Djall entend les crics de loups agonisant. Elle n'arrive pas à bloquer l'accès de son crâne à ces hurlements de douleur. Elle croit les avoir trop entendu. La louve a besoin de s'occuper pour éviter de trop réfléchir. La meute Navnik a besoin de se nourrir pour que ses nombreuses blessures guérissent. Un hurlement, si puissant qu'il couvre tous ceux qui hantent son esprit, l'interpelle alors qu'elle erre sans but à travers les ruines de la chapelle. Ce cri-ci est différent des autres et signifie quelque chose, alors elle écoute en dressant l'oreille. Cette voix ne lui est pas méconnue. Après quelques secondes pour percuter, Djall reconnaît enfin Natan au milieu de ses notes basses et riches. Il lance clairement un appel à la chasse. Natan est un jeune loup récemment intégré à la meute Navnik et Djall décide de voir un peu de quoi il est capable à la chasse. De toute manière, la meute a besoin de proies. Sans plus attendre, Djall s'élance en direction de la voix qui d'après son intensité indique que Natan se trouve à deux kilomètres environ. Elle mouve son corps recouvert de poils aux nombreuses nuances grises gracieusement et parcourt la distance qui la sépare de son camarade de meute en foulées vives. Un, deux, trois. Un, deux, trois. C'est le rythme du martèlement de ses coussinets sur la terre sèche et craquelée qui marque la lisière des bois. Sa truffe exposée aux vents lui indique la position de Natan et elle se guide rapidement aux côtés du loup.

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Jauges : 20 // 15 // 18

J'avance dans les décombres, je frappe rageusement le sol de ma patte. Je déteste attendre à ne rien faire, sous prétexte que les autres sont occupés ailleurs. Tous se battent, même les plus jeunes louvards de l'année. Mais Natan, Natan lui n'a pas le droit bien sûr. Parce que Natan, bêtement, voulat se rendre utile. Natan chassait, quand l'appel aux armes a été lancé. Natan s'occupait de nourrir les troupes, et les troupes sont parties sans lui. Je grogne. L'indifférence de mes pairs face à mes efforts constants m'est lourde à porter. Pourtant je n'ai pas le choix, je prends sur moi et je continue de leur montrer ma volonté de faire partie de la meute. On m'a interdit de me joindre aux festivités, alors je continue de nourrir ceux qui nous reviennent. Je les regarde qui se font soigner, je les regarde qui prennent toute la gloire en risquant leur vie, et j'essuie même parfois le regard méprisant que certains ont pour moi. Je suis en parfaite santé, comment cela se fait-il ? Je ne suis pas blessé comme eux, pourquoi ? Parce que Natan ne se bat pas. Pas sur ce front, pas dans cette guerre. Je déteste être interdit d'action. C'est pourtant tout ce que j'ai toujours demandé. Isha, lui, m'aurait permis de rejoindre les troupes de guerre même si je n'étais pas là au son des glas.

Profondément frustré, et parce que c'est là tout ce que j'ai le droit de faire pendant que les autres combattent, je lance un hurlement dans le ciel sombre qui semble suivre l'état de la guerre pour accorder sa couleur à cette dernière. Je ne serais pas surpris de le voir devenir rouge de sang, très bientôt. Je hurle longtemps, j'appelle au rassemblent des chasseurs. Si certains m'entendent, qu'ils me rejoignent. Nous rendrons notre présence irremplaçable à la meute. Après tout, il faut bien nourrir les guerriers, n'est-ce pas ? Je suis loin des terres de ma meute, parce que là-bas se déroulent les combats et que par conséquent, les proies ont déserté les lieux. Elles ne reviendront que dans longtemps, lorsque le sang aura cessé de coulé, et que la terre aura absorbé la dernière goutte. Les minutes s'effilent avant qu'une jeune louve me rejoigne enfin. Une jeune femelle qui n'est pas chasseuse, c'est bien ma veine. Je la détaille. Elle est jeune, pas bien costaud, et elle n'a rien de l'allure élancée de mes compères chasseurs. Mais, soit. Si elle est là pour chasser, chassons.

- Ravi de te voir, Djall, c'est ça ?

