Souffle acide du vent, larmes brulantes du ciel. Le monde ne ressemble plus aux paysages d'autrefois. Les cataclysmes ont frappé, des colonnes de flammes et de fumées se sont élevées sur l'horizon. La guerre. La guerre des hommes. Et nous, les loups n'avons eu d'autres choix que de fuir. Nombreux furent nos congénères emportés. Nous traversâmes les plaines cabossées, les forêts de cendres, poursuivis par la faim, traqués par la mort.
Notre salut, nous le devions malheureusement à ceux qui avaient provoqué notre malheur.
La louve avait pris sa décision. Enfin, après plusieurs jours de réflexion acharnée, Noire s'était décidée. Elle allait écouter Reaven, le loup gris qui lui avait offert son amour, et allait rejoindre la meute. Les Esobeks. Ceux qui seraient sa nouvelle famille. Mais avant cela, Noire voulait profiter de son dernier jour en tant que solitaire. Bien entendu, elle n'allait pas se jeter dans la gueule d'un ours, mais elle comptait bien aller se venger sur la terre des Navniks, avant d'appartenir aux Esobeks. Lorsqu'elle ferait partie de la meute, elle ne pourrait plus se balader où elle voudrait. Elle devrait respecter les frontières imposées. Mais en attendant... Elle était encore une solitaire ? Elle pouvait donc faire ce que bon lui semblait. Sans hésiter une seconde, elle galopa jusqu'à la dune de sable. Sur la terre de la meute Navnik. Si elle croisait Ebène, elle lui ferait la peau. Mais n'importe quel Navnik ferait l'affaire. Même Freyja, la petite louve croisée sur la Plage Blanche. Plantée au milieu de la dune, la femelle ébène attendit que quelqu'un débarque et vienne à sa rencontre. Elle savait que la terre Navnik était habitée par nombre de loups. L'un d'eux n'allait surement pas tarder.
Achak avait passé sa journée à traînasser sur les terres Navnik, tantôt à chasser, tantôt à frimer parce que ces terres, ce sont les siennes. Généralement, il préfère être seul qu'entouré alors personne d'autre n'était avec lui. Le mâle était détendu, il appréciait chaque odeur et mettait à jour tous ses sens.
Soit, il avait pratiquement passé en revue chaque coin du territoire. Il y trouva une jeune proie blessée qu'il s'amusait à traquer lentement pour l'affoler, la laissant avoir de l'avance pour ensuite être rattrapée. C'est peut-être sadique, mais Achak ne fait attention qu'à son bonheur.
Bizarrement, ce fut le mâle qui perdit la partie. Troublé par une odeur peu connue, il s'était laissé distraire. Jamais ce parfum n'était venu chatouiller son museau, un parfum de louve assez fort qui camouflait l'odeur de sang de sa victime.
Il avait galopé furieusement avant de tomber sur une femelle totalement recouverte d'un pelage noir comme le sien. Il ne l'avait jamais vue avant ou alors, il ne s'en souvenait sûrement plus. De toute façon il vous dira: "Je m'en moque!". Tout ce qu'il savait, c'est qu'elle était ici en tant qu'inconnue et il avait besoin d'en avoir le cœur net sur l'identité et les intentions de ce personnage. Il la dévisagea fortement avant d'aboyer . - En qui ai-je l'honneur?
Le sable était plutôt gênant sous ses pattes, frottant contre ses coussinets d'une manière désagréable. Agacée, Noire ne retourna pourtant pas sur ses pas. Elle attendait d'avoir un adversaire à affronter, un Navnik contre qui se battre. Et elle espérait secrètement que celui qui serait son ennemi du jour, arriverait seul, et non accompagné de tout un groupe de loups. Ce fut un mâle qui vint à sa rencontre. Son pelage était noir, tout comme le sien, et il arriva dans sa direction avec une attitude hostile. Son aboiement résonna dans les oreilles de la louve ébène, qui dévoila les crocs, le poil hérissé. Le combat allait surement être sanglant. Mais elle refusait de faire marche arrière maintenant.
"Je m'appelle Noire. Et je suis là pour me venger."
