Pchh, pchh. Le clapotis des vagues. Je l'entends, il n'arrête pas. Il n'arrêtera jamais. Enfin je ne l'ai jamais vu ou entendu s'arrêter. C'est ainsi que va la vie du rivage.

J'arpente cette plage au charme envoûtant d'un pas calme. Je souris en observant le ciel, la terre, et tout ce qu'il y a entre les deux. Cette nuit, j'ai rêvé. De Mambo. Original, pas vrai ? Tss... Je l'ai vu, elle marchait, un pas aussi élégant, droit, calculé que l'autre. Non, je n'ai pas pitié d'elle. Mais cette vision, ça m'avait rappelé que je suis aussi une guérisseuse. Qui soigne.

Alors autant servir à quelque chose. La Horde, et ses membres, sont trop fiers pour se laisser soigner et préfèrent garder leurs cicatrices. Preuve de fougue. Ok, ok, je respecte, mais après, j'sers plus à rien. J'ai peut-être fait le choix de ne pas avoir de tanière. Mais alors que je serve à quelque chose bon sang...

Alors me voilà. Je marche nonchalamment sur cette plage. Sait-on jamais, je pourrais rencontrer quelqu'un et lui prouver que je suis gentille. Je le soignerai - si je peux. Et puis au pire, on cherchera les remèdes ensemble. Je serais gentille, promis, que je promets en levant le museau vers le ciel. Je ne céderai pas à la tentation de planter mes crocs dans la peau de mon patient. Non non.

Je m'éloigne un peu plus chaque instant de la plaine de sable en voyant que personne ne traîne ici. Bientôt je la quitte et débouche dans une plaine, qui doit, sûrement, avoisiner la prairie de grenats et le lac d'acide. Cela fait peut-être peu de temps que la Horde est ici, mais j'ai une assez bonne mémoire pour me souvenir de mon environnement ! ...

En marchant un petit bout de temps, j'arrive enfin à un endroit propice. C'est sûrement l'endroit le moins pollué et touché par les hommes des terres du Sud. Il y a ici un vieux chêne où ne restent que quelques feuilles rebelles et noircies, entouré d'un peu de verdures - ou devrais-je dire "noirdures" ? Tout cela sur un sol épargné par les cendres et les déchets humains. Un sol poussiéreux, il couvre une zone plutôt large. Aucun bipède n'est là, même si j'entends de temps en temps un cri, un appel, couvrant par instants le clapotis lointain de la plage blanche.

Je m'assois dos au tronc du chêne. Je suis bien ici. Je suis apaisée. J'attends les événements et je ne lâcherai pas. Ni ma promesse, ni ma patience. Je reste là. J'attends qui voudra venir.

Minutes. Heure. C'est très chiant de rester à poiroter là. Personne ? Grr. Ma patience atteint ses limites, là. Si j'trouve quelqu'un là, ça va être dur d'être gentille.

Ma promesse ! Je serre les crocs. Quelqu'un ! Quelqu'un ! J'en peux plus. Je suis à bout. Ça fait deux heures que j'attends quelqu'un qui ne viendra sûrement jamais. Si il arrive enfin, il aura une de ce fêtes. Quoique... Et mon esprit bascule encore. Gentille, agressive ? Je secoue la tête. Au pire, je ferais à la tête du client, et puis voilà.

Là ! Enfin quelqu'un ! Ah... non. C'est une biche. Qui est déjà loin. Deux heures et demi. Très long le temps. Le soleil décline à vue d’œil. Enfin, pas tellement, mais je vois qu'il descend. Malheureusement. Y'a vraiment personne sur ces Terres.

Soudain, alors que mes yeux commencent à se fermer, j'aperçois une silhouette. Mes sens s'agitent. C'est... Un loup ! Je me lève aussitôt. La fatigue et l'attente se sont envolées. J'hume l'air discrètement. Femelle. Meute. J'en sais assez. Un sourire menaçant se dessine sur ma face tandis que je m'avance vers la nouvelle venue de quelques pas.

