C'est une journée d'été comme toutes les autres depuis mon retour. Comprenez par cela qu'elle est tout ce qu'il y a de plus étouffante et désagréable. Le gibier s'est raréfié de manière exponentielle depuis le passage des hellhounds et la dernière goutte de pluie tombée dans le coin date certainement d' il y a plusieurs mois. Alors, je vous laisse deviner l'humeur dans laquelle je suis susceptible de me trouver. Pourtant, l'heure n'est pas à la dépression bien au contraire. Le camp de parasite se dressant impunément sur nos terres quelques jours plus tôt avait été dépecé sous les efforts de la meute. Nos terres étaient libérés et cette fois définitivement de ces foutus Hellhounds. Une nouvelle terre n'attend que d’être cueillie par nos soins dans les ruines des territoires occupés par ces barbares à deux pattes. Dans mon esprit il ne fait aucun doute que ce sont bien les Navniks qui s'en empareront. Comme nous avions conquis la dune de sable l'année précédente. Peu m'importe que ce soit la négociation et les mots qui nous permettent de le faire ou le prix du sang, je me tiens prêt à suivre les ordres et à combattre sans concession si cela s'avère nécessaire.

Le sentiment d’être de retour chez soi était également toujours aussi agréable malgré le fait que j'étais revenu il y a un certain temps maintenant. Voilà pour les bonnes nouvelles, passons aux mauvaises qui elles sont légions comme d'habitude. Ma famille me manque et j'ai hâte de revoir mon fils et mon frère. Mais, puisque cette séparation est de mon fait j'imagine que je ne peux m'en prendre qu'à moi même. Ce n'est qu'une question de temps. La menace des chiens de l'enfer étant passée. Bientôt, ma famille sera de nouveau Navnik comme elle l'avait toujours été. Les autres mauvaises nouvelles sont complètement inintéressantes comme vous vous en doutez. Les problèmes liés à la météo et au passage des hellhounds comme explicités ci dessus. Non, il y avait bien un autre problème à signaler. Celui ci se révélait bien plus inattendu que tous ceux que j'aurais pu imaginer. Car en rentrant dans la meute, je n'avais pas prévu de tomber sous le charme d'une autre louve alors même que j'avais quitté provisoirement cette même meute en raison de la douleur insoutenable liée au traumatisme qu'a représenté pour moi la perte de ma compagne et de ma fille. Non, s'il y avait bien une chose que je ne pouvais prévoir c'était bien celle ci. Il y a encore quelques semaines j'étais encore en deuil et avais du mal à me faire à l'idée et voilà que maintenant... Quoi qu'il en soit, je ne sais pas vraiment quoi faire par rapport à cela. Je suis perdu c'est le cas de le dire. Ma conscience me souffle que c'est mal, que je ne devrais pas alors je ressens un malaise à l'idée de me rapprocher de la louve en question.

D'un autre coté, je ne pense pas qu' Elerinna aurait souhaité que je me morfonde à jamais après son départ. Je secoue furieusement la tète dans tout les sens et me relève avant de m'ébrouer. Je vais aller faire un tour cela va me changer les idées. Oui, c'est une bonne idée. Je me dirige donc d'un pas tranquille voire nonchalant jusqu'à la dune de sable. Je décide de faire une petite halte pour profiter du panorama. Mais, avant cela il me semble qu'un petit tour au ruisseau traversant les terres n'est pas une mauvaise idée alors je m'y rends au petit trot. Je lape de quoi contenter ma soif avant de m’asseoir devant le ruisseau et d'observer mon reflet. Je me perds dans ma contemplation durant un certain temps avant de constater la présence d'une louve de la meute au pelage immaculée. Je me retourne en suivant l'effluve et détaille la sentinelle d'un œil de professeur. Le genre de regard que je réservais d'habitude à mes anciennes apprenties. La louve blanche ne fait pas vraiment attention à moi et semble concentré sur sa mission ce qui est tout à son honneur. Cependant, le verdict est tombé. Si la sentinelle me semble bien plus puissante qu'à son arrivée dans la meute. Elle me paraît encore bien trop faible. Nous avons peu de sentinelle ce qui signifie que les sentinelles que nous avons doivent être exceptionnelles. Pas seulement compétentes ou fortes mais bel et bien exceptionnelles. J'ai beau ne plus être bras droit et ne pas franchement vouloir le redevenir.