Les yeux brillants de haine, elle n'attendit pas que le sable frotte plus longtemps contre ses coussinets. Avec un bond puissant, elle sauta dans la direction du mâle noir, et le frappa de plein fouet, l'envoyant rouler au sol sous ses muscles développés. Que le combat commence ! Noire voulait en finir le plus rapidement possible.
La louve reste face à Achak: "Je m'appelle Noire et je suis là pour me venger". Se venger de quoi? Elle était sûre d'elle. Les lèvres retroussées cette femelle n'avait pas l'air très conviviale ce qui étonna le mâle. Ce n'est pas se venger, c'est s'envoyer de la douleur. Il fut très agacé, elle lui faisait perdre son temps, il changea rapidement d'humeur. Lui qui avait passé une si bonne journée.
On voyait bien le désagrément d'Achak sur sa façon de la regarder. Elle était impatiente et maladroite sur le sable ce qui ne l'empêcha pas d'envoyer le mâle à terre.
- Bien vu.
Achak se releva en grondant.
L'échine hérissée, les crocs dévoilés, il laissait apparaître la face de lui prêt à se battre. Il trottina autour de la femelle, avant de détaller à coups secs pour choper sa croupe et y donner des coups de crocs.
Après tout, il a déjà tant d'ennemis, pourquoi ne pas en ajouter une à la liste.
Le Navnik était puissant, et déjà assez âgé. Ce n'était pas un vieillard, loin de là, mais il avait surement acquit une puissance nécessaire pour blesser la louve. Cependant, elle savait, et voyait bien, qu'elle était plus expérimentée que lui. Plus forte, ce n'était pourtant pas certain. Mais dans tous les cas, le désir de vengeance semblait donner des ailes à la solitaire, qui ne broncha pas lorsque le mâle se releva, en position d'attaque. Elle le regarda lui tourner autour, les babines retroussées, et poussa un hurlement lorsqu'il lui mordit la croupe sans ménagement. Se contorsionnant du mieux qu'elle pu, la femelle ne parvint pas à se détacher de son adversaire. Elle se recroquevilla alors sur elle-même, et deux secondes plus tard, déplia brusquement ses pattes, les projetant droit dans le ventre du Nav'. Elle gronda dans sa direction, les crocs dévoilés. Il était fort, mais elle aussi. Il ne fallait surtout pas qu'il la sous-estime.
Achak a la fâcheuse habitude de se croire toujours plus haut que tout le monde. Pourtant, il l'avait bien vu, cette femelle était robuste. Il se disait qu'il était le mâle, le dominant, c'est bien là son caractère. Alors, lorsqu'il planta ses crocs à nouveau dans la croupe de la louve il se sentit puissant.
Bien sûr, cela ne pouvait pas durer éternellement, il fut un moment où la louve riposta. Ses grandes pattes frappèrent à plein fouet le ventre du mâle noir et celui-ci lâcha prise. Il fit quelques pas en arrière, couinant, tout en restant attentif sur les gestes de la femelle. Il refusait de lâcher drapeau blanc.
Le mâle ne tenait plus en place, assurant ses arrières. Il s'avança à grandes foulées et mordit l'épaule de la louve pour ensuite reculer et recommencer. On le sentait, il était plus méfiant maintenant et son rythme cardiaque avait accéléré d'un cran.
Son violent coup de patte suffit à repousser le Navnik, qui recula en lâchant un couinement pitoyable, que Noire décida de ne pas relever. S'il elle se moquait de lui, il risquait de s'énerver davantage, et donc de décupler sa force. Elle se contenta donc de se redresser, les yeux brillants de colère, une affreuse douleur lui brûlant la croupe. Mais le mâle était courageux, tenace. Il lui mordit l'épaule d'un geste rapide, et la femelle lâcha un grognement de douleur. Bien décidée cependant à ne pas abandonner si vite, elle réfléchit un court instant, puis se lança dans la direction du Navnik, l'attaquant de front. Après avoir aboyé de manière menaçante, elle referma ses mâchoires sur le museau du loup, le mordant jusqu'au sang, et sans lui laisser le temps de se retirer, le poussa par terre. Elle relâcha alors son museau, et de ses lourdes pattes, plaqua son ennemi dans le sable. Allait-il trouver la force de se relever ? Noire n'en doutait pas.
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