Je vais être gentille. Du moins, pour l'instant. Cette longue attente m'en donne pas trop l'envie. Mes membres ankylosés par l'attente ne demandent qu'à s'activer d'un coup, à donner leur maximum ! Un mot, un regard de travers, et c'en sera fini d'elle. Elle a intérêt à pas se la péter ou me chercher.

« Bonjour ? »
C'est quoi cette voix ? Elle a peur ? C'est mignon, tiens. Elle est toute près. Je vois une pointe de timidité. Je ne connais pas tellement les meutes mais je sais qu'il y en a une calme et une au sang-froid implacable. J'ignore de laquelle elle est.

Mais je préfère ne pas me faire une idée. Qui dit qu'elle est des plus cruels mais qu'elle cache son jeu ? Ou pas du tout ? Mmm. Elle m'a l'air plutôt honnête.

« Hey, dis-je d'une voix que j'espère assez froide pour lui faire comprendre que je ne suis pas du genre "lou-louve qui hume les fleurs". J'espère ne pas l'effrayer quand même, j'ai envie de m'amuser avec. Que fais-tu là ? »

J'observe la louve au pelage aussi écarlate que le mien - en temps beaux, bien sûr, sinon ça n'compte pas - d'un œil hagard.
« Je pense que c'est plutôt moi qui devrait te poser la question. »

Dit la louve qui est la fayote de son clan. Je ris en mon for intérieur. Elle m'amuse déjà. Elle se prend pour qui ? J'ai pas le droit d'être là moi ? Ok, super. Elle va faire quoi dans ce cas ? Me chasser avec des mots polis ? M'attaquer ? Non pas que je me pense plus forte. Mais mon camp, la Horde, est sûrement plus fort que le sien. Du moins plus féroce. Et ce n'est pas elle qui va me faire la leçon du "frontière égal respect".

« Tu fais parti de la Horde, n'est-ce-pas ? »
Je l'observe mieux encore. Elle le voit. J'en suis sûre qu'elle le voit, que je la scrute. Ça ne me dérange pas qu'elle me trouve impolie, parce que, haha, c'est que je le suis. Je ne lui réponds pas. Je vois ses babines qui tremblent d'annoncer quelque chose. Je me rassois, digne. J'enroule ma queue autour de mes pattes. Je te laisse parler.

« Oui, je sais que tu en fais partie. Tu n'as pas une odeur d'ici et tu es différente. Tu n'es pas comme les autres. »
Bravo. Je cille doucement.
« En effet. » Ma voix roule et tremble de puissance dans ma gorge. Cet endroit si vide m'a donné la puissance du silence, je m'impose devant elle. Non, je ne me vante pas, loin de là. Je dis ce qui est, quitte à rabaisser mon adversaire. Ah, c'est se vanter ? Bon, ok. Je me vante. C'est chouette.

Adversaire est un bien grand mot... On va dire, mon interlocutrice. C'est plus... "Pro" ? Bah. Je dois dire quelque chose... Que dois-je répondre ? Surprendre cette louve. J'ai l'impression qu'elle a l'habitude de dominer les autres. Je vois dans son regard qu'elle n'est pas une fayote, elle est une battante. Je vais lui prouver qu'il existe mieux qu'elle dans ce monde. Je ne vais pas faire la réponse puérile que tout le monde ferait face à une louve comme elle.

Je scrute un instant l'horizon.
« Je suis de passage ici. Ou pas. M'enfin. Quel est ton nom ? Je suis Rake Maâr. Ou Rake tout simplement. » Je la regarde en finissant ma phrase.
Pour recevoir faut savoir donner. Alors passons le froid "C'quoi ton nom ?" en y ajoutant la réponse personnelle...

Hey. Mais c'est que je m'élabore moi ! Je complote dans ma tête contre cette louve... C'est fou, je n'aurais jamais cru penser si longtemps pour faire chier les autres. D'habitude c'est inné, je sors mes trucs d'un coup, comme ça. Les Hordiens doivent m'aimer pour ça.
Mais j'ai l'impression que se tient devant moi quelqu'un d'autre. Ç'pas une "lou-louve qui hume les fleurs" elle. Elle est de la meute "dure". Ça se voit.