Il n’empêche que je demeure l'un des loups les plus expérimentés de la meute. Alors autant que mon expérience serve à quelque chose. Je ne connais Shiro que de nom mais je sais qu'elle a laissé un sacré souvenir à mon fils en raison d'un combat âpre et brutal dans lequel il avait brillé mais faillit y laisser sa peau. Je me relève d'un bond et l'interpelle dans la foulée : Shiro.
La louve tourne brusquement la tète dans ma direction et un maigre sourire vient se ficher sur mes babines. Je reprends : Mon fils Rhaegar m'a dit que tu étais une sacrée combattante. Tu lui as prodigué un entraînement musclé l'hiver dernier. Entraînement qui lui a bien servi. Un entraînement te tenterait il ?
Oui, je sais me montrer courtois. Je me voyais mal lui dire de ramener son cul ici en vitesse voyez. N'étant plus bras droit, je ne sais pas si cela aurait fonctionné.

J'observe attentivement la louve immaculée se perdre dans ses souvenirs pour tenter de mettre un visage sur le nom que je viens de lui donner. Ah, c'est Rhaegar qui va être triste de ne pas avoir marqué plus que cela la jeune sentinelle pour ce combat qui s'était gravé au fer blanc dans sa mémoire pour ne plus jamais le quitter. La façon dont il le racontait était empreinte de l'excitation toute juvénile qui caractérisait tous les jeunes loups devant ce qu'ils considéraient sûrement comme l'un de leurs faits d'armes avec une fierté frisant parfois le ridicule. Alors qu'il ne s'agissait que d'un entraînement particulièrement intense et réaliste pour approcher le plus possible du cadre d'un affrontement réel.

Du moins, j'espérais que c'était de cela qu'il s'était agi parce que la vie de mon fils avait été semble il menacée durant cet exercice. Or, si je suis extrêmement protecteur avec les miens en temps normal, je le suis dix fois plus depuis mon départ de la meute causé par des pertes. Mais, cela est oublié n'est ce pas car cette louve ne saurait inspirer que de la sympathie et je doute qu'elle ait essayée d'arracher la gorge de mon petit pour le plaisir de le faire. En tout cas, je l'espère sincèrement pour elle. Rhaegar m'avait dit qu'elle avait semblé se perdre dans la fureur et oublié la réalité durant quelques instants avant de se reprendre. Ce sont des choses qui arrivent de temps en temps dans l'ivresse du combat. Alors, je ne vais pas lui faire un sermon pour quelque chose qui s'est passé il y a une demi douzaine de mois. De plus, ce combat avait laissé un bon souvenir à Rhagear et une conscience aigu du fait que le combat était tout sauf un jeu. Que chaque fois que l'on se jetait dans une bataille, celle ci pouvait très bien être la dernière. Cela lui avait très utile dans la suite de son apprentissage que Daante et moi lui avions prodigué sur la route. Le gamin était plus alerte, plus concentré et encore plus sérieux qu'il ne l'était déjà.

Le regard légèrement perdu de la sentinelle me déroute quelques instants. Une sentinelle perdue cela me paraît bien étrange. Mais, je ne pipe pas mot et attends sa réponse. Après tout, elle a du sûrement voir passer tant de visage qu'il est bien difficile de tous se les remémorer. Elle occupait un poste propice aux rencontres après tout que ces dernières soient bonnes ou mauvaises. Et puis plus important encore, ma famille et moi avions quitté la meute durant de longs mois. Shiro ne venait certes pas tout juste d'entrer dans la meute à ce moment là mais son arrivée dans nos rangs remonte à l'hiver dernier il me semble. Bien trop peu pour m'avoir croisé à de nombreuses reprises. Les Navniks ayant déjà quasiment une année d'existence. J'avais manqué une bonne part de la deuxième partie de la vie de la meute. Celle durant laquelle la sentinelle s'était visiblement considérablement renforcée. Celle ci jette finalement un dernier regard aux frontières en contrebas de sa position et un léger sourire étire mes babines au moment ou sa réponse se traduit par l'acceptation.