Je m'approche d'elle au pas, observant chacun de ses muscles et chacune de ses courbes. Elle devrait pouvoir s'en sortir. Après tout, n'importe quel loup peut chasser, c'est dans notre nature, n'est-ce pas ?

- Allons, au boulot. Les proies n'attendent pas.

Et sans un mot de plus, je pars au trot, sachant bien qu'elle me suivra. La truffe levée vers le ciel, je cherche la première piste qui nous mènera vers notre objectif.

HRPG:

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D'abord, Djall ne me suit pas. Je ne me demande pas ce qu'elle fait, je suis sûr de moi et je sais où je vais. Je me laisse guider par mon instinct qui me mène directement sur un sentier pédestre, et la terre battue porte encore les traces des pattes humaines et de leurs machines de guerre. Je me fiche pas mal de cette omniprésence des bipèdes, je ne les crains pas. Au contraire, j'ai hâte d'en croiser pour passer mes nerfs sur ces salauds qui m'ont fait perdre une partie de ma famille. Mais, les galopades de Djall résonnent à mes oreilles et elle me rejoint. Je lui lance un regard intrigué, elle me répond par un visage marqué par l'inquiétude. Aurait-elle peur ? Elle me fait signe et disparait sur un sentier transversal, je soupire et je la suis. En attendant, elle n'a pas cherché de proie. Je la rattrape en quelques foulées et, passant devant elle, je plaque ma truffe au sol et cherche la présence d'une proie. Je repère rapidement l'odeur d'un petit animal. Ce ne sera certes pas grand chose, mais au moins nous aurons quelque chose à ramener au camp. Je dresse les oreilles, remue la queue d'un mouvement bref pour lui indiquer, derrière, que j'ai trouvé quelque chose. Et je fonce en avant, détournant ma cible pour ensuite la rabattre sur ma coéquipière du moment. C'est un gros oiseaux, le genre brun avec une tête rouge. Quel est le nom, déjà ? Faisan, je crois que c'est cela. Je m'aplatis au sol, guette les mouvements de Djall à quelques dizaines de mètres. Rien, pas un bruit. Alors je fonce droit devant. J'écrase les herbages et autres herbes folles, et je cours droit sur notre proie. Dans la panique, elle prend la direction que je veux, celle de Djall. Je la course jusqu'au bout, frappant le sol de mes puissantes pattes, essayant de rattraper la bête sans lui laisser l'occasion de tourner d'un côté ou de l'autre.

Natan passe de nouveau devant Djall qui se contente de l'observer avec un regard cyan amusé. Alors que la louve progresse à seulement quelques mètres derrière son binôme, elle perçoit une drôle d'odeur émaner de lui. Est-ce de l'agacement ? La guerrière ne sait pas dire mais elle garde cette information en tête et laisse un œil bleu septique sur le dos noir de son camarade. Elle se met donc en chasse, les oreilles dressées à l'écoute des bruits alentours. La femelle argentée lève sa truffe noire aux vents et repère presque immédiatement le fumet d'une proie. La moitié de ses sens qui est réservée à l'observation de son acolyte lui apprend que ce-dernier semble s'agiter et lui indiquer quelque chose. Elle en déduit que lui aussi à capter cette odeur. Avant qu'elle ait le temps de mieux se concentrer sur ce gibier pour préparer au mieux leur attaque, son camarade aux poils noirs, blancs et gris s'éloigne à vive allure et bifurque vers la droite à travers la broussaille. Pendant quelques secondes, Djall remarque comme le silence est lourd et seule la proie émet quelques piaillements qui fait croire à la louve que le duo a affaire avec un oiseau d'assez grosse taille. Soudain, les événements s'emballent et un fracas de frottements de poils contre les feuilles et de martèlements emballés de grosses pattes contre l'humus résonne. La guerrière comprend que Natan a donné l'assaut et sa stratégie lui apparaît. Alors elle se prépare à entrer en jeu lorsqu'elle observe que les bruits sourds des coussinets de Natan contre le sol se rapprochent ainsi que les crics terrifiés de l'animal. Son instinct lui dit d'y aller, de bondir. Un haut buisson épais et broussailleux lui cache la vue sur la scène de chasse qui se déroule mais ses autres sens lui disent clairement de bondir. Et c'est ce qu'elle fait, elle saute par-dessus le buisson qui jusque là, la masquait. Djall se retrouve juste devant l'oiseau dodu, qui se trouve être un faisan au vu de ses plumes si spécifiquement colorées. Ce-dernier est pris entre Natan et elle. La louve argentée bondit pour attraper la proie, mais celle-ci fait soudain preuve d'une rapidité qui surprend son attaquante. Alors que Djall aurait du atterrir sur son repas, ses pattes touchent une terre nue et le faisan détale dans les broussailles. La colère brûle soudainement si fort dans le cœur de la guerrière qu'elle empeste à deux bons mètres. Pour se calmer, elle griffe avec haine l'humus tendre des bois et fait voler les feuilles mortes autour d'elle. Elle pousse un grondement rageur avant de se tourner vers Natan et de coucher ses oreilles touffues l'espace de quelques secondes pour excuses. Puis elle décide de se remettre en route. Elle a bien conscience qu'ils chassent depuis longtemps, mais elle se refuse à rentrer bredouille. Elle retourne en slalomant entre les diverses buissons et la broussaille sur l'étroit sentier et reprend son trot.