Spoiler:

« Je suis une Sekmet. M'enfin ... tu n'y connais rien aux meutes, toi. »

J'avoue qu'elle m'énerve, mais je ne sais même pas pourquoi. Est-ce parce qu'elle est plus "jeune" (oui, les guillemets, c'est importants !) ou parce qu'elle est contente d'être dans une meute ? Je sais qu'elle ne m'aime pas. Elle devrait apprendre à cacher ses émotions, parce que, quand elle m'a entendu, j'ai bien vu son air ennuyé, méprisant. Je ne vaut peut-être pas mieux, en remarque...

« Quant à moi je me nomme Atom. »
Atom. Ok, j'ai enregistré. Sa tête correspond au mot Atom maintenant. Je balaye un regard presque aveugle sur elle. Atom, Atom. C'est fou comme ça ma rappelle quelque chose. Dans ma famille... Il devait y'avoir un Atom, ou un truc comme ça. Je secoue la tête mentalement. Pourquoi je m'en soucie ? C'est Atom son nom - qui, je trouve, est plutôt joli (et c'est rare que j'avoue que les choses des autres sont belles...) - et pis c'est tout. Le sien, à elle.

« Je suis une Sekmet. M'enfin ... tu n'y connais rien aux meutes, toi. »
Non, moi, je ne connais rien aux meutes. Tu crois quoi ? Je scoue la tête d'une façon presque invisible, en signe de "non". "Sekmet..."Encore que... Je lève les yeux vers l'horizon, à nouveau. Je vais avoir l'air lunatique à force... Je grimace. Sekmet... Sekmet...

Un coup de tonnerre me secoue du museau jusqu'au bout des pattes.
Je vois un ours. Un grizzli. Il bat des pattes, rugit, hurle. Il s'abat sur moi. Qui est cette louve près de moi ? Skull. Je la vois. Tout se brouille. Et je me vois, je parle à Bourreau d'Agonie... Que me dit-elle ? Son nom, son nom de lune... Et... Un autre nom...
Et surgit de ce discours ce mot. Sekmet. Èsse, euh, ca, ème, euh, té.

En fait, je connais les meutes. Je fouille ma mémoire et trouve que Sekmet désigne la meute au sang-froid imbattable... Je regarde Atom. Je sais qui j'ai en face de moi, désormais. Parfaitement. Mais je ne vais pas le dire. Enfin, pas tout de suite. Je ne vais pas trop dégrader mon image, parce que j'imagine qu'elle n'est pas excellente actuellement. Je reporte mon attention sur elle et cille doucement pour lui montrer que sa remarque, qui, j'imagine, devait être désobligeante, ne m'a pas atteint - du moins pas comme elle devait l'espérer.

« Bref. Tu me connais déjà assez. Arrêtons de parler de nous. C'est comme les autres loups qui se parlent. C'est mieux la différence., que je lance d'une voix agrémentée d'amusement. »
J'ai envie de remonter le ton de la discussion. Non pas que je n'aime pas les discussions froides du genre. D'ailleurs, j'adore ça. Mais j'aimerai avoir des bonnes discussions de temps à autres. Et l'envie de me défouler sur elle m'est passée, et, avec mes réactions assez déplacées, j'ai l'impression de me glisser dans la peau d'un autre.

Spoiler:

Bon, ok, tant pis. On va oublier cette solution. J'en ai marre d'elle. Et je vois bien qu'elle en a tout aussi marre de moi.
« Oh, ma pauvre chérie ! Tu veux qu'on s'occupe de toi ? Tu veux être différente ? Eh bien j'ai quelque chose pour toi. Tu pourrais être la première Hordienne à mourir sous mes crocs, pas mal hein ? »

Une réponse cinglante me monte à la tête. Mes pattes tressaillissent. Je me retiens de lui sauter à la gorge, à celle-là. Je comprends bien que l'éducation, chez elle, a été bâclée. Nan c'est vrai, parce que, excusez-moi, mais venir d'une meute qui a du sang de Skull, c'est pas le top.

