La famine. Je la sens, tout le monde la sent. Nous aurons soit été trop gloutons, soit ç'auront été les humains les plus morts de faim. Façon de parler. Ils ne meurent jamais de faim, eux. Contrairement à nous. C'est d'ailleurs pour cela que je pars, encore une fois, à la chasse. Je ne peux, comme d'habitude, m'empêcher de revenir sur toutes les traces de mon passé. Enfin, je dis encore une fois, non ... Je suis chasseuse, c'est un peu normal. Même si je suis encore apprentie. Ce qui, en soit, n'a pas vraiment de sens. À ce train-là, Élios sera guerrier avant que moi-même je ne sois chasseuse ! Des fois, je me permets de maudire Yroen. J'en aurais presque dit "Feu Yroen", mais passons. Je deviendrais bien chasseuse, je me donnerais volontiers à fond, mais ce ne sont pas les préoccupations premières de la meute. Il n'y a pas d'autres « vrais » chasseurs dans la meute, à part Hybride, qui soient encore en état de me donner la leçon. Et encore. Je me suis déjà entraînée avec elle. Et Kaïs. Oh, Kaïs. J'imagine que ce sont les Lames de Foudres qui l'ont emportée, tout comme son père. Elle est sûrement plus heureuse désormais.

En parcourant cet endroit, je ne peux m'empêcher de penser aux tunnels, près du camp de survie. Un entremêlement de boyaux, de couloirs, interminables, labyrinthique. Où l'on se perd vite. C'est pourquoi je ne prends toujours que les virages à gauche, ainsi, je n'aurais plus qu'à rebrousser chemin rien qu'en allant à droite pour m'y retrouver. Pas folle, la mouche. Je secoue la tête. Eh bien, ça aura été rapide ! Là, devant moi ! Je vois un lapin. Un lapin ? Étrange. M'enfin, de la nourriture, c'est de la nourriture, même si je me demande comment il a pu arriver là. En remarque, je n'étais jamais venue ici. Comme je ne tiens pas à engager une course poursuite pour me perdre dans l'enchevêtrement de tunnel, je m'aplatis, ventre collé au sol, et m'avance à pas feutrés. Un pas après l'autre, oreilles dressées, épaules saillantes. Je me lèche inconsciemment les babines à la vue de cette proie tellement à ma portée. Petite, je n'aurais jamais été aussi prudente. Ou même inquiète pour l'avenir de la meute. J'aurais foncé tête baissée et aurais terminée fière si je l'attrapais, déçue de ne pas l'avoir mais après tout, je m'en fichais bien quelques instants après ! Non, là, la seule chose qui m'importe, c'est bien la survie de la meute. Un pas. Deux pas. Et je bondis sur le lapin qui lâche un couinement avant que sa nuque ne soit brisée dans un craquement sourd. Sans même une once de fierté, je m'apprête déjà à la poser pour repartir à la chasse. Ma patte gratte curieusement le sol avant que je ne me reprenne. Kaïs m'avait appris à enterrer les proies pour les récupérer plus tard, et ce souvenir m'arrache à la fois un sourire et un pincement au cœur. J'arrête aussitôt.

Une journée sans bredouille, ah ! mais faudrait-il encor
Retrouver la piste du gibier, parcourir ce décor
Attraper quelque met
Quelque chose de parfait
Rattraper ce dessein
Trouver une piste enfin
Peut-être qu'il n'y en aura pas
N'importe quoi
Quelque gibier !
Un épervier
Ou bien
Encor un lapin
Une souris par hasard
Je traverse un épar
Débouche dans un boyau
Le vent traverse l'endroit
Ce que je sens sont ses fumets
Il s'agit bien d'un lapin
Ou bien un lièvre son cousin
Je ne réfléchirais pas
Je m'avance de quelques pas
Lentement
Sûrement
Je réitère mon exploit
Ni une ni une deux, je suis déjà
Sur lui, à lui briser le cou
C'est une proie de plus pour nous les loups
Une de moins
Pour les humains ou leurs chiens