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Il est là, entre deux prédateurs puissants qui ont faim et qui sont venus pour le tuer. Il n'a aucune chance, il est trop petit et trop faible pour en réchapper. La louve est celle qui doit le mettre à mort, alors je me contente de bloquer l'échappatoire de l'animal emplumé. Mais, au moment de la regarder lui briser la nuque, je la vois atterrir lourdement sur le sol meuble et la bestiole file dans les broussailles. Je détaille Djall, interloqué. Qu'a-t-on raté ? Et lorsqu'elle se relève, je tourne enfin la tête vers le lieu où a disparu notre proie. Puisqu'elle savait qu'on était là, elle a dû s'envoler maintenant. Quel manque de bol ! Ca m'apprendra à prendre une guerrière au lieu d'avoir attendu un vrai chasseur. Elle a été entraînée pour nous protéger, pas pour nous nourrir. Elle affiche une mine désolée et, plutôt que de se confondre en excuses inutiles, reprend immédiatement le chemin de terre pour tenter de trouver autre chose. Je la suis en silence, je repose ma truffe au sol et je fouille chaque odeur, je mémorise chaque nuance pour être sûr de ne pas passer à côté d'une proie ou d'une piste quelconque. Il n'est pas question que je retourne au camp sans avoir trouvé quelque chose à rapporter aux miens. Je ne serais pas le chasseur faible qui se laisse berner par les proies et qui rentre les crocs vides et les muscles mous. Je suis un traqueur, et je trouverais de la nourriture pour les miens. Même si je dois passer des jours entiers ici, dans la forêt, pour réaliser ce pourquoi on m'a entraîné.

Djall erre dans cette forêt de pins et de chênes bourgeonnants depuis plusieurs heures avec Natan sur les talons. A présent, le soleil décline à grande vitesse dans le ciel bleu et les ombres des deux loups s'allongent sur l'humus des bois couvert de feuilles. Avec le soir qui s'installe peu à peu, la brise nocturne givrante se lève sournoisement et se met à taquiner la louve argentée en lui donnant des frissons alors que celle-ci est toujours en chasse. La femelle trottine d'un pas régulier en gardant les sens aux aguets et en tentant d'oublier le froid qui lui mord la truffe et s'immisce dans sa fourrure ébouriffée. Etant en tête du cortège, Djall se doit de mémoriser le chemin qu'ils empruntent pour être certaine de retourner sans difficultés aux ruines. Néanmoins, cette immense forêt n'a pas de secrets pour elle et sa priorité reste de trouver le gibier. Elle a conscience de l'agacement du loup qui avance derrière elle, des relents de l'odeur caractéristique qu'a la colère flottent autour de lui. Soudain, un énorme chêne au tronc très large et aux grosses racines qui sortent de la terre et s'entremêlent en formant un nid apparaît. La Navnik s'arrête à son pieds et adresse un couinement bref à son acolyte pour l'interpeller. Elle marque rapidement l'écorce de cet arbre de son urine et aboie à son camarade :

« - On devrait se reposer ici une heure avant de continuer, j'ai l'impression qu'il va nous falloir faire encore beaucoup de route avant de trouver le gibier. »

