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Quelque chose attirait Reaven, inlassablement, à la Ville en Ruines, mais il était incapable de définir avec précision ce que c’était. Était-ce cette symbolique pleine d’espoir de reprise du pouvoir de la nature sur l’homme que la ville incarnait ? La singularité du lieu, qui n’avait d’autre pareil, avec ses hautes tours brisées et ses dédales de rues ? Ou peut-être encore était-elle le vestige de ce passé lointain dont Reaven n’avait que de vague souvenirs de tranquillité et de bonheur. Peut-être était-ce tout à la fois, ou rien de cela.

Tout étant que Reaven s’y aventurait souvent, comme aujourd’hui, et en profitait pour tantôt chasser une proie pour la meute, tantôt pour chercher des plantes médicinales. C’était à cette dernière tâche qu’il s’attelait, en ce jour froid d’automne, zigzagant entre les poteaux électriques renversés et les voitures carbonisées, passant parfois le museau dans un bâtiment ou l’autre pour voir ce qui s’y trouvait.

C’était une belle journée. Et par «belle journée», les loups entendaient simplement une journée sans désastre imminent leur pendant par-dessus la tête. Les belles journées comme autrefois, ces journées de soleil et de gibier abondant, n’existaient plus depuis bien longtemps. Mais il faut savourer le présent tel qu’il est, et être simplement reconnaissant de ne pas encore être mort ... pour l’instant, surtout avec la menace de la Horde qui était bien présente.

La recherche de Reaven l’avait mené assez loin dans les rues de la grande Ville, dans un endroit qui semblait avoir autrefois été un parc. Des bancs envahis de végétation morte parsemaient l’endroit, accompagnés d’une fragile herbe qui poussait par petites taches, de poubelles renversées, et même d’un grand saule mort. Il devait bien y avoir quelque chose à trouver par ici ...

Décidément, il n’y avait rien à trouver par ici ; la Nature ne s’était pas encore remise de toutes les calamités qui étaient arrivées ces derniers mois et les seules plantes qui avaient survécu étaient drues et sans intérêt. Reaven soupira légèrement, après avoir passé un temps conséquent à la recherche infructueuse de plantes médicinales.

Mais une odeur lui parvint aux narines : un homme. Il y avait un homme dans les parages. Reaven se tendit brusquement et huma l’air pour savoir d’où venait l’odeur : juste en face de lui, un peu plus au Nord. Il fallait qu’il déguerpisse rapidement s’il souhaitait ne pas être remarqué, et ne pas risquer d’être pris en proie par l’humain. Il était sur le point de courir quand une autre odeur se découvrit : celle d’un loup Solitaire, proche de l’homme. Etait-il blessé ? Etait-ce un simple Solitaire ou un membre de la Horde sanguinaire ? La raison aurait dû pousser Reaven à s’en aller pour sauver sa peau, mais l’idée de laisser un loup en détresse, même un inconnu, livré à son sort était inadmissible pour le Guérisseur. Au lieu de s’en aller, il se dirigea donc vers les deux odeurs en prenant un détour pour éviter de tomber face à face avec l’humain.

La fragrance de celui-ci disparut peu à peu : il s’éloignait ; tandis que celle de l’inconnu s’intensifiait. Soulagé du départ de l’humain, Reaven accéléra la cadence, jusqu’à être en mesure de voir le loup. Celui-ci ne semblait pas avoir été blessé, il se tenait debout au milieu d’une rue, le regard fixé devant lui, son pelage noir de nuit contrastant avec le pâle gris du sol.

L’individu n’avait donc besoin d’aucun secours médical ... Que faire alors ? Et si le loup était un Hordien ? A la distance à laquelle il était, impossible que l’étranger ne l’ait pas senti, mais Reaven ne pouvait pas raisonnablement prendre le risque d’essayer d’engager la conversation avec lui ... Partir était la seule solution.

Reaven recula à pas précautionneux, passa derrière un immeuble, puis accéléra l’allure afin de mettre autant de distance possible entre lui et l’étranger. Un jour, cette envie irrépressible de venir en aide à tous serait sa perte ...