CHASSER POUR TUER

Je t'ai aimée, tant aimée. C'était un amour sincère, mon seul amour ... Tu m'as d'abord volé mon coeur, mais après, tu l'as poignardé. Et alors qu'il saignait abondamment, ta cruauté a piétiné mon âme sans pitié. Tu m'as changé comme jamais je n'aurais pu l'imaginer, tu m'as perverti. Tu as donné le coup de grâce à ma cupidité, et retiré de moi toute trace de lumière qui pouvait rester. Toi, louve solitaire, objet de mon ressenti. Tu m'as appris à connaître l'amour, mais tu m'as également appris à le détester. Et finalement, je me suis vengé en te prenant ta vie, ce qui, à mon goût, reste un châtiment clément au vu du monstre que tu as fait de moi. Maintenant, je ne sais plus aimer, je ne sais plus donner, je ne sais que détester, prendre. Mes pulsions sont destructrices, je me bats constamment pour ne pas éclater. Je suis en conflit permanent avec mes démons intérieurs. Et je pense. Avant, j'étais bon, généreux. Je protégeais mon prochain. J'étais si naïf, ah j'ai même envie d'en rire. Cela a bien failli causer ma perte. En fait, la bonté ne fait qu'affaiblir, aller à l'encontre de la nature. Oui c'est ça, si mon passé m'a donné une leçon, c'est bien que dans la vie, c'est chacun pour sa peau.

Mais hélas, après tout ce temps passé à ne plus respirer le même air que toi, tu reviens parfois encore hanter mes rêves, comme cette nuit.

Lorsque je sors de mon abri au petit matin, je n'ai qu'une seule envie. Étancher ma soif de sang. Je pense qu'il est à présent inutile de préciser que je suis de mauvais poil, tous mes congénères Sekmets l'ont sans doute remarqué. Particulièrement ceux qui ont eu la malchance de se trouver sur mon chemin. Mais bon, à part les nouveaux, ils sont presque tous habitués à mon sale caractère.

Et oui, j'ai encore rêvé d'Elle. Cela avait l'air tellement réel, comme à chaque fois. Je ressentais au creux de mon cou son souffle chaud, je sentais son délicieux parfum me chatouiller les narines. Mais surtout, je ressentais la plaie se rouvrir au fond de moi, la blessure de sa trahison. Et puis je me suis réveillé en sueur, avec tous les souvenirs des plus désagréables fraîchement remémorés, et une envie de tuer. C'es pourquoi sans mot dire, je me suis rendu à mon lieu de chasse favoris, dans la forêt aux pendus, qui pour le coup reflète bien mon état d'esprit. J'espère pouvoir trouver quelque chose de bien coriace, de quoi occuper mes pensées un instant, et pouvoir me défouler, me fatiguer. Et pour une fois, mes prières n'ont pas été oubliées, puisque très vite je trouve une bonne piste. Et au bout de cette fameuse piste, un sanglier bien gras semble perdu.

Lentement mais sûrement, je me dirige vers ma proie, en tentant de me faire le plus discret possible. C'est presque avec des pas félins que je m'avance prudemment, en tentant de camoufler mon pelage d'ébène parmi les cadavres humains qui tombent du ciel. Seulement, avec mon manque de concentration agrémenté de ma frustration de la journée, je ne parviens pas à ralentir suffisamment mon rythme cardiaque et ma respiration, et la bête prend peur, s'en allant au plus vite du danger. Et bien, on dirait que je vais devoir courir ... Cela m'apprendra à me laisser distraire, tiens !

En un rien de temps, je rattrape le sanglier. Je suis bien plus agile que lui, surtout sur mon terrain. Après tout j'ai plus d'entraînement, et mes pattes sont plus longues. Quoi qu'il en soit, je viens percuter ma proie de plein fouet, ce qui la désoriente un petit moment, juste le temps d'accrocher mes griffes dans son dos, avant qu'elle ne retente de fuir. Mais elle se relève aussitôt, me donnant des coups en retour. L'adrénaline, sans doute. Je grogne de colère, et parviens à lui bondir sur le dos, grâce à ma patte qui était malgré tout restée accrochée à sa peau. Mais le sanglier est loin d'avoir dit son dernier mot, et il se jette par terre, me coupant le souffle quelques secondes. Mon dieu, j'étais déjà énervé, cela n'arrange rien. Je dévoile mes crocs soudainement, lui attrapant l'épaule, et là c'est lui qui grogne, mais de douleur. Le sang coule de sa plaie, et j'en profite pour lui rebondir dessus. Il essaye vainement de se détacher de mon emprise mortelle, mais je tiens bon cette fois, jusqu'à avoir enfin un accès à sa gorge. Et lorsque je le peux, je resserre ma mâchoire sur sa carotide, goûtant le parfum tant apprécié de son sang. Petit à petit, je sens sa vie s'éteindre sous mon poids, jusqu'à ce qu'il retombe sur le sol en une masse amorphe et inanimée. Je recule de quelques pas, essoufflé, observant mon trophée à terre. Et bien, maintenant au moins j'arrive à faire taire mes pulsions malsaines, espérons que cela dure. Quoi qu'il en soit, c'est un bon repas que je ramène aux Sekmets, j'espère au moins qu'ils en profiteront.