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La colère commence à s'insinuer en moi. Décidément ce n'était pas le jour d'aller chasser, et visiblement le Destin me fait payer cher mon arrogance. J'ai cru que j'aurais plus de chance en invitant l'un des miens à traquer une proie avec moi, et voilà que je m'humilie face à l'une de nos guerrières alors que je devrais être celui qui montre l'exemple et qui lui rappelle comment chasser. Je soupire, mais je continue de chercher avec acharnement, je finirais bien par trouver quelque chose, peu importe ce que c'est. Une proie, un cadavre, même des restes de viande me suffirait. Je veux juste ne pas rentrer chez les miens les crocs vides. Je veux être un digne chasseur, parce que je veux servir les miens. Mais, après de longues minutes et même une pause imposée par Djall, je ne trouve toujours rien. Les sentiers sont vides de vie, les bois sont vides d'odeurs et je suis là, perdu, à essayer désespérément de trouver quelque chose sans me rendre compte qu'à mes côtés, la jeune femelle a trouvé quelque chose de bien intéressant.

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Je crois que j'ai la poisse. Je regrette même de m'être levé ce matin, parce que visiblement ce n'était pas le jour pour chasser. La prochaine fois, je me contenterais de m'entraîner simplement, et fini les chasses groupées si c'est pour me retrouver à être un boulet pour ma propre meute. Je soupire, je suis Djall dans toutes les directions et j'essaie de trouver une piste malgré tout, espérant rétablie l'équilibre avant qu'elle ne me prenne réellement pour un bon à rien. J'ai envie de soupirer, j'ai presque envie de laisser tomber, aussi. Je déteste me sentir inutile, et c'est exactement ce que je suis aujourd'hui, alors que je voudrais tant me rendre utile pour les miens. Brusquement, la jeune louve part en trombe. Je reste immobile à fixer les fourrés dans lesquels elle a disparu, et j'attends en essayant de savoir par l'ouïe où elle se trouve. Puis, la voilà qui me percute et je roule au sol, avant de voir naître sur son visage un sourire ravi. Elle a réussi ! Elle a capturé une proie !

- Au moins ne rentrerons-nous pas bredouille.

Je me redresse en souriant gauchement.

- Parles pour toi ...

Son regard m'observe, tous mes sens sont en alerte. Vais-je abandonner, ou croire encore à une réussite ? Je secoue la tête, et je me mets en marche. Non, hors de question de m'arrêter maintenant. Moi aussi, je dois trouver quelque chose.

- Allons en route, je ne m'avoue pas vaincu.

Bien au contraire. Je cherche encore et toujours une quelconque odeur, n'importe quoi qui serait utile à la meute.

EDIT:

« Parle pour toi, dit-il d'un air contrarié avant de secouer la tête et de se remettre à marcher, allons en route je ne m'avoue pas vaincu. »

Djall hoche vivement sa tête argentée en signe de totale approbation et se met à trotter sur les talons de son camarade, après avoir quelque peu enseveli le lapin mort. Elle décide de le laisser en tête du cortège et lui apporte son soutien en dégageant une odeur apaisante et confiante. Soudain, la femelle trébuche bêtement sur une racine cachée par les feuilles mortes et s'étale de tout son long face contre terre, le museau dans l'humus tiède. C'est à ce moment-là qu'elle aperçoit une masse brune et immobile qui dégage une salle odeur à quelques mètres sous un buisson. Elle se redresse d'un bond et pousse un aboiement pour alerter Natan avant de se diriger vers sa trouvaille. De ses longs crocs ivoires, elle arrache avec force un morceau de la broussaille qui masque sa découverte et dévoile un cadavre aux yeux du duo. Elle fronce le nez de dégoût quand une effluve du parfum nauséabond de la pourriture l'attaque. Ce qu'elle vient de faire rouler du bout des griffes est un gros chien couleur de tronc d'arbre, inerte et en décomposition le ventre ouvert de part en part et grouillant de mouches noires. Elle recule, le cœur soulevé par l'horreur.

« Que fait-on ? questionne-t-elle d'un gémissement écoeuré, pour ma part je ne donnerais pas ça à manger à nos frères et sœurs de meute. »