Quand on s'est enfilé une brebis bien grasse à deux, on peut tenir facilement deux jours sans manger. Après trois nuits, la faim commence seulement à se faire sentir. Suivent encore un ou deux jours, et elle nous tiraille l'estomac de son étau puissant. Je ne peux pas attendre davantage, il faut que je trouve à manger. Kaya s'affaiblira de jour en jour si je ne fais rien et j'ai tout autant besoin de me nourrir que de nourrir ma soeur. J'ai attendu toute la journée, temps durant lequel il a beaucoup plu mais que j'ai mis à profit pour observer les Esobeks. Voler est mal, et ce n'est pas dans ma nature. Mais je suis trop fier pour demander de l'aide, et je n'ai pas la force de tuer moi-même une proie ce soir. J'ai compris que les Esobeks ont moitié moins de sentinelles que leurs ennemis les Sekmets, et je sais par expérience qu'il vaut mieux prendre deux coups de crocs simultanés plutôt que quatre. J'ai patienté durant des heures, en attendant que la nuit tombe enfin et en espérant que les violents gargouillis de mon estomac n'attireraient pas l'attention des Esobeks sur ma position. Jusqu'ici, il ne s'est rien passé. De plus, je n'ai pas été repéré, et j'ai eu le loisir d'observer leurs rondes toute la journée. Je sais qui passe où et quand, et j'ai déjà une technique d'approche toute réfléchie pour piquer un ou deux morceaux de viande. A l'odeur qui embaume les lieux, je suis certain de trouver largement de quoi remplir l'estomac de ma soeur dans cet endroit sombre. Je laisse encore le temps passer pour être sûr de ne pas rater mon entrée et surtout, ma sortie. Je laisse tourner mes méninges un long moment, me demandant si je dois prendre le risque de manger sur place avant d'emporter une proie plus petite seulement pour ma soeur, ou s'il est préférable que je prenne un cadavre plus gros pour le déguster plus tard, en compagnie de Kaya. Mais le temps presse, je meurs de faim, je perds un peu plus d’énergie à chaque minute qui s'écoule, et surtout le risque de me faire repérer grandit à chaque instant.