Pas la famine. Pas la famine. Pas la famine. Pas la famine. Je sens que la famine nos guette. Elle cherche notre point faible. Elle cherche le moment de son attaque. Elle attend qu'on soit vulnérable. Elle attend qu'on soit dans la merde pour nous enfoncer encore plus. Et la merde, je sens qu'elle nous guette elle aussi. Elle va pas tarder à arriver, toute heureuse de voir notre malheur déjà si grand. Faut dire, elle fait du bon boulot. Famine, humain, horde, complot, guerre. Suuper programme. Et là seule chose que je peux faire, c'est chasser. Enfin, essayer de chasser. C'est comme s'abriter sous un papier de journal en voyant une tornade arriver. Tu vois bien l'utilité du truc là. Ça fait un moment que je trottine, à la recherche du proie qui voudrait bien se suicider en se glissant toute seule sous ma griffe. Bizarrement, j'en ai trouvé aucune. Fichue corvée. Mais je suis sûre qu'elle viendra bientôt. Les arbres passent, tous les mêmes. Le soleil se couche lentement, fatigué par mon ridicule spectacle. Les odeurs dansent sous mes yeux. Elles me narguent. Aucune d'entre elle n'est intéressante. Pas une seule proie à l'horizon. Sérieux, je suis si nulle que ça ? Proie suicidaaaire, vieens me voir. Ne te cache plus. Ah ? Une odeur sort du lot. Ma chanson est magique, elle marche à tous les coups. La prochaine fois, je ferais mieux de la chanter dès le début de la chasse. Mon heure de gloire arrive ?

Eh ouais, elle arrive. Aux côtés d'un joli gros sanglier. Gros sanglier blessé, mais gros sanglier quand même. Sa patte se tourne dans un angle pas naturel du touut. C'est plutôt dégueulasse, mais au moins, il risque pas de courir bien vite. Il est là, grattant la fine couche de neige pour chercher à manger peut-être, sans se douter que je suis là, à le regarder en salivant. Je le vois déjà mourir sous mes crocs. Je m'approche lentement de lui par derrière. Il ne sait pas que ma faux va bientôt s'abattre sur lui. Bichette. Je continue à m'avancer et je sors mes griffes. Il a pas intérêt à filer celui-là. Il va bientôt se retrouver dans notre garde-manger, c'est là qu'est sa place. Je saute sur lui, et le mords là où je peux pour faire le plus de dégâts possibles. Mais je crois qu'il n'a pas trop aimé mon câlin improvisé car je me retrouve vite sous lui, écrasée par son poids. Alors j'attrape sa patte blessée entre mes crocs et je tire dessus aussi fort que je le peux. Le goût du sang remplie ma bouche. Ça non plus, il n'a pas aimé, je crois. Fou de douleur, il commence à fuir. Oui, c'est ça mon ami, vide toi de ton sang. Je le suis tranquillement, sifflotant. Je n'ai qu'à suivre la trace du sang qu'il perd abondamment. Il s'épuise, je n'ai même pas besoin de courir pour le rattraper. Je le retrouve bien vite, allongé sur le sol dans une flaque de sang, son propre sang. Nos regards se croisent. Je ne vois plus l'envie de combattre -la vie ou moi ?- dans le sien. Je m'approche de lui et l'achève. Ta vie ne sera pas vaine, sanglier, elle nous aidera à garder la nôtre.

Mon ventre gronde. Je n'ai même pas besoin de préciser que j'ai faim. Mon ventre le fait à ma place. Bon dieu, que j'ai faim. Et la meute aussi. Il est grand temps que je sorte mon gros popotin de mon bon petit lit douillet. Il me manque déjà. Mais c'est pour la bonne cause. On doit manger, pour être plus forts. Museau au sol, je tente de trouver une proie à tuer. La neige se faufile dans mon museau. Bien sûr, j'éternue. Bravo, toutes les proies dans les parages ont se sont échappées maintenant. La discrétion, c'est pas mon truc. Maintenant, va falloir que je trouve un autre endroit pour chasser. Désespérée, je me dirige vers un lieu connu pour ses lapins. J'espère que ce n'est pas un mythe. Faut absolument que je mange. Et comme pour rendre cette affirmation encore plus vraie, mon ventre se met à gronder. Encore. Je repars dans mon activité, museau au sol, à la recherche d'une odeur. Finalement, j'ai bien fait d'éternuer et de changer d'endroit car ici, j'ai une piste. Un petit lapin. Je suis la trace de ce pauvre animal pendant un moment. Mais je l'ai retrouvé. Devant moi, un maigre lapin qui ne sait pas que l'heure de sa mort approche. Je bondis en profitant de l'effet de surprise, et cours vers lui pour lui offrir un généreux coup de patte. Mais ce lapin est visiblement un ninja, car il évite ma patte qui se heurte contre un tronc d'arbre. Le temps que je retire mes griffes de l'arbre, le lapin s'était déjà enfuit. Super, je vais devoir trouver une autre proie, et si possible, suicidaire. Stupide lapin.