour. C'est une simple question de curiosité, bien entendu. Seulement parce que je me suis bien amusé, que même si nous avons fini par nous disputer à moitié, j'ai passé avec elle un fort agréable moment. Peut-être un jour aurais-je la chance de perdre à nouveau un peu de mon temps en sa compagnie ? Ils sont bien rares, les loups avec lesquels je prends plaisir à ne rien faire. Alors puisque j'en ai justement dénichée, puisse-t-elle être Sekmet, il serait dommage de la perdre de vue si rapidement, et simplement sous prétexte qu'elle est des leurs, non ? Je soupire encore, toutes ces réflexions me dont mal à la tête et me fatiguent. Je ferme les yeux un moment, de toute façon il y a bien longtemps que ma vue ne m'est plus d'une grande utilité, et j'ai déjà pris l'habitude de me fier à mes autres sens. En parlant de sens, il ne me faut que quelques secondes pour humer les effluves d'un semblable. A première vue, un mâle, et un vieux. Je roule sur le dos, bien trop flemmard pour me redresser même si ce que je fais est dangereux, et j'ouvre les yeux pour regarder dans la direction de la nouvelle odeur. Je lâche un léger aboiement, pour prévenir de ma présence et du potentiel danger que je représente.
- Qui es-tu ? Dévoiles tes intentions.
C'est bien là tout ce qui m'intéresse réellement. Ses intentions. S'il n'est qu'un solitaire de passage, il ne m'est pas utile de m'intéresser à lui outre mesure. S'il est un loup de meute perdu, ça m'est égal aussi. En revanche s'il s'agit d'un mâle en mal de violence, il me faudra le repousser au plus vite et le plus sauvagement possible, afin qu'il ne revienne jamais dans les environs. Et pour cause : ma tanière est établie non loin, et ma soeur y vit au quotidien. Hors de question que je laisse un danger se promener sur mes terres, même si elles ne m'appartiennent pas réellement.
Tu n'avais jamais compris l'acharnement que certains mettaient à compliquer la vie des autres. Il y en avait de plus en plus, ces derniers temps, que cette question devenait carrément omniprésente. Tu fatiguais à force de constats toujours plus navrants sur les lupins de nos jours. Il t'arrivait de songer, qu'effectivement, de ton jeune temps, ce n'était point pareil. Déjà que le futur incertain que vous découvriez tous chaque jour n'annonçait rien de bon pour les mois à venir, d'autres n'ouvraient les yeux aux aurores uniquement afin de faire couler le sang, assouvir leur soif de violence et de pouvoir. C'était un concept que tu ne cautionnais en aucun cas et méprisais au plus haut point. Bien que n'aimant pas le moins du monde te faire marcher sur les pattes, tu préférais esquiver les conflits et vivre heureux. Beaucoup te traitaient de soumis, alors que tu ne te voyais simplement comme un loup intelligent et satisfait de la vie que tu menais. Au cours de tes longues années, tu avais vu défiler pas mal de personnages : gentils, odieux, exubérants, banals, sympathiques, sérieux, stupides. Il t'était bien arrivé quelques péripéties qui avaient laissées quelques traces au sein de ton pelage, mais rien de bien grave. Mais plus les jours passaient, plus ta conviction que votre race était perdue se solidifiait.
Il y avait des jours où tu ne pouvais rester en place. Et d'autres, où la flemmardise te saisissait si violemment que tu ne te levais que pour aller chercher quelque chose à te mettre sous les crocs. Aujourd'hui, tu n'avais pas eu la force ni le courage d'aller en quête de nourriture. Tu t'étais pour le moment laissé végéter sur le sol, ne faisant qu'un avec la clairière environnante. Les premiers rayons du soleil étaient déjà venus lécher la cime des arbres depuis une heure, voire deux. Cependant, le froid avait commencé à s'installer fermement et l'ascension de l'astre solaire n'avait rien changé aux degrés. Pire encore, l'atmosphère était humide. Le froid polaire ne te dérangeait en rien, le pire était l'humidité. Faisant grincer tes crocs, tu ne pus retenir une grimace de plus en essayant de finalement te mettre sur tes pattes. La moiteur de l'air rendait ton arthrite plus douloureuse que jamais, particulièrement au niveau des postérieurs. Cependant, si tu ne bougeais pas ne serait-ce que quatre heures durant, tu aurais certainement tes membres atrophiés de douleur et il te serait d'autant plus ardu de te mouvoir par la suite. Soit, autant le faire de suite et t'éviter plus de mal que nécessaire. Tes coussinets noirs foulaient l'herbe qui se mêlerait bientôt - du moins cela ne saurait tarder - aux flocons. Lentement et claudiquant, tu pris le chemin de la forêt. Autant tu ne saurais nommer aucun lieu des terres d'AFF, autant, après des années d'errance en ses horizons, tu pourrais t'y repérer les yeux fermés.
