L'entraînement est utile pour tous ceux qui souhaitent progresser. Je le sais très bien, car on m'a apprit celle leçon il y a peu, lors de mon premier entraînement en duo. Je n'ai pas l'habitude pourtant de m'entraîner à deux, c'est bien pour cette raison que j'ai décidé aujourd'hui de me rendre sur la plage blanche pour m'entraîner, seule.
Je vais faire de mon mieux pour travailler ma vitesse. Le sable qui rentre dans mes coussinets ne gênera pas ma course, je m'y suis habituée. Et puis avoir un adversaire contre qui courir m'aidera à me surpasser.
Car la mer est la meilleure entraîneuse qui soit.
Aussitôt arrivée, je m'échauffe un petit peu en trottinant sur place, le regard fixé vers le lointain, l'horizon de l'océan. Je sais que le sol est truffé de barbelés, je risquerais de me blesser. Mais c'est là encore une motivation de plus.
Je m'élance soudain, mes pattes martelant le sol sablonneux. Je cours d'abord loin de la mer, mieux vaut éviter de me mouiller les coussinets dès le début. J'exécute donc une simple longueur, avec une certaine chance car je ne croise aucun barbelé. Mais empruntant un chemin différant pour le retour à mon point de départ, j'évite de justesse un piquant sortant du sol. S'il s'était enfoncé dans mon coussinet, j'aurais beaucoup souffert, mais au lieu de ça m'a vitesse m'a aidé à prendre de l'élan pour sauter par-dessus. 
Je fais encore deux ou trois allers-retours, puis m'arrête, essoufflée. Je sens mes muscles tendus au maximum, et mon coeur qui bat à toute allure. Il va maintenant falloir que je me rapproche un peu de l'océan.
J'avance donc vers la mer, et me stoppe au moment où l'eau lèche mes pattes. Voilà un bon endroit pour courir. Je respire longuement, reprenant mon souffle, puis m'élance à toute vitesse le long de la mer, sursautant à chaque fois que l'eau touche ma fourrure. Heureusement, je suis encore assez loin du bord, je ne risque pas grand chose.
Mais la troisième étape de mon entraînement à la vitesse, je le connais bien. Je dois pousser mes limites le plus loin possible, et je me rapproche encore un peu plus de l'eau, m'enfonçant dans l'océan jusqu'à mi-pattes. La mer va ainsi bloquer mes mouvements de course, m'obligeant à donner plus d'efforts, et musclant donc plus mes pattes. Le froid glacial de l'océan me donne des frissons, mais je me force à emmener la surface de l'eau jusqu'à mi-pattes. Puis enfin, je m'élance, avançant difficilement mais forçant le plus possible pour avancer vite, mes pattes martelant le fond sablonneux de la mer. 
Puis, après un aller-retour avec de l'eau à mi-pattes, je sors de l'eau, pique un petit sprint pour sécher mon pelage, puis reviens sur le bord de la mer, fatiguée, mais satisfaite. Je m'assieds, exténuée, calmant ma respiration du mieux possible, puis réfléchis à la deuxième étape de mon entraînement sur la plage.
L'endurance. 

L'entraînement de la veille m'a fatigué, je dois le dire. Je ne suis plus aussi solide que dans ma jeunesse, même si l'on ne peut pas dire que je sois vieille non plus. Je suis seulement... Un peu rouillée, voilà tout. Pas de quoi s'alarmer.

Mais je suis bien résignée à retourner sur la Plage Blanche pour poursuivre mon entraînement. J'ai décidé qu'il durera plusieurs jours, mais je ferais quelques pauses de temps en temps, d'un jour ou deux. Le but n'est pas de me tuer non plus. Car aujourd'hui, j'ai déjà très mal aux pattes rien qu'en arrivant sur le sable.

Heureusement, la texture du sol apaise ma douleur, et bientôt, je me sens de nouveau d'attaque. Je vais éviter cependant de nager, car je n'ai pas envie de tomber malade à cause du froid. Il y a un petit vent frais aujourd'hui qui pourrait me faire défaut.

A la place, je décide de travailler ma force, et un peu mon endurance. Je reste donc en bordure de la plage, là où quelques rondins traînent encore. J'en choisi un au hasard, et me place derrière avant de prendre de grandes goulées d'air pour bien me calmer avant cet entraînement difficile. Il faut toujours gérer sa respiration avant les grands efforts.

Puis je débute.

Je pousse, je pousse, avec tout ce que je peux. Ma tête, mon corps, mes côtes. Le rondin est lourd, très lourd. On pourrait presque dire qu'il s'agit d'un tronc.

Je le pousse jusqu'en haut d'une petite dune de sable, puis soudain il glisse jusqu'en bas. Parfaitement ce que je voulais. Maintenant, je vais devoir le repousser jusqu'en haut. De quoi bien dégourdir mes pattes.

Je glisse jusqu'en bas de la dune, me replace derrière le rondin, respire, puis pousse. Je pousse, je pousse de nouveau. Mes pattes dérapent dans le sable, mais je tiens bon, je pousse le rondin de toutes mes forces. La sueur perle de long de mon pelage noir corbeau, et je sers les mâchoires en lâchant un petit gémissement d'effort. Je progresse, dans la montée, puis soudain le poids se relâche. Le sol est redevenu plat, j'ai réussi à grimper jusqu'en haut, à pousser le rondin jusqu'à son point de départ.