Cette dernière me lance un regard amical et reconnaissant et mon propre regard ne tarde pas à refléter cette façade amicale. Je suis satisfait de son choix. Il ne s'agit pas d'une feignasse considérant que son job consiste uniquement à faire quelques patrouilles avant de rentrer se pioncer. Peut être que les louanges de mon fils à son encontre sont fondées finalement. Shiro se poste ensuite face à moi et je bande mes muscles en prévision de l’entraînement à venir. Je ne tarde pas à les détendre car je sens que la jeune louve a quelque chose qui la tracasse. Une question peut être. La louve blanche me pose en effet une question. Je plonge mes yeux dans les siens avant de lui répondre : Ebène, Châtiment de l'empereur et comme tu t'en doutes père de Rhaegar. As tu d'autres questions ? Je me ferais un plaisir d'y répondre. Il vaut mieux que nous voyons cela maintenant car lorsque l’entraînement commencera, seul l’entraînement comptera.

La sentinelle immaculée acquiesce d'un bref mouvement de tète avant de répondre poliment qu'elle n'avait pas d'autres interrogations à me soumettre. Parfait, Shiro alors allons y. Elle a déjà le bon état d'esprit çà c'est une certitude. Voyons voir comment cela se traduit dans un combat face à un ennemi plus puissant qu'elle. La louve fronce le regard tandis que le mien ne quitte pas le sien. Je bande mes muscles qui se tendent sous ma peau. Je gratte le sol à mes pattes et creuse un léger sillon dans le sable comme par anticipation de celui que je vais probablement creuser dans sa chair dans les instants à venir. Je détaille la position et l'attitude de la sentinelle tandis que son visage se ferme sous le coup de la concentration. Je ne décèle pour le moment aucune faille. Ce qui n'est pas inhabituel chez un bon combattant. Mais, les failles ne vont pas toujours de soi il faut souvent les créer soit même. Bien vite la louve s'élance, me percute et se glisse habilement de manière fort agile sous mes pattes.

A ce stade, je suis pris par surprise et donc non préparé. Mais également attentif et impatient d'observer ses tactiques, techniques et capacités pour m'y adapter le plus efficacement possible. Je peux encaisser un premier assaut aussi vigoureux soit il. Ses postérieures percutent durement mon abdomen après qu'elle m'ait fauché les pattes avant. Je m'écrase sur elle et profite de ma masse pour la maintenir au sol sans faire de grands efforts. Voyons voir comment tu t'en sors jeune louve pleine de fougue. Finalement, constatant qu'elle n'a aucune chance de se défaire de mon écrasante masse. Je me redresse et pivote sur moi même. Moment que choisit la combattante pour me morde l'arrière train. Puis, elle s'évade vivement de mon champ d'action avant que je n'ai pu contre attaquer. C'est du très bon travail. Elle veut m'épuiser à travers une tactique de harcèlement. Ne pas me laisser une seule seconde de répit avant de mettre de la distance et répéter le mouvement encore et encore. Malin, astucieux, logique et sage. Tout ce que l'on attend d'une sentinelle efficace n'est ce pas. Elle utilise ses points forts pour contrer ma domination. L'agilité et la rapidité. C'est excellent.

Et je constate que je n'ai donc pas grand chose à lui apprendre. Néanmoins, elle a oublié que si sa tactique va sûrement me fatiguer. Elle va la fatiguer deux fois plus en retour. Or, je suis bien plus endurant qu'elle, peut encaisser bien plus de coups et serait donc bien plus frais qu'elle lorsqu'elle sera épuisée. Et à ce moment là, je n'aurais même plus à chercher de faille puisque sa fatigue m'en ouvrira par dizaines. La louve ivoire me tourne autour en grondant, menaçante et pleine de hargne. Comme prévu cette dernière s'avance vivement et fais claquer ses mâchoires près de moi avant de reculer vivement et de réitérer son manège à plusieurs reprises. Pour ma part, je me contente de rester sur place tout en pivotant pour suivre son mouvement circulaire. Seulement à sa quatrième tentative ou simulacre de morsure, je me tiens prêt et bondis brusquement en avant juste avant qu'elle ne se retire en sécurité. Je la percute de plein fouet et plonge mes crocs là ou ils peuvent soit dans les flancs de la louve sans aucune dureté cependant, il ne s'agit après tout que d'un exercice. Mes griffes se posent de part et d'autre de son corps pour tenter de l'immobiliser. Mais, ses ruades parviennent à faire leurs œuvres et c'est à mon tour de me replier d'un bond en arrière pour esquiver la contre attaque.