J'ouvre la bouche pour parler, mais elle m'interrompt.
« Eh bien quoi ? Tu as d'autres idées, poupées ? Vas-y, je t'écoute. »
Sérieusement. Je lève les yeux au ciel et grimace. C'est pitoyable, la bêtise. Ah non, je vous rassure, je ne vaut pas mieux. Mais l'important c'est qu'elle ne vaut pas mieux que moi, mouhaha. Tss. Faut que j'arrête de me répéter.

Je m'amuse bien toute seule. Encore que, elle ne serait pas là, je m'emmerderais et rigolerais toute seule dans ma tête. Vaut mieux la remercier.
« C'est con. Mais j'ai pas envie de te faire cet honneur, que je siffle, un sourire en coin. Mais bon, je suis gentille aujourd'hui, alors j'vais te dire merci. Merci quoi ? Merci de me faire marrer. »

Qu'elle essaye de me répondre par un autre cassage, qu'on se marre.
« Remarque, poupée elle aimerait bien un truc. »
Je me marre intérieurement, encore. Pourtant y'a rien de marrant. Fin, faire chier les autres, c'est marrant... D'habitude. Mais bon, là, c'est pas un Hordien.

Emmerder les Hordiens c'est drôle, parce qu'ils répondent quasi tous en mode bourrin de service. Là... Elle réfléchit. Elle construit des réponses. C'est cool, au moins, on se comprend.
« Poupée elle aimerait bien que t'apprennes l'humour, parce que j'ai l'impression que t'es pas prédestinée à ça. »
Je commence à trop parler, là. M'enfin. Vaut mieux trop que pas assez, comme on dit.

« Sinon ! Puisque tu m'aimes pas, que t'aimes pas l'humour, t'aimes des trucs, à part toi-même bien sûr ? Puisque ne pas parler de nous-même ça te plaît pas, revenons à notre idée de base. »

Je me dandine de contentement, lui faisant très clairement comprendre que c'est bien pour l'embêter que je débite plein plein de phrases. Elle a l'air de bien comprendre, du moins vu sa tête. Je me félicite moi-même de ma belle connerie, et, je me surprends à attendre presque impatiemment sa réponse. Bien sûr, j'le montre pas. Ce serait ridicule. Très ridicule.

« À part moi-même ? Mh c'est une bonne question, j'y réfléchirai un de ces quatre, t'inquiète pas Raky. Mais bon t'auras sûrement clamsé avant que je le fasse ... Quel dommage ! Moi je l'aime bien ce sujet de discussion. »

Et elle sourit. Amusée, je ne peux m'empêcher de sourire en retour. Tous comptes fais... Je l'aime bien. 'fin, façon de parler. Parce qu'aimer, avec moi, c'est pas quelque chose "extra" quoi. Mais j'aime son tact.
« Narcissique plus rebelle. Sérieux, t'as tout pour toi, Atom. »
Et je le dis d'une voix sincère, sans mépris.

Viendrais-je de lui faire un compliment ? Je souris. Si j'avais été un chat, je ronronnerais. Mais j'suis pas un chat. Il n'empêche que je suis contente, alors, je souris. Je remue la queue légèrement. Je lui lance un regard semi-affectueux, histoire de montrer que, voilà, je l'aime bien en fait.

T'emportes pas Rake ! Je m'ébroue mentalement. Elle m'a appelé Raky. Pis elle m'a provoqué en disant qu'elle voulait me tuer. Haussant les sourcils légèrement, j'essaye de trouver quelque chose. Et d'un coup, j'ai une idée.

« Bon, excuse-moi. Mais je dois aller chercher des plantes. Libre à toi... »
Sous-entendu "...de m'accompagner". En plus, c'pas totalement faux, parce qu'à la base, je suis ici en tenue de guérisseuse.

Bon, je suis sûre qu'elle va bien se foutre de ma tête -genre "woulàlà, une guérisseuse", et qu'elle va rester là, mais au moins, j'évite le blanc. Je m'éloigne de quelque pas en quittant Atom des yeux directement, truffe en l'air. Je serais pas longue.