Le temps s'était arrêté. Un silence sombre se posait autour de moi. Je savais que je devais paniquer. Je savais que je devais hurler. C'était grave. Très grave. Plus que cela, insoutenable. La douleur ne se refermerait peut-être même jamais. Parce que si je n'avais pas insisté, on ne serait pas venu, et le sang de soleil ne serait pas tombé sur lui.

Il était tombé comme une plume. Un ange peut-être. Un prince. La douceur de sa chute ne ressemblait en rien aux boules de feu meurtrière qui s'acharnaient sur le paysage. Le feu, les explosions, peu importait. Son corps paraissait si faible maintenant. Il ne gémissait même pas. Il restait aussi silencieux que le reste. Immobile comme une statue d'argile. Fragile comme un oisillon tombé du ciel.

Petit à petit, son corps roussit s'éclaira. Quelques étincelles surgirent. Puis, en quelques instants, il s'embrasa. Toujours immobile, à mon image. Bientôt, les flammes s'éteignirent. Il ne resta rien. Pas la moindre cendre. C'était terminé. J'étais seule. Toujours aussi stoïque. Comme si je n'avais plus aucune émotion. Mais mon cœur battait si fort pourtant, j'avais tellement envie de hurler...

J'ouvrit les yeux. La vision de la cave soufflée me rassura quelque peu et je me relevai. Mon pelage collait à cause de la transpiration et mon cœur battait un peu trop vite à mon gout. Je soupirai. Saleté de cauchemar. Ce n'étais pas la première fois que je rêvais de la mort de mon père, et c'était à chaque fois différent. Amusant n'est-ce pas ? A chaque fois j'avais la surprise de ce que j'allais découvrir. Enfin, je devais peut-être me sentir soulagée, cette fois ci, ce n'avait pas été trop violent. Ouais...

J'avais besoin de me changer les idées. Je m'éclipsait de l'abri des Esobek en trottinant. Direction, les collines escarpées. La terre sous mes pattes me détendit quelque peu. Le vent dans mon pelage le séchait plus ou moins et je profitai quelques instants de ma course. J’accélérais. Le vent s’intensifiait. Je l'entendait siffler autour de moi, courir dans mon pelage.

Mais peu à peu, le froid se fit ressentir et me ramena à la réalité. Mon poil encore humide n'arrangeait rien à cela. Saleté d'hiver. Déjà que les proies était précieuses, alors avec ce froid en plus. Enfin, la neige ne tombait pas, peut-être qu'il fallait s'en réjouir ? Mouais, plus ou moins. Si elle n'était pas présente, c'était juste à cause des lames de foudre, et cela n'avait rien d'agréable.

Et voilà. J'y étais. Les collines escarpées. Déformées par les explosions, ravagées par la connerie humaine. C'était désolant. Enfin, j'allais peut-être y trouver de quoi nourrir ma meute...