Je reprends mon souffle, exténuée, puis retourne vers la bordure de la plage. Cette fois-ci, je vais entraîner mes mâchoires. J'attrape une petite branche, très fine, et la glisse entre mes crocs. 

Je la broie facilement.

Je recommence avec une autre, plus grosse, et j'ai un peu plus de difficulté à la broyer, mais elle finit par craquer. Je la jette et en attrape une autre. Mes crocs serrent, serrent la branche le plus fort possible. Mes traits se plissent, mes paupières se ferment, je serre je serre... Puis la branche craque dans un grand bruit. Des morceaux d'écharde se plantent dans ma langue, et je pousse un gémissement. Aussitôt, j'agis en conséquence et retire les deux petites échardes brunes avant de stopper net en voyant un autre rondin, très ressemblant au premier que j'ai poussé. Mais celui-ci est stabilisé en équilibre sur une sorte de pierre. C'est un parfait entraînement pour l'équilibre justement.

Je bondis alors sur le rondin, qui tangue dangereusement, puis tente de rester sans bouger sur le bout de bois. Je vacille à plusieurs reprise de droite à gauche, mais je tiens bon. Ma queue m'aide à ne pas chuter. 

Je reste quelques secondes, puis redescends. Je suis fatiguée. Il est temps de rentrer, je pense m'être assez entraînée pour aujourd'hui. Force, endurance, équilibre. De très bons exercices.

Je sais que je vais avoir mal aux pattes ce soir et demain, mais ce n'est pas grave. Intérieurement, je me sens heureuse. J'ai enfin trouvé une occupation qui me rends fière de moi. 

Et c'est grâce à Sköll que j'en suis là.

Voilà maintenant deux-jours que je ne suis pas revenue sur la Plage Blanche pour m'entraîner. J'ai eu un peu mal à la mâchoire suite à mon entraînement de force, et très mal aux pattes également. Et oui, les entraînements ont toujours des conséquences sur nos muscles, c'est normal. Mais cela ne m'empêchera pas pour autant de continuer de me perfectionner. 

J'ai décidé, dans la nuit, alors que j'avais un mal fou à m'endormir, d'alterner les entraînements. Un jour vitesse et endurance, un jour force. Comme cela, ce sera équilibré, normalement.

Je me rends donc jusqu'à la plage, en courant, malgré le fait que je sois assez fatiguée, faute de manque de sommeil cette nuit. Bizarrement, j'ai eu beaucoup de mal à m'endormir, même si j'ai fini par plonger dans le sommeil après des heures à me tourner et à me retourner dans ma tanière. Peut-être était-ce dû, qui sait, à l'excitation de l'entraînement ?

Lorsque je sens enfin le sable doux sous mes pattes, je pousse un soupir rauque et reprends difficilement ma respiration. C'est étrange, je ne me sens pas très bien, alors que l'entraînement n'a même pas débuté. J'ai juste courut un peu dans la forêt pour m'échauffer...

J'ai également un petit peu mal à la tête, et je décide de ne pas courir finalement. Cela ne ferait qu'aggraver mon cas. Mais maintenant que je suis là, que faire ?

Je me rapproche lentement de l'eau, qui est d'ailleurs quelque peu agitée. Les vagues viennent lécher la plage, et je me surprends à faire un bond en arrière lorsqu'elle arrive jusqu'à mes pattes. C'est alors que l'idée me vient. 

Je vais m'entraîner au saut et à l'esquive. Contre les vagues.

Je reviens donc au bord de la mer, et saute le plus haut possible lorsque l'eau arrive jusqu'à mes pattes. Je recommence avec la prochaine vague, puis avec la suivante, et exécute ainsi une série d'une dizaine de sauts. 

Je me repose au sol, haletante, et décide de compliquer les choses. Cette fois-ci, à chaque fois qu'une vague s'apprête à m'attraper les griffes, je saute en tournoyant sur moi-même. Je reproduis le mouvement cinq fois, puis enchaîne avec des petits sauts à ras du sol, très rapides. L'eau gicle tandis que je la frappe avec mes pattes, et je me surprends moi-même à sourire. L'entraînement peut être amusant finalement !

Je sens que mes pattes me font mal, signe que l'entraînement est efficace, et j'exécute maintenant des séries différentes. Un saut en hauteur, un saut tournoyant, et trois petits sauts à ras du sol. Des petites gouttes de sueur perlent le long de mon front, et alors que je m'amuse bien avec mes sauts, la fatigue me rattrape. La tête me tourne, et je m'arrête soudain, manquant de m'effondrer dans l'eau. Je recule alors de quelques pas, histoire de m'éloigner de la mer, et me laisse m'allonger lentement sur le sable. Je reste ainsi quelques instants, exténuée, la tête douloureuse. J'ai rarement des maux de crâne, mais je suppose que ceux-ci doivent être dus à mon insomnie de cette nuit. 

J'en conclus donc qu'il faut que je rentre, et me relève difficilement, les pattes flageolantes, les yeux plissés. Cet entraînement aura été utile pour mes pattes, mais pas pour ma tête. 

Et j'espère bien que je ne suis pas tombée malade, d'une quelconque épidémie étrange ou contamination de je ne sais quoi.

Car en tant que solitaire, se soigner est bien plus difficile que lorsque l'on est loup de meute...