A vrai dire, tu ne te souciais nullement de qui était propriétaire ou non des territoires qu'il t'arrivait de fouler. Néanmoins, tu commençais à perdre de ton calme légendaire lorsqu'une forte odeur imprégnait chaque parcelle de lopin de terre, signe que tu marchais sur le territoire d'une meute. Mais, en ce moment, tu te savais en terres neutres et n'avais nullement besoin de réfléchir à autre chose que poser une patte devant l'autre. Le bruissement ténu de tes pas ne coupait en aucun cas le silence de la forêt, s'y fondant plutôt dedans. Après quelques minutes seulement, tu parvins à une autre clairière. Où ton vieux pote l'odorat te confirma que tu n'étais pas seul. En effet, tes pupilles d'ébène vinrent te le confirmer par la suite : un loup se prélassait bien ici, couché sur le dos, lui aussi à l'affût. Tu fis un pas de plus, afin qu'il puisse te repérer. Cela ne manqua pas. En général, les lupins sont des animaux mus par la méfiance et le mépris. Ce pourquoi les dires du quidam ne te surprirent nullement, au contraire, ils te firent sourire.
— Alors comme ça on oserait me menacer ? Attention jeune loup, je sillonnais déjà ces terres alors que toi tu n'étais encore qu'un insignifiant petit loupiot encore accroché aux tétines de sa mère.
Tu n'avais jamais eu beaucoup de jugeote, concernant le danger. Et lorsqu'il s'agissait de se défendre de menaces, tu ne lésinais pas sur les moyens engagés. Après tout, ce n'était pas un loup tout juste sorti de sa période prépubère qui allait t'apprendre la vie. Tu en avais assez vu, de ces congénères insolents se croyant tout permis. Le toisant à bonne distance de toute ta hauteur et du peu de prestance qu'il te restait, tu placardas sur ta face un air malicieux teinté d'un soupçon de supériorité tout à toi, agrémenté d'un large sourire. Les joutes verbales avec ce nouvel inconnu promettaient d'être fort sympathiques. Et tu n'attendais qu'une chose, qu'elles soient à ta hauteur.
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Ven 26 Déc - 23:11
La traversée du temps
- Alors comme ça on oserait me menacer ? Attention jeune loup, je sillonnais déjà ces terres alors que toi tu n'étais encore qu'un insignifiant petit loupiot encore accroché aux tétines de sa mère.
J'extériorise légèrement les dents. Ma défunte mère, oui ... Je roule sur le côté pour me tenir couché en sphynx et pouvoir mieux observer le nouveau venu. Un vieux loup sombre au pelage abîmé par le temps et blanchi par la vie. Son regard sombre me scrute, et finalement c'est un sourire distant que je lui offre, parce que je ne ressens pas la moindre peur. Il ne m'impressionne pas, et tout ce dont il pourrait user pour me faire taire, c'est une sagesse infinie, probablement. Quoi qu'à y réfléchir, j'ai connu de vieux loups qui semblaient être dans la fleur de l'âge. Mon damné père, par exemple. Du haut de ses neufs années de vie, il tient encore bien sur ses pattes, l'enfoiré. C'est pas plus mal, je pourrais avoir tout le loisir de l'abattre quand j'en aurais la force, sans pour autant avoir l'impression de m'attaquer à une vieille loque inoffensive. Je fixe le mâle sombre à bonne distance pendant encore quelques secondes, et mon regard saphir semble le détailler sous tous les angles alors qu'en réalité, ce ne sont que ma truffe et mes oreilles qui apprennent à le connaître. Si je le vois grossièrement, je ne saurais dénicher des détails de son apparence avec un oeil valide et l'autre si abîmé qu'il ne me permet plus qu'une vision floue, approximative de ce qui m'entoure.
- Justement, depuis l'temps tu n'dois plus avoir grand chose à prouver.
Je le nargue, je défi littéralement parce que je sais, je me doute qu'au corps à corps j'ai autant de chance avec mon handicap, qu'il n'en a avec son âge. Pourtant, je ne suis mu par aucun désir de conflit. J'ai juste un violent besoin de me divertir, et sa semi-provocation s'est avéré être l'équivalent d'une perche tendue vers moi. Je ne fais que la saisir, dans l'espoir qu'il saura occuper un peu de mon temps en autre chose qu'une partie de chasse ou l'un de ces interminables entraînements auxquels je me suis forcé à prendre par ces dernières semaines. Il semble apprécier l'instant, comme s'il attendait justement que je réplique quelque chose pour le pousser à rester un peu, dans cette clairière vide de vie, exempte de quelconques préoccupations. Finalement décidé à me mettre debout, je me lève tranquillement et m'approche de quelques pas, la truffe aux aguets, à la recherche d'éventuels complices. C'est que j'voudrais pas tomber dans un stupide guet-apens, ce s'rait trop bête.