Je me fraie un passage dans l’obscurité à peine éclairée par le cliquetis des lumières. Ce sont de longs éclairages bleutés, cependant certains s'éteignent, d'autres clignotent. Par moments, certains grillent, projetant une nuée d'étincelles et répandant une odeur de brûlé. Je ne suis pas très loin du camp de survie, la Salle de Contrôle, mais tout de même proche du Tunnel qui mène à la surface. L’atmosphère ici est pesante. Étouffante. Effrayante. Les boyaux s'entremêlent, créant un parfait labyrinthe, mais je parviens à me repérer à l'odeur. Je jette un regard circulaire tout autour de moi. Mes pas résonnent dans ce couloir vide. Il n'existe que moi ici. Moi, et le néant.

Je continue d'avancer. J'ignore sincèrement ce qu'il peut se trouver ici, si bas sous terre. Des proies, peut-être ? Je viens ici très incertaine. Des rats, des insectes, n'importe quoi. Élios, la meute, ils commencent tous à avoir faim. C'est bien mon devoir de les aider, seulement, remonter à la surface risquerait d'être dangereux. Hélas, si je ne trouve rien sous terre, je serais sûrement contrainte d'y aller.

Une cavalcade se répercutant dans les parois résonnantes attire soudainement mon attention. Je plisse les yeux, rejette la queue en arrière et avance à pas feutrés. Des grattements, un pouls effréné. Il y a quelque chose tout près. J'ignore encore quoi, mais ce ne peut être un loup. Oh, si, peut-être un louveteau, très jeune. L'idée que ça peut être Élios me prend, mais s'évapore aussitôt que je tombe nez à nez avec une souris. Une souris ! Mes pattes réagissent d'elles-mêmes et je me précipite à sa suite. La souris m'aperçoit, eh oui, je n'aurais pas été très discrète. Mon ombre englobe les murs et le sol, gracieuse, tandis que je pourchasse le rongeur à travers les couloirs. Il est très rapide, bientôt, je me fais distancer. La souris disparaît dans une fissure dans le mur et je m'écrase contre la paroi. Je secoue la tête, me remet sur mes pattes. Un grognement d'exaspération s'échappe de ma gorge. Je me remets en marche. La prochaine fois, je tâcherais d'être discrète. Tss.

Je marche un bon moment sans rien trouver. Je reprends encore mon souffle de cette poursuite à toute allure. Et puis ... Je commence à croire que cette souris égarée n'était qu'une aubaine, et qu'avec ma course-poursuite dans le dédale, j'ai du faire fuir toutes les proies de ce foutu souterrain. Je me maudis moi-même, le regard à mes pattes, laissant échapper des grognements d'exaspération. Un fumet de rongeur vient alors me chatouiller les narines. Cette fois, je lève doucement la tête et avance doucement, cherchant l'origine de l'odeur. Un rat. Oui, c'est cela, un rat se promène ici. Et je compte bien le trouver. Je suis quelques couloirs, la gueule entrouverte pour mieux pister cette trace. Elle s'intensifie à mesure que j'emprunte couloirs sur couloirs, et là, je le trouve enfin. Au détour d'un croisement, je l'aperçois accolé à la paroi, presque comme s'il m'attendait. Je m'approche doucement, en retenant presque mon souffle, le poitrail collé au sol. J'avance à pas de loup, et me surprend à arriver à seulement quelques pas du rongeur. Il renifle soudain. Il se retourne et ses prunelles reflètent toute la peur qu'il éprouve à ma vision. Il s'enfuit aussi vite qu'il peut, ridicule comme à l'habitude de ce type de rongeur. Seulement, j'ai déjà bondis, retombant tout près de lui. Je le saisis immédiatement entre mes crocs et serre le plus fort possible. Il se débat en criant et gémissant, alors que je me secoue dans tous les sens, tentant de lui faire perdre énergie. Je sens enfin que ses forces le quittent, mes mâchoires se dé-serrent lentement, progressivement, jusqu'à s'ouvrir sans un spasme soudain. Le rat mort tombe à terre, inerte. Je secoue la tête, non mécontente de moi, puis le ramasse. Je reprends mon chemin. Une seconde proie pour bien terminer cette excursion me mettrait toute en joie.

J'ignore si c'est l'odeur du rat mort dans ma gueule qui m'obstrue les sens ou qui fait fuir les gibiers, mais sur ma route, je ne trouve aucune autre proie. Peut-être les proies sont-elles extrêmement rares ici. Tant pis. Au moins, je ne rentre pas bredouille. Mon rat pend dans ma gueule, se balançant au rythme de mes pas. Je suis tant bien que mal ma propre trace et reprends le chemin de la Salle de Contrôle.